Madame Lewin habite avec son mari à Milwaukee, dans l'État du Wisconsin aux Etats-Unis, dans une petite maison d’un quartier pavillonnaire. C’est un couple âgé qui approche de ses 90 ans.

Madame Lewin est née en Pologne, à Lodz, où elle a connu, petite fille, les affres de la Seconde Guerre mondiale. Elle a évité de justesse le sort terrible des Juifs d’Europe grâce au sacrifice de ses parents, qui l’ont cachée, au prix de leur propre vie, dans un couvent catholique.

Quelques années après la guerre, Madame Lewin sort du couvent et n’a qu’une idée en tête : quitter la terre polonaise, qui représente pour elle une malédiction, le cimetière de sa famille et de millions de Juifs. Elle émigre aux États-Unis, où elle rencontre son mari, lui aussi d’origine polonaise, qui a quitté l’Europe pendant l’entre-deux-guerres.

Le couple vit dans des conditions modestes, ils travaillent encore aujourd’hui dans les Shmattes, les tissus. Ils confectionnent des vêtements bon marché et ils rapiècent de vieux vêtements.

Les Lewin sont très attachés à leur identité juive au sens “ethnique” du terme, qu’ils transmettent à leurs deux enfants. Mais pour eux, il n’est pas question de pratiquer la religion. “Où était D.ieu pendant la Shoah ?”, répète Madame Lewin dès qu’on lui parle de Cacheroute ou de Chabbath.

Cela étant, les Lewin sont attachés à quelques traditions juives, comme par exemple le Séder de Pessa’h, le jeûne de Kippour rompu par un bouillon de Kneidlers - une délicieuse soupe polonaise avec des boulettes de farine de Matsa, de pain azyme - et aussi l’allumage des bougies de ‘Hanouka assorti de plats typiques, frits, comme les Latkes, des galettes de pommes de terre.

Pendant les huit jours de ‘Hanouka, les Lewin sont très attentifs à l’allumage de la ‘Hanoukia, du chandelier à 9 branches, une fois la nuit tombée. Madame Lewin apprécie tellement ce moment solennel et empreint de beauté, de pureté. Elle fixe attentivement les bougies, et à travers la flamme vacillante mais vivace des lumières, elle se souvient de son passé les larmes aux yeux : le ghetto de Lodz - le ghetto Litzmannstadt - mis en place par les nazis en avril 1940 alors qu’elle avait à peine 8 ans, l’allumage de la ‘Hanoukia avec tout ce qu’on pouvait trouver, et sa famille disparue dans le camp d’extermination de Majdanek trois ans plus tard. Madame Lewin se remémore aussi le couvent, avec beaucoup de tristesse, où elle ne pouvait plus allumer la ‘Hanoukia, jouer avec les Dreydlekh, les toupies, et où on lui imposait le culte catholique.

Les Lewin ont l’habitude d’inviter leurs enfants, leurs petits et arrière-petits-enfants pour l’allumage du premier soir, afin de chanter, jouer et célébrer ensemble la victoire juive sur l’empire grec d’Antiochus. Malgré cette belle ambiance, Madame Lewin a toujours été ferme sur un point précis : ne jamais allumer la ‘Hanoukia à la fenêtre. Depuis qu’elle est arrivée aux États-Unis, elle s’est toujours justifiée ainsi : “S’il y a des nazis, je ne veux pas qu’ils me retrouvent, personne n’a à savoir que je suis Yid, que je suis juive !”

Son mari et ses enfants n’ont jamais rien dit à ce sujet, jusqu’à ce que sa fille aînée, Yentl, fasse Téchouva il y a deux ans, un repentir complet accompagné d’un retour à D.ieu et au judaïsme authentique. Yentl s’est engagée à fond dans la religion après avoir assisté à un cours sur l’importance de la pratique du judaïsme après la Shoah. Cette Téchouva soudaine agace beaucoup Madame Lewin, qui a toujours éduqué ses enfants à vivre leur judaïsme de façon traditionnelle et commémorative, en laissant aux “extrémistes”, comme elle les appelle, la pratique de judaïsme. 

Madame Lewin ne supporte pas de voir sa fille avec les cheveux recouverts par un foulard, des collants et avec des livres de prière dans son sac à main. "Ça n'a sauvé personne des chambres à gaz, Yentl !”, s’évertue à lui répéter sa mère. 

Yentl, qui comprend l’état d’esprit de sa maman, lui parle avec beaucoup de douceur, sans jamais élever la voix. Mais, pour ce ‘Hanouka, son premier depuis sa Téchouva, Yentl demande à sa maman de faire un effort, et de placer sa ‘Hanoukia à la fenêtre. “Maman, tout le quartier sait que tu es juive, personne n’a de problème avec ça, et je suis sûre que ça va t’apporter beaucoup de bonheur de diffuser le miracle de ‘Hanouka au plus grand nombre !” Madame Lewin n’arrive pas à garder son calme : “Yentl, tu sais que j’ai beaucoup de mal avec ton nouveau Yiddishkeit, ton mode de vie juif. J’essaie de me retenir, mais je t’en supplie, tu n’as rien à m’imposer ! Si tu avais été avec moi dans le ghetto Litzmannstadt, tu ne ferais jamais tout ça aujourd’hui !” S’ensuit une longue discussion sur la fameuse question “Où était D.ieu pendant la Shoah ?”, et Yentl avance ses arguments avec énormément de tact et de prudence, pendant que Madame Lewin continue à s’agacer. 

Monsieur Lewin voit que la conversation n’en finit pas, il décide d’y couper court, il dit à sa femme : “Chérie, allons, allumons à la fenêtre, ce sera plus joli, et les enfants seront ravis. Regarde, nos arrière-petits-enfants attendent avec impatience l’allumage !” Madame Lewin tourne la tête dans leur direction, elle est émue par leur sourire et la lumière qui émane de leurs visages. Elle en a assez de la conversation, alors elle fait un signe de la main pour dire de remonter la ‘Hanoukia : “Bon, on ne va pas y passer la nuit, allumons à la fenêtre alors !”

L’allumage a lieu, Monsieur Lewin prononce même les bénédictions comme lui montre sa fille sur son livre, et la soirée est merveilleuse. Même Madame Lewin se détend et raconte de belles histoires de foi et de piété sur le ghetto de Lodz.

Le lendemain, à l’heure de l’allumage, les Lewin, qui ont beaucoup apprécié l’allumage à la fenêtre, décident de laisser la ‘Hanoukia à sa place pour l’allumage ! Ils allument avec de très grandes bougies de cire, et ils vont se coucher alors que les flammes resplendissent encore en hauteur sur le chandelier.

Le lendemain matin, on toque à la porte : “Milwaukee Police Department, ouvrez !” Monsieur Lewin ouvre la porte, et se trouve avec un officier de police face à lui. “Bonjour Monsieur, je viens au sujet du cambriolage. Pourriez-vous venir au commissariat pour déposer votre déclaration de vol le plus rapidement possible ? On en profitera pour remplir les formalités d’usage.” Monsieur Lewin est très étonné, il n’y a eu aucun cambriolage chez lui. “Désolé, monsieur l’agent, je n’ai pas besoin de venir au commissariat, il y a erreur, nous n’avons pas été cambriolés !” L’agent le regarde fixement, et il lui dit : ”C’est impossible Monsieur, vérifiez bien. Toutes les maisons du quartier ont été cambriolées, et une personne qui était chez elle a même été grièvement blessée !” Monsieur Lewin s’assoit, il est stupéfait, il propose à l’agent de police de vérifier qu’il n’y a pas eu d’infraction chez eux, et après un rapide tour d’horizon de la maison, il confirme à l’agent resté sur le pas de la porte : personne n’est entré, rien n’a été touché et rien n’a disparu !

L’agent s’excuse, puis il repart. Après quelques jours d’enquête, les cambrioleurs sont retrouvés. Et le déroulement des faits va bouleverser les Lewin. L’équipe de malfrats avait profité des fêtes de fin d’année et des départs en vacances pour voler le plus grand nombre de maisons possibles. Les voleurs étaient certains de ne trouver personne dans ce quartier, et ils ont effectivement pu commettre leurs méfaits tranquillement, malgré les quelques alarmes qui ont sonné et qu’ils ont rapidement mises hors service. Dans une maison, ils se sont trouvés en face d’une personne, qu’ils ont assommée avec une matraque et qu’ils ont solidement ligotée pour éviter qu’elle ne prévienne la police. Lorsqu’ils se sont préparés à entrer dans la maison des Lewin, ils ont vu sur le rebord de la fenêtre un grand chandelier avec des bougies allumées assez récemment, ils ont compris qu’il y avait quelqu’un dans cette maison, et ils ont renoncé à perpétrer ce nouveau cambriolage.

De cette merveilleuse histoire, nous pouvons retenir plusieurs enseignements : la force de la Téchouva de la fille des Lewin, et son mérite qui a amené une grande protection à ses parents, ainsi que la Mitsva de l’allumage des bougies de ‘Hanouka à la fenêtre comme l’exige la Halakha, qui a protégé la famille de tout mal. Madame Lewin croyait que cet allumage lui porterait préjudice, et cet allumage l’a en fait sauvée !

Les Pirké Avot nous l’enseignent : “Celui qui réalise une Mitsva s’acquiert un défenseur.” Et quel défenseur ! Du mérite d’une Mitsva, de l’observation d’un commandement, ne peut déboucher que du bien.