Cela n’a pris qu’un instant. Vous ne le réalisez même pas lorsque cela se produit, mais en une fois, vous poussez un cri.

« Oh, non, j’ai besoin d’aide ! »

J’étais dans ma cuisine un dimanche soir tard, suivant une recette. Le pied mixeur était rempli d’ingrédients secs. Ils obstruaient la pale. Pendant un instant, je pensai : « Je vais débrancher l’appareil ». Mais je ne le fis pas. Grosse erreur.

J’insérai mon doigt pour dégager la farine et la machine se mit à tourner. Je hurlai à mon mari d’appeler une ambulance. Je vous épargnerai les détails, mais il suffit de dire que nous étions dehors avec une serviette enveloppée autour de mon doigt qui pointait vers le ciel.

En quelques instants, le son des sirènes se fit entendre. Nous étions dans l’ambulance et j’avais peur de regarder. Il n’y avait pas de doute, j’avais besoin de points de suture et d’examens. Nous devions juste choisir un hôpital. Je lançai à mon mari des sourires courageux, mais je n’avais aucune idée des torts causés. Et oui, c’était douloureux.

L’ambulance nous conduisit rapidement aux urgences. Ils nous firent entrer dans la salle et, gentiment, nous rassurèrent qu’avec l’aide de D.ieu, tout se passerait bien. Alors maintenant ?

Tout autour, il y avait des gens qui attendaient de l’aide. La police était confinée dans une pièce à garder une victime d’un acte criminel dans un état grave. Certains étaient allongés sur des brancards et gémissaient. La nuit sera longue, pensais-je.

L’équipe de secours fit en sorte que je sois examinée. Au bout de quelques instants, ils étaient de retour.

« Incroyable. Le médecin qui est ici de garde ce soir est un excellent chirurgien plastique. C’est un médecin religieux de notre communauté. Et devinez quelle est sa spécialité ? Les mains ! »

J’étais emplie de reconnaissance.

« Je n’y crois pas, déclara mon mari. Je le connais. Nous priions dans la même synagogue lorsque nous étions gosses. »

Encore plus incroyable : cette synagogue était située à Sao Paulo, au Brésil, où ils avaient tous deux grandi.

Le médecin examinait un autre patient, un grand-père qui était tombé sur une fissure du trottoir en visite chez sa famille.

On m’installa sur un brancard, et je tenais encore mon doigt vers le haut enveloppé d’un énorme pansement.

« La douleur est-elle terrible ? », demanda mon mari.

« Ça va », répondis-je en souriant légèrement.

« Je dois te dire quelque chose, ajoutai-je, ça fait mal. Mais j’entends sans arrêt des propos dans mon esprit qui me font du bien. Je me souviens de ma mère (ndt. la Rabbanite Esther Jungreis) enseigner que lorsque Yossef a été conduit en Egypte, Hachem s’est assuré que la caravane n’ait pas l’odeur habituelle de goudron malodorant. Au lieu de cela, c’étaient des épices qui réconfortaient Yossef. Même dans ses malheurs, il pouvait voir la Main d’Hachem et savait qu’on veillait sur lui. Nous sommes là aux urgences à une heure tardive. Je ne comprends toujours pas comment c’est arrivé. Mais regarde le médecin qui est de garde ce soir, un chirurgien plastique qui est spécialiste de la main et que tu connais depuis que tu es enfant. Quel Chalia’h, quel messager incroyable ! Et cela me réconforte. »

Peu de temps après, mon tour arriva. Grâce à D.ieu, on me prodigua des soins et j’allais guérir, avec l’aide de D.ieu. Nous étions enfin prêts à rentrer à la maison.

Patientant dans le parking pour notre taxi, la famille que nous avions rencontrée aux urgences passa à côté de nous. Nous échangeâmes nos histoires « d’événements traumatiques » et, en dépit de l’heure tardive, ils nous proposèrent gentiment de nous reconduire à la maison. Mi Ké’amékha Israël, qui ressemble à Ton peuple ! Mais nous avions déjà commandé le taxi.

Quelques instants plus tard, ils revinrent pour me dire à quel point ma chère mère leur manquait. La grand-mère avait été marquée par les propos de ma mère entendus 30 ans plus tôt, et elle n’avait jamais oublié le message.

Ce soir-là, les messages et enseignements de ma mère résonnèrent en moi et me donnèrent du ‘Hizouk, des forces.

Cette journée avait été difficile. Tôt le matin, nous étions au cimetière pour la pose de la pierre tombale de ma mère. Chaque étape de deuil révèle une autre couche de douleur.

La distance de ce moment tragique a augmenté, mais la douleur ronge toujours l’âme. L’un aspire à lui parler encore une fois, l’autre à un repas de Chabbath en commun et une autre Brakha. Il y a toujours un « autre événement » qui ne se réalisera jamais. Mais si nous pouvons nous attacher à l’héritage d’Emouna (foi en D.ieu), des leçons de vie qui nous instillent des forces, nous saurons alors que la Néchama est toujours avec nous, elle nous guide, nous inspire, et sert d’intermédiaire pour nous. Et ce, en soi, est une consolation.

Tout au long de ma vie, chaque fois que ma mère m’a écrit une carte, elle ajoutait les termes « Vénafcho Kéchoura Bénafcho, sa vie est attachée à la sienne » avant de signer « Ima, maman ». Ma mère m’a expliqué que pendant la terrible obscurité de Bergen Belsen, et puis, plus tard, lorsqu’ils furent conduits en camps pour personnes déplacées en Suisse, mon grand-père murmurait constamment ces mots tendres : « Vénafcho Kéchoura Bénafcho. Mein lichtege kind, n’oublie jamais. Tu n’es jamais seule. »

Dimanche soir, les propos de mon grand-père résonnaient dans la nuit. Son héritage d’amour qui a été transmis à ma mère est resté présent pour apaiser l’âme de la génération suivante.

Alors que nous entrons dans les mois de Tamouz et d’Av, ne désespérons pas du ‘Hourban, de la destruction du Temple.

Retenons toujours ces trois termes : « Vénafcho Kéchoura Bénafcho, sa vie est attachée à la sienne », comme Yéhouda l’a dit de manière si poignante lorsqu’il a tenté d’expliquer le lien émouvant entre son père Ya’acov et son frère bien-aimé, Binyamin. C’est le lien indéfectible qui a survécu à des siècles.

Nous ne sommes jamais abandonnés. Cherchons la Main d’Hachem dans notre vie et sachons qu’Avinou Chébachalmayim, notre Père céleste, veille sur nous.

Slovie Jungreis Wolff - Yated, traduit par Torah-Box