J’hésite à baser mon article sur un passage que j’ai lu dans le Reader’s Digest, mais j’aime toujours commencer par le commencement. Mon hésitation à citer le Reader’s Digest provient de mes propres préjugés sur le magazine, partant de l’hypothèse que son lectorat est principalement composé de femmes d’un certain âge, dont je ne fais pas partie. (Mon épouse a un abonnement, vous pouvez tirer vos propres conclusions sur elle.) Mais il se trouve à la maison et a son utilité, alors voilà.

Dans le numéro du mois de mars 2019, on trouve un article intitulé « Je pense être innocent » de Katie Worth. Elle y relate qu’un certain Lukis Anderson a été accusé d’un meurtre, car son ADN a été retrouvé sur la scène du meurtre. (Il n’était pas sûr de ne pas en avoir été l’auteur, car ses problèmes de toxicomanie lui entraînent des pertes de conscience). Or, il s’est avéré que c’était un cas de transfert d’ADN. Deux ambulanciers avaient soulevé un Anderson ivre, et trois heures plus tard, avaient répondu à un appel sur la scène du crime, emportant l’ADN d’Anderson avec eux. La cause du transfert d’ADN était un oxymètre mesurant avec le bout du doigt, utilisé sur les deux patients. La présence de l’ADN d’Anderson sous l’ongle de la victime suggérait un combat, mais des enquêteurs attentifs déterminèrent que ce n’était pas le cas. (Et les véritables coupables ont finalement été appréhendés).

On pourrait penser que ce cas se produit une fois sur un million, mais les études suggèrent que ces cas sont assez fréquents. Une étude menée en 1997 par Roland van Oorschot, un scientifique australien, a déterminé que l’ADN des humains peut se retrouver souvent sur des objets qu’ils n’ont jamais touchés. Au cours de sessions de 20 minutes réunissant trois personnes à la fois, l’ADN des participants s’est retrouvé sur des verres des autres participants - ainsi que sur leur corps - bien qu’ils ne les aient jamais touchés. Encore plus troublant, de l’ADN de personnes non présentes a été transféré. Toute personne avec laquelle vous interagissez pendant la journée peut déposer potentiellement votre ADN quelque part !

L’importance de cet article a suscité mon intérêt dans un contexte spirituel. L’idée que nous avons une influence au-delà de nos cercles immédiats n’est pas nouvelle. Le Talmud dans Kiddouchin (30a) nous apprend que « toute personne qui enseigne à son fils la Torah est considérée avoir enseigné à son fils, son petit-fils, son arrière-petit-fils, de génération en génération. »

Ce que nous relayons aux générations suivantes par notre exemple peut être positif (comme lorsque nous enseignons la Torah à nos enfants), négatif (lorsque nous renforçons de mauvaises habitudes en eux) ou bête, comme je vais l’illustrer par une blague (C’est une vieille blague, pas particulièrement drôle, vous pouvez passer à la suite…) :

Une nouvelle mariée préparait le dîner. Elle prit un rôti, en coupa les bords qu’elle jeta, et plaça le rôti dans la casserole.

« Pourquoi as-tu jeté les bords du rôti ? » demanda son mari.

« C’est la Halakha ! » répliqua-t-elle.

« Je n’ai jamais rien entendu de pareil », répondit-il.

« C’est ainsi que ma mère m’a appris à faire. Je vais lui téléphoner et elle va t’expliquer. »

Elle appela la mère de la jeune mariée qui lui dit : « C’est ainsi que ma propre mère m’a appris, donc je suis sûre que c’est notre Minhag, notre coutume ! »

Le couple appela la grand-mère qui répondit : « Ma cocotte ne faisait que 25 cm de long - c’était le seul moyen de l’y faire entrer ! »

Cette blague illustre une vérité universelle : les enfants intériorisent l’ambiance dans laquelle ils ont été élevés. Dans la vie réelle, les couples fraîchement mariés ont parfois des problèmes graves sur des sujets idiots comme le rangement du beurre de cacahuètes au frigo ou dans un placard, ou la manière de suspendre le papier toilette. Dans le domaine religieux, il faut évaluer si nos différences affectent réellement la Halakha ou non.

Mais notre influence ne se confine pas à léguer ces choses à nos propres descendants. Nous avons aussi un effet boule de neige sur le monde en général. C’est évidemment le cas pour un enseignant en Torah, mais aussi pour nous qui sommes des gens ordinaires. C’est le pouvoir du Kiddouch Hachem et du ‘Hiloul Hachem (respectivement, sanctification du Nom divin et profanation de Son Nom, que D.ieu préserve). Le Kiddouch Hachem est une Mitsva authentique de la Torah et peut potentiellement se répercuter pour l’éternité.

Le Rambam définit le ‘Hiloul Hachem ainsi : lorsqu’un homme d’un certain rang agit de manière à ce que d’autres jugent inappropriée à son rang. Dans un débat talmudique sur ce qui constitue un ‘Hiloul Hachem, Rav affirme que ce serait une profanation du Nom de ne pas payer son boucher à temps (Yoma 86a). Ca ne semble pas si terrible si ça vient de vous ou de moi, mais Rav avait des attentes plus importantes de lui-même. Plus on a un niveau élevé, plus on doit assumer de grandes responsabilités.

Le but de cette Mitsva est de montrer notre gratitude à D.ieu, qui nous a créés et nous donne tout. Il serait horrible de voir quelqu’un agir de manière à donner une mauvaise image de D.ieu et engendrer de telles réactions : « C’est ainsi que les Juifs se conduisent ? » ou : « C’est de cette façon que les religieux se conduisent ? » L’attitude que l’on crée par un ‘Hiloul Hachem persiste au-delà de l’incident initial. Si un Juif orthodoxe se comporte de façon malfaisante en public - bravo, il vient peut-être d’être responsable d’avoir écarté quelqu’un du droit chemin ou d’avoir contribué à l’antisémitisme global. C’est du sérieux. Si sérieux que le Talmud dans Yoma explique que ni la Téchouva (repentir), ni Yom Kippour, ni les souffrances ne peuvent apporter une expiation effective au ‘Hiloul Hachem. On ne peut totalement expier un ‘Hiloul Hachem avant de mourir.

Heureusement, nous avons l’opposé sous la forme du Kiddouch Hachem. C’est lorsque nous agissons de manière à ce que des observateurs disent : « Vous savez ? Ces Juifs sont bien ! » Cela donne une bonne image de D.ieu, de la Torah et du Klal Israël.

Agir honnêtement dans les affaires, être bon envers autrui, agir charitablement et avec hospitalité - ce sont tous de remarquables moyens d’engendrer un Kiddouch Hachem.

Une femme de ma connaissance a écrit un livre lorsqu’elle avait une vingtaine d’années et était quelque peu cynique. Quelques années plus tard, avec le recul des années et l’expérience de la vie, elle regretta certaines de ses déclarations. Elle me demanda comment rectifier ces torts, car reprendre toutes les copies de son livre n’était pas vraiment une option. Je la mis en contact avec un Rav qui lui expliqua qu’elle avait renforcé le concept de négativité dans le monde, et le meilleur moyen d’atténuer ce phénomène consistait à commencer à diffuser de la positivité. Elle ne peut peut-être pas retirer tout ce qu’elle a dit, mais elle peut certainement mettre à jour ses pensées.

Chaque être humain possède à la fois un corps et une âme et laissera des traces d’ADN partout où il se rend. Cet ADN peut être pris par autrui et placé hors de notre portée. Nous n’y pouvons rien. Nous ne pouvons pas contrôler l’ADN matériel qu’une troisième partie pourrait laisser sur la scène d’un crime, mais nous pouvons en revanche contrôler la nature de l’ADN spirituel que nous laissons dans le monde. Ce que nous enseignons à nos enfants, notre manière de traiter autrui, si nous effectuons un Kiddouch Hachem ou un ‘Hiloul Hachem - tout est entre nos mains. Nous ne sommes peut-être pas en mesure de retirer tout l’ADN spirituel négatif que nous avons déjà placé dans le monde, mais il n’est jamais trop tard pour diffuser le bien.

Rabbi Jack Abramowitz