Il existe un phénomène contemporain troublant et même affligeant. L’on voit de nos jours, de jeunes hommes de bonne famille, bien éduqués, consciencieux et sérieux qui dépassent allégrement la trentaine et qui s’enfoncent dans un célibat problématique. On est en droit de se demander ce qui explique une telle situation.

Il est patent de constater que l’homme contrairement à la femme, ne tend pas naturellement vers le mariage. La femme, alors qu’elle n’est encore qu’une toute jeune enfant, rêve déjà du jour de son mariage. Il n’existe aucun phénomène équivalent chez l’homme.

La Torah, consciente de cette réalité, impose à l’homme l’obligation de se marier, alors que la femme en est dispensée ainsi qu’il est rapporté dans la neuvième Michna du sixième chapitre du traité Yébamot, page 65b : « L’homme a l’obligation d’accomplir la Mitsva de la procréation alors que la femme en est dispensée. » En effet, quel besoin y a-t-il d’imposer à la femme l’obligation du mariage, alors qu’elle y tend de tout son être ? La Guémara, dans le traité Kidouchin 7a, dit au nom de Rèch Lakiche : « טב למיטב טן דו מלמיטב ארמלו », « lémeitav tan do milémeitav armelo ». Ce qui signifie que la femme préfère se marier plutôt que de rester seule, quitte à ne pas être trop exigeante sur le choix du conjoint.

On peut essayer de comprendre pourquoi l’homme ne tend pas naturellement vers le mariage. L’homme va se définir essentiellement par son rapport à l’étude : « והגית בו יומם ולילה », « tu l’étudieras jour et nuit » (Yéhochou’a 1,8). Ce qu’on attend de l’homme, c’est la capacité à appréhender des sujets et des thèmes variés de la Torah et à y consacrer le plus clair de son temps.

La femme quant à elle, est plutôt conçue comme la dispensatrice de la vie, à l’image de ‘Hava, la première femme, dont le nom signifie « אם כל חי », « mère de tout vivant » ainsi qu’il est mentionné dans Béréchit 3,20 : « ויקרא האדם שם אשתו חוה כי הוא היתה אם כל חי », « Adam appela sa femme ‘Hava car elle était la mère de tout vivant »

On peut dès lors saisir l’écart entre l’approche masculine et l’approche féminine de la vie ; l’homme étant pour sa part doté d’une capacité de théorisation importante, la femme quant à elle, étant capable de donner la vie.

Par conséquent, il est évident que celle dont la vocation est de donner la vie, tendra de tout son être à mettre en place un cadre propice à la réalisation de cette vocation, à savoir le mariage. Par contre, l’homme dont toute la vocation est d’étudier la Torah ne sera jamais aussi bien que dans le cadre d’une Yéchiva ou d’un Beth Hamidrach.

Pourquoi dès lors devrait-il se marier ? Parce que la Torah est une Torah de vie et non pas une science réservée aux acrobates de l’intellect (ainsi que l’explique Don Its’hak Abrabanel, un des plus importants commentateurs du Tanakh : assurer la continuité de l’espèce humaine est plus important encore que le fait de s’adonner à la sagesse) ; une Torah de vie qui donne la vie et qui s’inscrit dans le cadre d’une vie normale et équilibrée, autrement dit dans le cadre d’une vie maritale épanouie et harmonieuse.

L’homme est donc un être porté vers les hauteurs spirituelles et sublimes mais il doit accepter de descendre de son piédestal pour prendre femme. C’est d’ailleurs exactement en ces termes que s’exprime la Guémara dans Yébamot 63b : « נחות דרגא ונשא אתתא », « Descends d’une marche et prends femme ».

A savoir que le célibataire doit être capable de limiter ses exigences à la fois quantitativement et qualitativement pour se marier. Les paroles de nos Sages sont soigneusement pesées et marquées du sceau de l’inspiration divine : il ne s’agit pas seulement d’un conseil judicieux mais bien d’une démarche impérative pour tout celui qui désire convoler en justes noces. Descendre d’une marche, quitter son piédestal et oublier ses exigences trop nombreuses et variées ; reprendre contact avec le sol, avec la réalité et quitter le monde brumeux du fantasme.

Il est légitime d’avoir certaines exigences, de souhaiter ressentir des affinités sur les plans physique, intellectuel et spirituel ; mais on ne saurait multiplier les critères à l’infini. Car se marier est une Mitsva qui s’inscrit dans le monde réel avec ses imperfections et ses limitations. Les célibataires qui ne se marient pas, malgré le nombre élevé de propositions qui leur sont faites, sont des gens qui confondent fantasmes et réalité ; ayant une perception élevée de leur propre personne, ce qu’on pourrait appeler se trouver sur un piédestal, en l’occurrence totalement imaginaire, ils ont des exigences en rapport avec cette perception erronée d’eux-mêmes. La seule solution pour eux est de descendre de ce piédestal pour se trouver à nouveau mêlé au cours harmonieux de la vie comme il est dit dans Kohélet chapitre 9, verset 9 : « Vois la vie avec la femme que tu aimes ». Cela signifie qu’il faut passer de la théorie et de l’étude de la Torah, à sa réalisation pleine et entière qui ne peut se faire que dans le cadre du mariage. Car en effet, comme l’expliquent nos Sages dans le Midrach Rabba sur Béréchit : Rabbi Yehochou’a de Saknin dit au nom de Rabbi Lévi : «  Tout celui qui réside dans ce bas-monde sans être accompagné d’une épouse, sa vie n’est pas une vie ». Pour preuve de son enseignement, Rabbi Yéhochou’a de Saknin cite justement le verset de Kohélet que nous avons rapporté.  

Il est à noter qu’étant donné que la Mitsva de se marier revêt une grande importance au point de se placer en tête dans le décompte des Mitsvot, ainsi qu’il est mentionné dans la Torah, Béréchit 1,28 :   « D.ieu les bénit et leur dit : « Fructifiez et multipliez-vous, remplissez la terre et assurez-en la conquête. Dominez les poissons de la mer et les oiseaux du ciel et toute créature rampante sur terre », le Yétser Hara' (tendances négatives) ne voit pas d’un très bon œil les tentatives des célibataires de mettre fin à leur célibat.

Pour contourner cet obstacle, il est nécessaire entres autres choses d’adopter la démarche suivante : avoir deux ou trois critères de sélection de sa future épouse (pas plus). Une fois qu’on a rencontré la personne qui correspond à ces quelques critères, décider rapidement de se marier sans tergiverser et même s’il se présente par la suite quelque obstacle ou qu’on découvre quelque défaut chez l’élue de son cœur ou dans la famille de celle-ci, il ne faut pas pour autant renoncer au mariage. Ces éléments déstabilisants font partie intégrante du processus qui doit mener au mariage. En effet, seul Hachem connait à la perfection notre personnalité et sait ce qui nous convient. Dès lors qu’une sélection a été opérée par nos soins en toute liberté et après mûre réflexion, il faut aller au bout de sa décision et ne pas la remettre en cause. Les défauts que nous percevons soudainement, même s’ils sont réels, font partie du projet divin ; nous devons les accepter et ce n’est qu’à ce prix-là, qu’on peut espérer arriver sous la ‘Houpa. En effet, seul Hachem connaît la personne adaptée à nous, qui nous permettra d’évoluer dans la vie et de corriger nos défauts ; dès lors, il est évident que nous ne pouvons d’emblée saisir la pertinence du projet divin : « כי לא מחשבותי מחשבותיכם ולא דרכיכם דרכי נאום ה », « Mes pensées, a dit D.ieu, ne sont pas semblables aux vôtres ».  (Yish’aya chapitre 55, verset 8).

Il est évident que nous sommes guidés dans nos choix par la Providence, dans la mesure où l’on souhaite accomplir des choix en accord avec les critères de la Torah. Une fois que ces choix ont été faits, il faut aller jusqu’au mariage sauf en cas de force majeure : découverte d’un problème psychique grave ou autre cas de figure qui implique indubitablement un risque d’échec quasi certain du mariage : usage de drogues, violence, débauche sous toutes ses formes, pratique de jeux d’argent etc. Mais s’il s’agit d’un problème d’humeur ou de caractère, ou bien d’un soudain manque d’attrait physique, il est clair qu’il s’agit d’une manifestation du Yétser Hara'.

Puisse Hachem éclairer les célibataires et les amener à prendre les bonnes décisions qui les mèneront sous la ‘Houpa vers un mariage heureux et réussi. אמן