Moché ne reçut-il pas la Thora de D.ieu ? Bien qu’il la reçut sur le mont Sinaï, ce n’est pas la montagne qui lui donna la Thora ! Le Maharal de Prague (Derekh Ha’Haïm) explique que lorsque Moché reçut la Thora de D.ieu, le Sinaï fut nécessairement un élément constitutif à la transmission.

Pour réellement recevoir de l’autre, il faut désigner une place spéciale pour cet échange, autrement la démarche est vaine. Quand D. se révéla au prophète non juif, Bilaam, la Thora décrit cet incident comme un hasard (vayikar), car il n’y avait pas d’endroit fixé pour la révélation. Quand D. donna la Thora, Il le fit avec l’intention de transmettre à un récepteur, et Il désigna donc le Sinaï comme endroit pour accomplir ce rôle. Lorsque la michna dit que Moché reçut la Thora du Sinaï, cela nous enseigne la particularité de cet événement pour lequel D. désigna un endroit spécial.

Nos Sages comparent le don de la Thora de Chavouot à un mariage entre D. et le peuple juif. De la même façon qu’il fallut désigner un endroit pour cet événement, cette relation, il faut également faire de la place pour nos propres relations.

Le relationnel ne fonctionne pas sur pilotage automatique. Si l’on ne se travaille pas et que l’on ne lui fait pas de place, il ne s’exprime pas au mieux. Des époux qui vivent dans la nonchalance vivent de façon périlleuse, même si cette relation leur est simplifiée par la présence d’enfants qui les distraient. Un lien véritable, le fait de s’engager l’un pour l’autre, n’est possible que si l’on lui fait de la place.

Il existe trois façons de faire de la place à notre relation :
 

1. L’espace dans le temps

Il est primordial que chaque conjoint consacre du temps à l’autre. On oublie souvent qu’il fut une époque où l’on se délectait de la présence de l’autre. Il est nécessaire de plaisanter ensemble, de faire une petite sortie hebdomadaire, mais aussi de fixer un moment pour avoir une discussion plus sérieuse. Le fait de fixer ce moment dans notre emploi du temps peut faire de notre relation une expérience enrichissante. Vous savez qu’il sera bien plus facile pour votre conjoint de se manifester et d’être présent, si l’on fixe un temps spécial plutôt que d’espérer que cela arrive par hasard lors de nos échanges quotidiens.

De plus, le fait de désigner un moment facilite l’acceptation de certaines choses qui peuvent être gênantes à entendre. Quand vous rentrez du travail, fatigué et affamé, la dernière chose dont vous avez envie, c’est d’entendre la contrariété de votre partenaire à votre égard. Par contre, si vous n’êtes pas pris au dépourvu, mais que vous êtes prêt à écouter, vous serez certainement capable de bien mieux l’accepter et le résultat sera bien plus productif. Si vous voulez que votre conjoint vous écoute, demandez-lui si c’est le bon moment. De la même façon que D. fixa un endroit – le Mont Sinaï – afin que nous y recevions la Thora, fixer un moment, un espace dans le temps peut aider votre époux (ou épouse) à accepter ce que vous dites sans réticence.
 

2. L’espace en soi-même

Si vous voulez écouter pleinement votre conjoint, il vous faut également faire de la place en vous-même pour lui (ou pour elle). Quand nous vivons avec une autre personne, il est difficile de se retirer de l’image. Nous filtrons ses paroles et nous voulons y répondre. Si nous parvenons à mettre notre ego un peu de côté et à écouter notre conjoint, sans réagir en faisant part de notre propre expérience, nous serons capables de vivre une relation intense.

Nos Sages (Midrach Téhilim 68:16) affirment que la Thora fut donnée sur le mont Sinaï, bien que ce fût la plus petite montagne, afin de nous enseigner l’humilité. Précisément du fait que ce fut la montagne la plus basse, elle put faire de la place à quelque chose de plus grand qu’elle, la révélation de D. Pour faire de la place pour la révélation de D. dans notre relation, il faut faire de la place pour « quelqu’un d’autre ». La prochaine fois que votre conjoint partagera quelque chose avec vous, essayez de vraiment l’écouter sans y mettre votre grain de sel.


3. L’espace dans la relation

La dernière façon de faire de la place pour votre relation est de respecter les intervalles. Le Talmud (Yerouchalmi Chekalim 6:1) décrit le don des Dix Commandements à Moché en commentant que les tables faisaient six coudées de long, en laissant la place de deux coudées pour D., « pour les tenir », deux pour Moché pour les attraper quand il les reçut, et un espace vide de deux coudées au milieu. Le Maharal explique (Netsa’h Israël 2) que cette allégorie représente la forme la plus élevée du lien que l’on peut avoir, car l’espace vide entre les deux est un espace commun symbolisant le partenariat, pour ainsi dire, entre les deux parties.

Au lieu de vous demander : « Qu’est-ce que je gagne dans cette relation ? », posez-vous la question : « Que dois-je y apporter ? ». Nous considérons souvent une relation comme étant constituée de deux parties distinctes engagées dans un échange « donner-recevoir » en réalité, la relation est une entité commune qui est plus grande que les deux individus la composant. Quand notre priorité est la relation, plutôt que notre ego, nous permettons à la Présence Divine d’y résider.

L’une des considérations utiles à faire peut être déduite de l’histoire suivante tirée du Talmud (Chabbat 31a) : un converti demanda à Hillel de lui enseigner toute la Thora sur un pied. Hillel répondit : « Ce que ton prochain n’aime pas, ne fais pas. Tout le reste n’est que commentaires – va et apprends-les ». En expliquant ce passage, le rav Dov Ber, le Maguid de Mezritch traduit « ton prochain » par « ton lien » (ces deux mots ont la même racine en hébreu). Ce qui est détestable dans ton rapport avec D., ne le fais pas ! Posons-nous la question de savoir si la réflexion ou la parole sera utile dans notre relation avec notre conjoint. Cela va-t-il développer notre relation ou lui porter préjudice ?

Puissions-nous mériter la révélation divine dans notre mariage, en travaillant sur l’espace dans le temps, en nous-mêmes, et dans notre relation.

Ce Dvar Torah est dédié à l'élévation de l'âme de Mme Hafesiya Guila Paulette Bat Mazal Tov.

Rav Chlomo Slatkin