La bénédiction sur les arbres est une bénédiction relativement rare, vu qu’elle ne peut être dite qu'une fois par an, ce en quoi elle diffère des autres bénédictions faites sur certains spectacles particuliers qui peuvent être dites toute l'année, ou de la majorité des bénédictions sur les mitsvot. 

Les décisionnaires ainsi que les kabbalistes ont beaucoup développé l'importance capitale de cette bénédiction et des réparations dans les mondes spirituels qu’elle a le pouvoir d’effectuer. 

La source de cette bénédiction se trouve dans le Talmud Berahot 43b : « Rav Yehouda nous enseigne : Celui qui sort pendant le mois de Nissan et voit des arbres en fleur récitera la bénédiction : « Béni soit celui qui n’a privé son monde d’aucun bienfait et y a créé de bonnes créatures et de bons arbres pour en faire profiter les hommes ». 

 

1) Texte exact [Formule] de la bénédiction 

Même si la version talmudique originale de la bénédiction se conclut par les mots « Lehitnaot bahem bné adam. », la coutume est de suivre la formule adoptée par le Choul’han Arouh « Lehanot bahem bné adam ». Cette formulation suit, en effet, le sens expliqué par Rachi : « en faire profiter les hommes ». 

Il faut cependant noter l’explication donnée par le "Magid Taaloumot" du mot « Lehitnaot », qui signifie accomplir une condition. 

En effet, D… a posé comme condition, à l’instant de la création, qu’un jour viendrait où il ressusciterait les morts. Lorsque nous prononçons cette bénédiction sur des arbres qui, par la volonté divine, reviennent à la vie après leur profonde hibernation hivernale, nous rappelons cette condition préalable. 

2) Le moment propice à la bénédiction 

Les décisionnaires discutent de la signification exacte des mots du Talmud « pendant le mois de Nissan ». Certains pensent que seul le mois de Nissan est propre à la bénédiction. D’autres pensent que tant que les arbres sont en fleur, la bénédiction est possible, et le Talmud n’a mentionné le mois de Nissan que parce que la floraison y a généralement lieu. 

En pratique, nous faisons les efforts nécessaires pour pouvoir prononcer cette bénédiction durant le mois de Nissan en évitant de l’avancer au mois de Adar ou de la retarder au mois de Iyar. Cette conduite est particulièrement recommandable d’après les kabbalistes. 

Cependant, dans certains cas particuliers, il sera possible de dire la bénédiction entière, en y incluant le nom de D… et la mention de la Royauté, même en dehors du mois de Nissan. 

- Dans certaines zones du globe où la floraison a lieu à un autre moment de l’année, il est possible, à priori, de dire cette bénédiction au moment adéquat même s’il ne correspond pas au mois de Nissan ; à condition qu’en Nissan on ne puisse trouver d’arbres en fleur. 
- Lors d’une année embolismique, où il y a sérieusement lieu de craindre qu’en Nissan les arbres ne soient plus en fleur, il sera possible de dire cette bénédiction dès le mois de Adar. 
- Celui qui n’est pas parvenu à prononcer la bénédiction durant tout le mois de Nissan pourra la dire même durant le mois de Iyar à condition que les arbres soient toujours en fleur. 

Il est entendu que le 30 Nissan, bien qu’étant aussi Roch Hodech Iyar, est aussi considéré comme faisant parti du mois de Nissan et sera donc apte à priori à y dire la bénédiction. 

Brakha sur les arbres en fleurs - bourgeons


3) La bénédiction durant le Chabbath et Yom Tov 

Selon certains décisionnaires, on ne peut réciter cette bénédiction le Chabbath ou le Yom Tov pour plusieurs raisons. 
a) De peur qu’on en vienne à arracher quelque chose de l’arbre. 
b) Selon la kabbala, cette bénédiction a la capacité d’extraire des étincelles de sainteté des arbres et ce travail est interdit Chabbath en tant que Borère (trier). 
c) Cette bénédiction est faite en générale hors de la ville, ce qui peut entraîner un certain nombre de transgressions. 

Cependant, de nombreux décisionnaires autorisent de faire cette bénédiction Chabbath ou Yom Tov. 
a) Il n’y a pas lieu de craindre qu’on en vienne à arracher quoique ce soit puisqu’il suffit de regarder les arbres pour dire la bénédiction, et il n’est même pas nécessaire de les toucher. 
D’après le Choul’han Arouh (Chap. 336), il est même permis de toucher les brins de myrtes pour profiter de leur parfum et il n’y a pas lieu de craindre qu’il en arrive à les détacher du sol. Par conséquent, dans notre cas, même si la personne touchait les fleurs, il n’y aurait pas lieu d’interdire. 
b) L’interdiction de trier ne s’applique pas aux extractions d’ordre spirituel. 

En pratique, nous nous efforçons de dire cette bénédiction un jour de semaine, mais celui qui juge que l’occasion ne se représentera plus en dehors de Chabbath ou Yom Tov, pourra la réciter même ces jours là. 

De la même manière, lorsque le dernier jour de Nissan tombe un Chabbath, il sera préférable à celui qui ne l’a pas encore fait, de dire la bénédiction Chabbath et de ne pas la repousser au mois de Iyar. 

4) L’obligation incombant aux femmes de réciter cette bénédiction 

La majorité des décisionnaires s’accorde à dire que les femmes peuvent réciter cette bénédiction avec le nom d’Hachem et la mention de Sa royauté. 

Cette bénédiction n’est pas considérée comme dépendant du temps. En effet, même si elle n’est récitée que durant le mois de Nissan cela est dû au fait que la floraison n’a lieu qu’à ce moment et non parce qu’elle doit être récitée exclusivement durant ce mois. 

Ce cas est semblable à la bénédiction de Sheheheyanou récitée sur un fruit de saison, aussi bien par les hommes que par les femmes, où la bénédiction est impossible la saison passée puisque le fruit y est alors introuvable. 

5) Existe-t-il une obligation de rechercher des arbres en fleur pour pouvoir réciter cette bénédiction ? 

Les décisionnaires écrivent que sur ce point, cette bénédiction est comparable aux autres bénédictions récitées à la vue de certains phénomènes. En effet, il n’y a pas d’obligation de partir à la recherche d’arbres en fleurs pour pouvoir réciter la bénédiction, de la même manière qu’il n’y a pas d’obligation de voyager pour voir la mer et dire la bénédiction « Ossé maassé béréshit » ou d’aller au zoo pour réciter la bénédiction sur un singe ou un éléphant. 

L’obligation qui nous incombe de réciter la bénédiction n’apparaît qu’à l’instant où nous rencontrons le phénomène : arbre en fleur, mer, animal mais nous n’avons pas d’obligation de provoquer la rencontre. 

Cependant, vu l’importance de cette bénédiction, la coutume s’est répandue dans le peuple juif de se montrer zélé et de se rendre spécifiquement aux endroits où l’on peut trouver des arbres en fleurs pour se donner la possibilité de réciter cette bénédiction. 

6) Sur combien d’arbres récitons-nous cette bénédiction ? 

Certains décisionnaires déduisent des termes du Talmud « des arbres en fleurs » que la bénédiction ne peut être récitée que sur deux arbres au minimum. Même selon cette opinion, les arbres peuvent être de la même espèce et il n’est pas nécessaire de rechercher deux arbres d’espèces distinctes. 
D’autres décisionnaires désapprouvent cette déduction et tranchent que la bénédiction peut être récitée entièrement même sur un seul arbre, et ainsi se serait comporté, selon des témoins dignes de foi, le Rav Moché Feinstein. Un comportement semblable est attribué au rav Shlomo Zalman Auerbach. 

C’est pourquoi, même si, à priori, il est bien de réciter la bénédiction sur de nombreux arbres (selon le ‘Hida) ou au moins sur deux arbres ; celui qu n’a pas la possibilité pourra la réciter sur un seul arbre. 

7) Sur quelles sortes d’arbres récitons-nous la bénédiction ? 

La bénédiction n’est récitée, selon les décisionnaires, que sur des arbres fruitiers et non sur des arbres stériles ou décoratifs. 

On pourra néanmoins réciter la bénédiction sur des citronniers car même si généralement les citrons ne sont pas consommés indépendamment, ils font partie de notre nourriture et contribuent à "faire profiter les hommes" comme nous disons dans cette Brakha . 
Pour cette même raison, certains décisionnaires autorisent de dire la bénédiction sur des rosiers en fleur, puisque les pétales sont comestibles, principalement en confiture, et que nous profitons de leur parfum. 

Cependant, de nombreux décisionnaires n’ont pas mentionné cette possibilité, et il semblerait qu’ils ne souscrivent pas à cette possibilité. C’est pourquoi il est préférable de réciter la bénédiction sur d’autres arbres. 

Le Talmud précise explicitement que les arbres doivent être en fleur. Un arbre dont les fleurs sont tombées et dont les fruits ont commencé à se développer mais n’ont pas atteint leur maturité finale est l’objet d’une controverse entre les décisionnaires. 

Selon le Pri Mégadim, il est toujours possible de dire la bénédiction ; c’est ainsi que tranche le Michna Broura et telle est la coutume ashkénaze à posteriori lorsqu’il n’est plus possible de trouver un arbre où les fleurs sont toujours présentes. 

Selon une partie des décisionnaires, dès l’instant où les fleurs sont tombées, la bénédiction devient impossible, et ainsi tranche Rav Ovadia Yossef Shlita. 

Cependant, si des fleurs restent dans l’arbre, il sera possible, selon toutes les opinions, de dire la bénédiction et ce, même si des fruits sont déjà apparus. 

8) Eviter de contempler des arbres en fleur avant de dire la bénédiction 

Celui qui a contemplé des arbres en fleur mais pour certaines raisons n’a pas dit la bénédiction à ce moment, rentre dans une controverse entre les décisionnaires pour savoir s’il pourra par la suite dire cette bénédiction, ou qu’il a, à cet instant, perdu le droit de la dire en une autre occasion. 

La majorité des décisionnaires tranche qu’il lui sera toujours possible de réciter la bénédiction toute entière. Cependant, selon le Michna Broura, cette permission n’existe que tant qu’il y a toujours des fleurs sur l’arbre. Mais, celui qui aurait contemplé une première fois l’arbre en fleur sans faire la bénédiction et voudrait la faire à une autre occasion alors que l’arbre a perdu toutes ses fleurs et porte uniquement des fruits n’ayant pas atteint leur maturité, se verrait dans l’impossibilité de la réciter. 
Par conséquent, il est recommandé à tout celui voyant des arbres en fleur pendant le mois de Nissan et même avant, de s’abstenir de les contempler et de regarder avec insistance leurs fleurs pour pouvoir réciter la bénédiction en son temps selon toutes les opinions. 

9) Le lieu où réciter la bénédiction et autres détails. 

Certains décisionnaires déduisent des termes de Talmud « Celui qui sort pendant le mois de Nissan », qu’il est nécessaire de sortir de la ville pour réciter la bénédiction. Cependant de nombreux décisionnaires, en se basant sur d’autres sources, tranchent que cette sortie est superflue. Le Rav Ovadia Yossef écrit que si de cette sortie résultait une perte d’un temps ordinairement réservé à l’étude de la Torah, mieux vaudrait s’en abstenir et procéder à la bénédiction à l’intérieur de la ville. C’est d’ailleurs ainsi que se conduisait Rav Mordéhai Eliahou en réunissant un grand nombre de personnes pour la dire dans son propre quartier. 

On s’efforce de dire cette bénédiction dès le premier jour du mois de Nissan au matin après la prière pour montrer notre zèle à l’accomplir. 

On s’efforce aussi de réunir un quorum de dix personnes au moins pour réciter ensemble la bénédiction accompagnée de tout le rituel imprimé dans les livres de prière. 


Rav Azriel Cohen-Arazi