Question au Rav, c’est plus de 40 000 réponses écrites depuis sa création en 2014 et près d’un millier d’appels par mois. A l’approche des cinq ans de ce service, nous rencontrons Rav Dayan venu partager son expérience au sein de cette magnifique initiative de diffusion de Torah.

1/ Rav Dayan bonjour. Le public de Torah-Box vous connaît principalement à travers le service de Question au Rav. Qu'est-ce qui vous a poussé à accepter cette occupation ?

L'étude de la Torah est la plus grande des 613 Mitsvot de la Torah. Mais l'enseigner aux autres est une Mitsva encore plus grande. Depuis notre plus tendre âge, nous avons grandi sur cet enseignement. Il y a de très nombreuses références à ce sujet. Donc, lorsque l'occasion s'est présentée, il nous a été difficile de la repousser. D'autre part, il faut savoir qu'en étant à l'écoute (ou "à l'écrit") dans un tel service, on devient le Choutaf - l'associé d'Hachem. Que peut-on espérer de mieux ?! Mais attention, c'est aussi une immense responsabilité, puisque nous sommes censés Le représenter. La plus grande prudence s’impose donc ! Nous n'avons pas le droit à l’erreur.

2/ Dans la vie de tous les jours, comment cela se concrétise-t-il ?

Le service téléphonique Question au Rav reçoit, en période "calme", entre 1000 et 1200 appels par mois.

Les conversations durent de 45 secondes à 3 heures. Je rédige entre 180 et 200 réponses écrites par mois. Sans compter les répliques qu'il faut offrir aux internautes qui posent des questions sur les réponses ! La rédaction d'une réponse peut prendre plus de quelques heures. Nous nous efforçons d'y mentionner des références afin d'enrichir la réponse et de prouver à l'auteur de la question que sa demande a fait l'objet d'une recherche. J'essaie d'être disponible de 9h30 à 00h00. Parfois, j'hésite avant de consommer du pain, car je crains que durant les 8 minutes du Birkat Hamazone, il y ait des appels.

Avec l'expérience, j'ai appris qu'il est interdit de déconsidérer le moindre appel. C'est en fait une Mitsva qui se présente à nous ! Il est strictement interdit de la repousser. Qu'Hachem nous aide à accomplir le plus de Mitsvot possibles.

Il y a quelque temps, je discutais avec une personne et j'hésitais à répondre, me disant que ce n'était pas honorable. Je finis par lui demander des excuses et je répondis. Il s'agissait d'une femme toute soucieuse. Elle était à la cuisine et, suite à une erreur, elle ne savait plus quoi faire avec la pâte de ses 'Hallot. Qu'aurait-elle fait sans réponse ? Quelle peine aurait-elle ressentie ?

Petite anecdote : Dernièrement, nous étions invités à prendre part à une grande réunion. Je n'ai pas eu la possibilité de répondre au téléphone durant près d'une demi-heure. Lorsqu'ensuite, mes yeux se posèrent sur l'écran de mon appareil téléphonique, j'aperçus le message suivant : "60 appels en absence" ! Quelques minutes plus tard, je reçois un appel de la part d'Eric, un des grands Tsadikim de Torah Box, inquiet : "Allô, Rav Dayan ?" J'ai, de suite, compris quel était le but de son appel et, sans plus attendre, j'ai enchaîné en le réconfortant : "Baroukh Hachem, tout va bien, il m’était impossible de répondre…". Dans un tel cas, les appels sont dirigés vers d’autres Rabbanim, mais apparemment, ils étaient en ligne.

5/ Le succès de ce service, est-ce le reflet d'une génération de Techouva ?

Je suis un peu gêné d'utiliser le terme "succès", car il a parfois une connotation négative ou inadéquate lorsqu'il s'agit de Zikouy Harabim et de diffusion de Torah. On devrait plutôt parler de mérite.

Il va sans dire qu’avec le grand nombre de personnes, de tout horizon, se rapprochant de la religion, un immense besoin s’est naturellement fait sentir et il fallait un grand moyen qui puisse « parler » leur langage - que ce soit dans le fond ou dans la forme. C'est Rabbi Binyamin Benhamou (fondateur de Torah-Box) qui a été choisi pour mener à bien cette tâche si noble. Il sait mettre au service de la communauté ses connaissances et son envie de voir le plus grand nombre, baigner dans les eaux de la Torah.

3/ Vous parliez de personnes de tout horizon, il n'y a donc pas un public standard ?

Tous les publics s'adressent au service Question au Rav. Que ce soit par le biais du service téléphonique ou des questions écrites. Même de nombreux Ba'hourim en Yéchiva et jeunes filles de séminaire font appel à ces services. Des femmes ou des hommes appellent, font fonctionner le haut parleur de leur appareil et attendent avec impatience la réponse de Torah-Box qui est écoutée par tous - comme si l'on était face au mont Sinaï. L’épanouissement extraordinaire de la Torah et de la Téchouva à travers le monde est extraordinaire, mais on ressent, malgré tout, un certain manque assez important à combler.

Un Rav nous a dit dernièrement : "J'ai toujours pensé que la Torah a été transmise sur le Mont Sinaï. Mais avec mes fidèles, j'ai l'impression que la Torah a été transmise par Torah-Box. Je ne cesse d'entendre : Torah-Box dit, Torah-Box écrit, etc." On s'étonne plus d'une fois en entendant de l'autre côté de la ligne, les interlocuteurs "se disputer" : "Tu vois, Torah-Box dit que c'est permis ! Tu n'as plus rien à dire" ou bien encore : "On va appeler Torah-Box, c'est eux qui auront le dernier mot !".

4/ Y a-t-il des questions qui reviennent souvent ?

L'éventail des questions est très large. Les sujets les plus traités sont le Chabbath, les questions de deuil, les mélanges de lait et viande, la pureté familiale, les questions concernant le Chalom Bayit et de nombreuses questions concernant la vie courante ou des conseils d'ordre général.

A l'approche des fêtes, je pense que le téléphone retentit, en moyenne, toutes les deux minutes.

5/ Y a-t-il des questions qui vous ont particulièrement touchées ?

Il y en a énormément. Des jeunes filles et des jeunes hommes, non encore mariés, errant dans la nature, sans maître et sans guide. Des familles dont l'un des enfants a quitté le bon chemin, voire, la maison. Des couples sur le point de vivre une coupure douloureuse. Infidélité, due au manque de Tsniout sur le lieu de travail. Des familles françaises ayant fait la Aliya et vivant de vraies catastrophes. Des personnes vivant maritalement d'une manière non conforme aux exigences de la Halakha…

Dernièrement, un jeune homme appelle, car il est dans une situation très épineuse : son grand-père venait de décéder, mais le papa du jeune homme n’en était pas informé. Il ne savait pas comment remplir cette tâche, d’autant plus qu’il fallait songer au voyage pour l’enterrement. Baroukh Hachem, nous avons trouvé une idée astucieuse qui lui inspira confiance.

6/ Vous arrive-t-il parfois d'aller au-delà de vos fonctions ?

D'une manière générale, la fonction de Rav et surtout celle qui consiste à être sur le front en répondant aux appels d'un tel service, doit faire appel à des qualités telles que l'écoute (au sens large du terme), la patience, la persévérance et la sensibilité. Nous apprenons cela de Hillel. Voir Talmud Chabbath 30b-31a. D'autre part, lorsque nous remplissons une telle fonction, nous avons l'obligation de satisfaire l'auteur de la question "quel qu'en soit le prix". Même lorsqu'il faut annoncer une décision douloureuse, il faut le faire d'une manière douce afin qu'elle soit acceptée avec joie et avec la conviction qu'il s'agit d'une décision divine.

Une fois, j'ai dû passer plus de 2 heures pour transformer une femme "accusatrice" en "coupable".

Il est interdit de fermer les yeux ou les oreilles : il faut fouiner et approfondir. Il ne faut pas se suffire de répondre à la question posée. Assez souvent, la vraie question n'a pas été formulée explicitement.

Une dame a appelé pour se plaindre de son mari qui élevait des escargots sur le balcon. Ceci la répugnait.

Légitime, non ? Hachem m'a aidé et je ne sais plus comment, en discutant avec cette dame, je me suis aperçu que son mari était... non-juif ! Elle se plaignait d'un problème mineur, alors que le vrai souci se trouvait ailleurs ! Bien entendu, j'ai de suite aiguillé la conversation sur le vrai souci, en laissant de côté nos amis les bêtes.

Sans l'aide d'Hachem, rien n'est possible. Il faut constamment prier pour mériter de dire les bons mots, aux bons moments et aux bonnes personnes.

Durant les semaines passées, une femme a contacté le service Question au Rav pour faire part de son souhait d’avortement. Nous avons engagé une conversation de près d’une heure avec des appels par la suite, en « service après-vente ». Je lui ai même proposé de prendre l’enfant après la naissance, afin de le transmettre à un organisme spécialisé avec une aide financière. Baroukh Hachem, elle a accepté.

Une maman appelle car sa fille âgée de 21 ans est envoûtée. Un garçon a réussi à lui faire quitter la maison pour aller habiter proche de chez lui. Elle crie au secours afin que Torah-Box puisse agir et nous demande de contacter les parents du garçon. C’est ce que nous avons fait sans avoir le droit d’hésiter.

En France, le soir du Gala de Torah-Box, une maman Tsadékèt, accompagnée de sa fille, nous fait part d’un réel souci : sa fille a déjà rencontré plus de 18 garçons et toujours rien. Dernièrement, elle était sur le point de célébrer les fiançailles, quand soudainement, les parents reçoivent un coup de téléphone pour tout stopper. Dans la même soirée, un garçon de bonne famille s’adresse à moi et l’on discute… Une idée m’est envoyée du Ciel - vous avez deviné. Le Chiddoukh est lancé et, depuis Israël, les rencontres sont gérées.

Dans peu de temps, les fiançailles devraient être célébrées.

Une dame a appelé, toute chagrinée : elle a une dizaine de grosses caisses remplies de journaux et de brochures contenant des paroles de Torah, que son mari et son fils achètent toutes les semaines. Elle ne sait pas quoi en faire : les jeter à la poubelle ? Hachem Yichmor ! Nous devons en quelques instants éviter cette catastrophe et nous transformer en responsables de Gueniza sans dire le moindre mot et avec le sourire.

Nous lui avons donc proposé les services d'un chauffeur qui viendra, à son domicile, pour la débarrasser de ces nombreuses caisses.

Il est à noter que les questions parviennent à tout moment de la journée ou de la nuit, au téléphone ou à l’écrit. L’urgence et la gravité de certaines d’entre elles ne permettent pas d’avoir des heures fixes de "travail". L’idée d’une peine ou d’une angoisse ressentie par l’auteur de la question ne laissent pas le choix. Il faut obligatoirement s’asseoir et rédiger une réponse ou s’isoler afin de répondre au téléphone, de la meilleure manière.

Mais détrompez-vous, ce n'est pas une contrainte, c'est un vrai plaisir. Le jour du 9 Av, je ne sens presque pas le jeûne passer. La majeure partie de la journée, je suis au téléphone avec tous ceux ou toutes celles qui ont du mal à jeûner ou qui désirent connaître certaines des lois de ce jour.

7/ Certains pensent qu'un Rav n'est pas à même de comprendre leurs problèmes ou leurs situations personnelles. Qu'auriez-vous à leur répondre ?

Ils font une erreur, car la Torah est une source inépuisable de vérité. Nos Sages, les ‘Hakhamim, affirment : « Tourne-la [la Torah] et retourne-la en tous les sens, [nul besoin d’aller ailleurs car] tu y trouveras tout. Par elle, seule, tu connaîtras la vérité et tu verras le monde sous son aspect véridique. Ne t’en détourne jamais, car il n’y a pas de meilleure mesure qu’elle. » Pirké Avot, chapitre 5, Michna 22.

Le Rav Lehman écrit : "Toute connaissance humaine est, forcément, fragmentaire, et la spécialisation est devenue, dans les études profanes, une nécessité absolue. La Torah seule est universelle et contient tout !"

C’est ce que David Hamélèkh écrit : « A toute recherche, j’ai trouvé fin ; seule Ta loi est infiniment vaste ». Téhilim 119, verset 96.

Chlomo Hamélèkh, le plus sage de tous les hommes, écrit : « Elle te guidera là où tu iras ». Michlé chapitre 6, verset 22.

8/ Et les personnes plus timides qui n'osent pas appeler, un conseil ?

Eux aussi font une erreur. Le Rav n’a qu’un seul but : venir en aide ou réconforter. Les personnes timides devraient avoir en tête les versets suivants : « La Torah d’Hachem est parfaite, elle réconforte l'âme. Les préceptes d’Hachem sont droits, ils réjouissent le cœur. Les commandements de l’Éternel sont lumineux, ils éclairent les yeux. Les jugements de l’Éternel sont vérité, ils sont parfaits. Plus désirables que l'or, que beaucoup d'or fin, plus doux que le miel". Téhilim 19.

'Hanna P.