La veille de Pessa’h, on brûle tout le 'Hamets qu’il nous reste, pour que l’on n’ait plus chez soi la moindre trace de 'Hamets. Le lendemain de Pessa’h, le 22 Nissan, on réintroduit du ‘Hamets dans nos maisons. Cette « saga » du 'Hamets, interdit un temps puis permis de nouveau, doit être comprise, et est riche de signification. Distinguons d’abord deux concepts : Taref (interdit toujours à la consommation) et Assour (interdit). Le Taref ne sera jamais autorisé, tandis que ce qui est Assour peut être Moutar (permis). C’est le cas du 'Hamets à Pessa’h, totalement interdit une semaine, mais évidemment permis toute l’année. C’est la signification de cette interdiction provisoire qui mérite l’attention. S’il est permis, pourquoi l’interdire ? La question posée est : « Que signifie une interdiction provisoire ? » Pourquoi le brûler AVANT, et lui donner une nouvelle facture APRÈS ? Que s’est-il passé entre ces deux temps ?

C’est la leçon de Pessa’h qui intervient, et qui fait que le ’Hamets interdit devient permis. Dans la prière que l’on récite au moment où on brûle le ‘Hamets, à la veille de Pessa’h, on assimile le ‘Hamets au mauvais penchant, que l’on désire brûler, pour qu’il cesse de nous déranger. À Pessa’h, des efforts sont faits pour éviter toute rencontre avec du ‘Hamets. Pessa’h est une sorte de « degré supérieur » de Cacheroute. C’est cela que signifie le fait que le 'Hamets soit devenu Assour. Pessa’h nous rend conscients de notre être juif, de notre lien avec la Providence. Le ‘Hamets après Pessa’h n’est plus le même qu’avant Pessa’h. Entre ces deux périodes, nous avons reçu la plus grande leçon possible : la matière n’est pas une valeur en soi, elle DÉPEND d’un Créateur. C’est pour cette raison qu’on dit au fils qui pose des questions adéquates : « Ne mange rien après l’Afikoman, car tu dois tirer la leçon de l’intervention divine dans l’Histoire. Reste avec cette leçon, et le ’Hamets du 22 Nissan ne sera plus le même 'Hamets que le 14 Nissan !

La sortie d’Égypte n’est pas seulement une sortie physique. Elle doit être un enseignement spirituel et cela est exprimé dans les deux dernières expressions de la liberté à Moché : « Je vous libérerai, et Je vous prendrai comme peuple » (Chémot 6,6-7). C’est pour évoquer ces deux verbes – « libérer » et « prendre comme peuple » – que l’on boit les deux dernières coupes de vin APRÈS le repas, le soir du Séder, juste après la consommation de l’Afikoman. La deuxième partie du Séder, après le repas, évoque l’avenir. Ainsi faut-il comprendre que le ‘Hamets revient après Pessa’h. Grâce à la consommation de la Matsa, grâce à tous les efforts faits pour faire disparaître le ‘Hamets, nous prenons conscience du sens du « ’Hamets », et, le lendemain de Pessa’h, ce n’est plus le même 'Hamets que l’on consomme désormais.

Ainsi nous comprenons le sens de la matière, à condition que nous comprenions que le « matériel » est le « créé », et donc que le « ’Hamets » est l’objet de la création. Le terme « Mitsraïm » - Égypte – est lié à la racine « Tsar » (étroit), et a la même valeur numérique que le terme « Mispar » (380) qui signifie « nombre » ou « chiffre », une idée de numérique. La sortie d’Égypte est une sortie du pluriel, pour arriver à l’Unique, de l’Égypte au Sinaï. Le ’Hamets, qui a été interdit à Pessa’h, redevient permis, car il est le véhicule de la matérialité. Il fallait passer par la « simplification », par la Matsa – élément matériel le plus simple – et, de ce fait, la leçon de Pessa’h est comprise. Après la sortie d’Égypte, on compte 49 jours, pour éliminer les 49 sources d’impureté, afin d’arriver à Chavou'ot, à la Révélation de l’Unique. Or Chavou'ot est précisément la seule solennité durant laquelle on apportait au Temple, avec les sacrifices habituels, deux pains ‘Hamets, seul élément ‘Hamets apporté au Temple. Le ’Hamets est le véhicule de l’infini (non dépendant du compte) dans le fini (la matière est comptable). La sortie d’Égypte nous permet de découvrir le divin dans la matière ; c’est le rôle du passage de la Matsa au ‘Hamets, réponse donnée au fils. Un verset des psaumes résume parfaitement ce transfert du « Mispar », du fini, qui révèle l’infini. Un verset dit que « l’Éternel connaît le Mispar (le compte) des étoiles », c’est-à-dire de la matière comptable, « mais Son intelligence transcende le Mispar » (Téhillim 147,4-5). C’est ce passage de la Matsa vers le ’Hamets qui est le levier de la Présence divine dans l’Histoire. La Cacheroute de Pessa’h nous invite à approfondir toute l’année notre relation avec la Transcendance, c’est-à-dire notre observance de la Loi divine. Ne nous laissons pas aveugler par le numérique, car il risque de nous interdire la voie vers l’Unique. La Révélation du Sinaï s’achève, après 49 jours, la sortie d’Égypte. C’est le premier des 10 Commandements qui l’affirme. L’Éternel ne Se révèle pas comme Auteur du monde, mais comme D.ieu Qui a fait sortir d’Égypte le peuple. Il avait déjà dit à Avraham Avinou : « Je t’ai fait sortir d’Our Kasdim » (Béréchit 15,7). L’histoire d’Israël doit être la Révélation sur terre de l’Être du monde. Ainsi faut-il comprendre notre histoire, et peut-être est-ce particulièrement une leçon pour notre génération qui se fonde sur le numérique ! Réfléchissons-y, et, au-delà de la Matsa, découvrons la Révélation du Tout-Puissant, malgré ceux qui cherchent à Le cacher ! Révélation qui donne un sens à notre Présence sur terre, et qui se complètera par le salut final.