Au moins deux fois par jour, nous récitions les mots suivants : Vélo Tatourou A’haré Lévavkhem Vé’haré Enekhem Acher Atèm Zonim A’haréem. Afin que vous ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux, qui vous entraînent à l’infidélité. (Bamidbar 15, 39) 

Le Nétsiv apporte à notre attention la signification profonde de ce verset. Pourquoi le verset emploie-t-il le mot Tatourou, dont la racine provient du mot espionner, rechercher quelque chose de nouveau, ou errer ? Il aurait été plus approprié de dire à la place :  Vélo Télékhou A’haré Lévavkhem. Et vous n’irez pas, etc. 

Le Talmud nous raconte comment nos sages ont voulu enterrer le livre de Kohélet dont certains passages semblaient contredire la Torah. Ils ont finalement « réconcilié » chacun des versets problématiques. Rabbi Ismaël questionna notamment le verset Séma’h Ba’hour Béyaldoutékha (...) Véhalekh Bédarké Libékha. Réjouis-toi, jeune homme, dans ton jeune âge ; que ton cœur soit en fête au temps de ton adolescence. Suis librement les tendances de ton esprit et ce qui charme tes yeux (Kohélet 11, 9). En effet, celui-ci paraît contredire le commandement de la Torah : « afin que vous ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux ».  Mais Rabbi Ismaël réhabilita le verset incriminé. Il nota la différence des termes employés. Le roi Salomon dit « suivre son cœur » et non de « s’égarer à la suite de son cœur ». 

Quelle est donc la différence entre suivre son cœur et s’égarer après son cœur ?

« Suivre son cœur » signifie suivre ce avec quoi nous sommes connectés. C’est se tourner vers l’intérieur. En revanche, Tatourou, ou « errer » c’est se focaliser sur l’extérieur, ce que les autres font. Rabbi Yehoudah HaNassi disait : « Quelle est la voie de rectitude que l’homme doit adopter ? Tout ce qui l’honore à ses propres yeux et l’honore aux yeux d’autrui. (Avot 2, 1) La meilleure des voies est celle qui nous connecte à nous-mêmes, qui part de l’intérieur Min Haadam. La Torah nous enjoint avec les mots Lo Tatourou, d’être nous-mêmes. 

Une véritable connaissance de soi donne le pouvoir de grandir. 

L’essence de l’homme, le vrai « moi », est à l’intérieur – et c’est ce monde intérieur avec lequel nous sommes principalement en relation. L’individualité et l’originalité doivent être nourries de l’intérieur. La conception moderne erronée est que notre individualité doit être présentée extérieurement, exposée à la vue de tous. Autrement, selon la conception erronée, en n’exprimant pas notre individualité nous retardons notre épanouissement. La société dans laquelle nous vivons vit sa vie à l’extérieur, privilégiant le paraître à l’être. La Torah, cependant, nous demande de construire nos mondes intérieurs – d’entretenir notre individualité de l’intérieur-, car ceci est l’essence de l’homme. 

La connaissance de son unique « moi » est le fondement de tout. 

Nos Rabbanim nous enseignent que parmi les traits de caractère qui nous aident à acquérir la Torah est le fait de connaître sa place. La principale exigence pour un réel succès est de savoir qui nous sommes. Quoi qu’il ne soit pas prouvé que l’homme doive passer beaucoup de temps à se chercher dans les premières étapes de son développement, lorsqu’il pose les bases de sa progression future, à long terme, ceci doit être fait. L’homme ne peut atteindre le réel succès en suivant simplement les autres. Chacun d’entre nous vient au monde avec un Chorech Hanechama (racine de son âme) unique. Une personne sera profondément concernée par le Messilat Yecharim, tandis que seul le Chaarei Techouva suscitera un changement chez une autre. Pour cette raison, le ‘Hafets Haïm dit que nous ne devons pas critiquer un livre ou un cours, car même si nous ne l’avons pas apprécié (à moins qu’il ne soit franchement erroné) il peut être parfaitement adapté à un autre. De la même manière qu’une personne aura l’air ridicule à se vêtir des habits de quelqu’un d’autre, personne ne réussira vraiment en empruntant la voie d’un autre dans la vie. Il n’existe tout simplement pas d’idéal platonique de l’homme parfait. La perfection de chacun différera et sera atteinte d’une autre manière. Le Netsiv (HaEmek Davar, Bamidbar/Nombres 15, 41) dit que si quelqu’un vous demande de lui dire quel chemin il doit prendre, votre réponse devrait être qu’il doit poursuivre le chemin que son cœur désire dans la large sphère de la Torah et des Mitsvot...

La vie est courte, le travail est considérable. Ne perdons pas notre temps à essayer d’être quelqu'un d'autre. Soyons nous-mêmes.