Pendant ce mois d’Eloul, le mois de la clémence et de la miséricorde, nous redoublons de ferventes prières pour nous rapprocher davantage de notre Créateur. La coutume séfarade est d’entamer les Séli’hot [les supplications] dès le début de ce mois, pour susciter la Miséricorde divine.

Une Ségoula garantie

La prière renferme un formidable pouvoir : elle est capable d’annuler des décrets, de sauver l’homme de la détresse et c’est pourquoi l’ensemble du peuple juif multiplie ses prières pendant ce mois particulier.

Voici ce qu’écrit Rabbénou Bé’hayé au sujet de la prière : « Tu dois savoir que le pouvoir de la prière est immense, elle est capable de changer la nature, d’écarter les dangers et d’annuler ce qui a déjà été scellé… » (Parachat Ekev).

De plus, lorsqu’une prière est accompagnée de pleurs sincères, sa force est décuplée et elle peut être agréée sur-le-champ. Le Talmud enseigne en effet : « Même lorsque les portes de la prière sont fermées, les portes des larmes restent ouvertes » (Bérakhot 32). Le Yaavets explique cette sentence en ces termes : « Lorsqu’une prière est prononcée avec des larmes, elle est acceptée et agréée, car elle provient des tréfonds du cœur. C’est pourquoi elle mérite de percer jusqu’au cœur des Cieux » (Sidour Yaavets).

Voici ce qu’écrit un autre commentateur à ce sujet : « Lorsqu’un homme pleure pendant sa prière, les astres et les étoiles pleurent avec lui et sa prière est alors entendue » (Kol Bo). En outre, même ceux qui ont les larmes difficiles peuvent tout au moins formuler leurs prières avec une voix plaintive, car ceci est aussi considéré comme une forme de pleur. Le verset dit en effet : « D.ieu entend la voix de mes sanglots » – même si seule la voix sanglote, D.ieu l’entend tout de même (Chlah Hakaddoch).
 

Il s’attachait aux Mondes supérieurs

Dans le temps, les hommes particulièrement pieux s’appliquaient à prier exclusivement en suivant dans un livre de prières. Non seulement les trois prières quotidiennes, mais même chacune des bénédictions qu’ils récitaient étaient toujours lues dans un Sidour. Voici ce qu’écrit à ce sujet Rabbi Avraham, le père du Chlah : « Il convient de prononcer chaque prière en lisant dans un Sidour, et non par cœur, car ceci est hautement propice pour prier avec ferveur » (dans l’ouvrage Yech No’halim).
L’auteur du Réchit ‘Hokhma abonde également en ce sens : « L’écriture suscite la ferveur (…) Pour chaque prière, si l’on peut la lire du début à la fin en lisant dans un Sidour, c’est un grand avantage. Notre maître [le Ari zal] avait lui-même la coutume de réciter chaque prière à partir d’un Sidour ».

Le même témoignage apparaît dans le Maguen Avraham, célèbre décisionnaire : « Le Arizal avait l’habitude de toujours prier avec une livre de prières, de sorte à accompagner ses paroles des meilleures Kavanot [pensées] (…) Mais ceci dépend de ce que chacun ressent en son for intérieur » (93, 2).

On rapporte à ce sujet une parole du Maguid de Mézeritch, que nous n’aurons pas la prétention d’interpréter : « Lorsqu’un homme évolue à un niveau modeste, il est préférable qu’il récite ses prières en suivant dans un Sidour, car en voyant les mots de la prière, sa concentration sera meilleure. Mais lorsqu’un homme est attaché aux Mondes supérieurs, il est alors préférable qu’il ferme les yeux, pour que sa vue ne l’empêche pas de s’attacher à ces Mondes »…


Il ne pouvait tourner la page

Le saint Admour de Ruzhin avait également l’habitude de prier exclusivement en suivant sa prière dans un Sidour. On raconte une histoire édifiante à ce sujet :

L’Admour avait l’habitude de se recueillir dans une petite pièce privée, attenante à la grande salle de prière. Lorsqu’il terminait sa prière, il faisait un signe grâce auquel l’officiant savait qu’il pouvait poursuivre.
Un jour de Yom Kippour, pendant la prière de Néïla, la prière du Admour se prolongea plus que de coutume. Pendant deux longues heures, l’assistance continua de jeûner, dans l’attente que le maître termine sa prière. Finalement, le fils du Admour, Rabbi Chalom Yossef, s’arma de courage et pénétra dans la chambre de son père. Il alla jusqu’au pupitre sur lequel était posé son Sidour et tourna simplement la page.

Quelques minutes plus tard, l’Admour fit signe qu’il avait fini de prier et l’on put enfin clôturer le jeûne. Plus tard, on alla trouver Rabbi Chalom Yossef pour lui demander ce que ceci signifiait. Il donna alors les explications suivantes : « J’ai compris que mon père était si imprégné de ses prières et si conscient de se tenir devant le Maître du monde, qu’il était trop effrayé pour lever la main et tourner la page de son Ma’hzor. Or, comme il s’interdit de prononcer une prière par cœur, il est resté ainsi, incapable de prier ni de calmer sa crainte. Lorsque j’ai tourné la page pour lui, il a donc pu conclure sa prière aussitôt… ».


Le retour du renégat

La prière peut percer des murs infranchissables, même ceux des cœurs les plus endurcis. On raconte que dans la région du « défenseur d’Israël », Rabbi Lévi Its’hak de Berditchev, vivait un Juif renégat, qui s’était totalement assimilé aux non-juifs et se moquait effrontément des valeurs de la Torah. Particulièrement, il prenait plaisir à tourner en dérision le maître de Berditchev et ses enseignements.

Un jour, il croisa sur son chemin un disciple de ce dernier. Ne manquant pas une occasion, il reprit ses persiflages avec cynisme et impertinence. L’élève du maître, n’y tenant plus, lui lança un défi : « Assistez donc une seule fois à une prière du maître, et je suis certain que vous serez ensuite incapable de parler de lui ainsi ! Je suis certain qu’une volonté de repentir percera même au fond de vous ! »

L’autre n’hésita pas à relever le défi : « Très bien ! Je vais donc voyager jusque chez votre Rabbi et nous verrons bien s’il aura une quelconque influence sur moi ! »

L’homme arriva sur les lieux, et attendit patiemment que débute la prière. Le Tsadik arriva peu après, il commença à prier avec sa ferveur habituelle mais ce spectacle laissa notre homme de glace : au contraire, son sourire narquois ne quitta pas un instant son visage !
Mais lorsque Rabbi Lévi Its’hak entama la prière de Ouva Létsion, il se tourna en direction de l’assemblée, fixa du regard le renégat et répéta à plusieurs reprises les mots : « … pour ceux qui se repentent de leurs fautes au sein de Ya'acov… ».

L’enthousiasme et la verve avec laquelle il prononça ces mots pénétrèrent l’homme jusqu’au plus profond de lui. Blêmissant, il regardait le Rabbi qui le perçait de son regard en prononçant ces mots, et peu à peu, de lourdes larmes montèrent à ses yeux. Après quelques minutes, l’homme se présenta devant le maître, saisi de profonds sanglots, le suppliant de lui montrer la voie du repentir.