« Je ne connais plus ni paix, ni sécurité, ni repos ; les tourments m’ont envahi. » (Iyov 3,26)

Le Midrach dans Béréchit Raba 84,4 affirme : « Je ne connais plus ni paix – à cause d’Essav, ni sécurité – à cause de Lavan, ni repos – avec l’épisode de Dina, et les tourments m’ont envahi – c’est la colère de Yossef qui est venue sur moi. »

Le Midrach dans Chémot Raba 26,1 affirme : « Je ne connais plus ni paix – à cause de Babel, ni sécurité – à cause de Madaï, ni repos – à cause de Yavan, et les tourments m’ont envahi – c’est Essav. »

Le même verset d’Iyov est interprété différemment dans deux Midrachim. Dans Béréchit Raba, on le met en parallèle avec les diverses épreuves subies par Yaacov et le troisième incident, lié au repos (Lo Na’hti) se réfère à l’incident de Dina avec Chékhem. Dans Chémot Raba, le Midrach relie ce verset à l’ensemble du peuple juif et aux exils qu’il dut traverser. Le troisième exemple, toujours lié à l’expression Lo Na’hti est une allusion à l’exil grec. Les commentateurs[1] estiment que ces deux Midrachim se complètent, ils viennent nous apprendre qu’il existe un lien entre l’incident de Dina et l’exil grec.

Le Or Guédalia établit plusieurs rapports[2]. Tout d’abord, toutes les épreuves dont parlent les Midrachim eurent lieu en dehors d’Erets Israël, sauf celui de Dina ainsi que l’exil grec qui se passèrent en Erets Israël[3]. D’où l’emploi de l’expression « Lo Na’hti ». En effet, la Terre d’Israël et le Beth Hamikdach sont appelés Ménou’ha[4]. Le Midrach nous enseigne donc que Yaacov atteignit un niveau potentiel de repos, mais qu’il ne put en jouir à cause de ce qui se passa avec Dina. De même, le peuple juif eut un certain niveau de Ménou’ha dans la Terre avec le Beth Hamikdach, mais l’exil grec fit obstacle à cette Ménou’ha.

Il existe une autre similitude entre les deux événements ; elle concerne le danger présenté par l’ennemi. Dans les deux cas, le risque principal n’était pas une destruction physique, mais un dommage spirituel, affectant la Kédoucha. Le Or Guédalia écrit que l’intention de Chékhem et de son père ’Hamor était de profaner la sainteté de la nation juive naissance et de souiller Dina. De même, les Grecs décrétèrent que toute mariée juive devait s’unir avec un officier grec avant de se marier. Le but était donc d’avilir spirituellement le peuple juif.

On peut faire un autre rapprochement, ayant trait à la Brit Mila. Les Grecs bannirent cette Mitsva, dans le but d’éliminer la séparation entre les Juifs et les Grecs. D’ailleurs, on raconte que des Juifs hellénistes tentèrent de remettre une Orla pour effacer toute marque de différenciation due à la Mila. Quant au peuple de Chékhem, il était prêt à effectuer la Brit Mila, mais pas pour s’élever au niveau des Juifs ; c’était plutôt pour nullifier les différences qui les séparaient des Juifs.

Rav Yérou’ham Olshin ajoute qu’il y a un autre lien expliquant pourquoi le peuple juif dut traverser ces deux épreuves. À propos de l’épisode de Chékhem, il rapporte le commentaire de Rachi, affirmant que Yaacov fut puni de n’avoir pas été suffisamment Zariz (empressé) de respecter le vœu qu’il avait fait en quittant Erets Israël. Il avait promis qu’il construirait un Autel à Beth-El, mais il ne l’avait toujours pas fait à son retour. Le viol de Dina en fut la sanction[5]. Cette épreuve entraîna un affaiblissement dans sa Avodat Hachem. De même, concernant l’oppression grecque, le Bakh écrit que ce fut une punition à cause d’un affaiblissement dans leur service divin, au sein du Beth Hamikdach. Étant donné que leur Avoda fut réduite, affectée, leur punition fut l’obstacle posé par les Grecs à la Avoda quand ils souillèrent le Beth Hamikdach.

Parallèlement, il existe des rapports positifs entre ces deux événements. Le Midrach ’Hanouka raconte les détails de la rébellion contre les Grecs. Celle-ci débuta peu avant que la fille de Matityahou se maria à Elazar, un ‘Hachmonaï. Elle fut bien vite convoquée par l’officier grec, conformément au cruel et odieux décret. Elle se leva soudain et incita le ‘Hachmonaï à combattre : « Tu devrais apprendre de Chimon et Lévi, les frères de Dina, qui, à deux seulement, et avec flamme et ardeur pour le respect de leur sœur, massacrèrent toute la ville de Chékhem. Ils risquèrent leur vie en l’honneur de D.ieu et Hachem les aida. Place ta confiance en D.ieu et Il t’aidera… » Ce fut le catalyseur de la rébellion. Dans les deux épisodes, la situation fut sauvée grâce à la Messirout Néfech. On sait que les ’Hachmonaïm étaient les descendants de Lévi et par le mérite de leur Messirout Néfech émulée, ils jouirent de l’aide divine prédite par la fille de Matityahou.

Tirons leçon de ce développement et souvenons-nous que toute faille dans la Avodat Hachem peut ouvrir la porte à des menaces extérieures qui risquent de nous affaiblir spirituellement et pour rectifier cette erreur, cette faille, il faut faire preuve de Messirout Néfech dans la Avodat Hachem. Lors des deux événements évoqués, cette Messirout Néfech se manifesta par un combat physique contre la menace spirituelle pour le peuple juif. Dans la situation actuelle, à notre époque, cela peut se faire de manière bien moins dangereuse – en fournissant des efforts dans le domaine spirituel et en acceptant de faire des sacrifices, à notre niveau. Cela peut être en s’abstenant de certains plaisirs, même s’ils ne sont pas interdits, cela peut se faire en se levant plus tôt le matin pour être à l’heure à la synagogue… Chacun peut faire son bilan personnel, faire l’analyse de ses actions pour savoir dans quel domaine il doit fournir plus d’efforts ou se renforcer. De ce fait, en un certain sens, on peut émuler les grandes figures de notre nation qui méritèrent le miracle de ’Hanouka.

 

[1] Or Guédalia, Maamarim al ’Hanouka, écrit par Rav Guédalia Shorr ; Yéra’h Hamoadim, ’Hanouka, Maamar 21, écrit par Rav Yérou’ham Olshin.

[2] S’y référer pour trouver d’autres rapports.

[3] Il est vrai que le conflit avec Essav se déroula aussi en Erets Israël, mais ce fut à une époque où Yaacov ne vivait pas dans la tranquillité.

[4] Dévarim 12,9.

[5] Rachi, Béréchit 35,1.