Extrait de la Paracha Chémot : « Qui t’a nommé dirigeant et juge sur nous ? Voudrais-tu me tuer comme tu as tué l’Égyptien ? » Moché prit peur et se dit : « En vérité, la chose est connue ! » (Chémot 2:14).

Rachi explique sur les mots « Moché prit peur » : « … selon l’interprétation du Midrach, il prit peur en voyant qu’il y avait parmi le peuple juif des délateurs ; il se dit qu’il ne méritait alors peut-être plus d’être délivré. »

Sur les mots « En réalité, la chose est connue », Rachi explique : « … selon le Midrach, "je connais à présent la réponse à la question qui me préoccupait, à savoir, comment était-il possible qu’Israël ait commis plus de fautes que les soixante-dix nations au point de subir un labeur si éreintant ? Mais je vois à présent qu’ils le méritent." »

La Paracha nous raconte comment Moché tua l’Égyptien qui battait un Juif. Le lendemain, il vit deux Juifs [1] qui se disputaient et tenta de les empêcher de continuer. L’un d’eux le menaça d’informer Pharaon du meurtre commis par Moché, ce qu’il fit effectivement. Cette conduite méprisable permit à Moché de résoudre l’énigme qui le tourmentait — pourquoi le peuple juif subissait-il un exil si pénible, plus que tout autre peuple ? En fait, ils étaient des accusateurs, des personnes qui désiraient diffuser du Lachon Hara' sur leurs prochains. De plus, Moché fut alarmé, parce qu’à cause de ce défaut, ils ne méritaient peut-être plus la délivrance.

Les commentateurs soulèvent un certain nombre de problèmes sur ce Midrach [2]. Le ‘Hafets ‘Haïm [3] met l’accent sur la question suivante : pourquoi est-ce précisément la faute du Lachon Hara' qui fut la cause de souffrances si atroces pour le peuple juif ? Il fait remarquer que les Bné Israël pratiquaient l’idolâtrie, qui ne provoqua pourtant pas tant de malheurs.

Il explique que lorsqu’une personne enfreint un interdit, un ange accusateur est créé ; il s’agit d’un être spirituel qui puise sa force de la faute qui le fit naître. Cet ange accuse le fauteur dans le Beth Din (Tribunal) Céleste, et ce dernier est alors puni. Or, si l’ange est créé par une action qui ne requiert pas la parole, celui-ci est privé de la faculté d’exprimer clairement l’infraction commise et la personne reste impunie.

La transgression du Lachon Hara' est néanmoins différente, parce qu’elle implique la parole. En conséquence, l’ange créé par cette faute est doté, lui aussi, de cette capacité. Il peut alors exprimer verbalement la nature du Lachon Hara' commis ; le ‘Hafets ‘Haïm poursuit en disant que cet ange énumère également toutes les fautes non dites, que l’homme a commises jusqu’alors. Ainsi, le fait de dire du Lachon Hara' est la porte ouverte à une punition pour de nombreux autres péchés.

Ceci explique pourquoi le Lachon Hara' du peuple juif engendra les terribles souffrances qu’il dut endurer en Égypte. Sans ce démérite, les Bné Israël auraient été épargnés de la sanction reçue pour leurs autres fautes, comme l’idolâtrie, mais une fois que Moché vit clairement qu’ils avaient trébuché dans ce domaine, il comprit l’amertume de cet exil.

Cet enseignement précieux du ‘Hafets ‘Haïm nous rappelle, lui aussi, l’importance des efforts à fournir pour préserver notre langue. Les Guédolim (les « Grands », Sages en Torah) nous ont informé qu’il est primordial de consacrer, chaque jour, un moment, à étudier les lois du Lachon Hara' ainsi que les raisons de cet interdit. Sans cette connaissance des lois et un rappel constant concernant notre discours, il est impossible de se préserver de cette faute dévastatrice.

 


[1] Ces deux hommes étaient Datan et Aviram (Chémot Raba, 1:29 rapporté par Rachi, 2:12.)

[2] L’une des questions est que l’esclavage en Égypte était déjà décrété plusieurs siècles auparavant, lorsque Hachem annonça à Avraham que ses descendants seraient au service d’un peuple étranger. Voir Sifté ‘Hakhamim, Chemot, 2 : 14, s.v.50. On peut poser une deuxième question : cette histoire nous montre qu’une personne se rendit coupable de Lachon Hara' – en quoi cela prouve-t-il que tout le peuple en était fautif ? Voir Ayélat HaCha’har, Chémot, 2 : 14.

[3] Rapporté dans Tallelé Orot, Chémot, 2:14, p. 52.