À une époque où l’individualisme devient un véritable art de vivre, la question du mariage se pose à nouveau. Que gagne-t-on à passer sous la 'Houppa en 2023 ? Y a-t-il quelque chose d’essentiel dans le mariage qui garantirait son bien-fondé au-delà de tout écosystème ?

La Torah nous parle du mariage comme de l’écrin pour la Présence divine, un sanctuaire inéluctable à la véritable piété. Elle n’hésite pas à dire qu’un homme qui serait sans compagne serait également sans Torah (Yébamot, p.62). Une allégation assez étonnante, somme toute, car en quoi le mariage influerait-il sur le niveau spirituel d’une personne ? De plus, comment peut-on sermonner un homme célibataire d’être justement sans Torah, lorsque marié, il a indubitablement moins de temps pour l’étude justement ?!

Les voies de la Torah, la qualité aux dépens de la quantité

Si nous concevons la Torah comme une somme de connaissances informationnelles à maîtriser, ou comme la pratique constante d’une discipline réflective alors effectivement, se marier représente un frein à l’excellence en cela que le temps viendrait à manquer à la tâche. En revanche, si nous supposons que la Torah est l’atlas de l’existence dont le but suprême est de parfaire l’homme, alors il est envisageable que sans le concours d’un compagnon, elle ne saurait mener à bon port.

Tachons d’en comprendre la véritable raison.

Le couple, l’endroit du vrai visage de l’être

Le Midrach (Y. Chimoni) dit que les convoqués au tribunal céleste pour témoigner des agissements d’un homme ici-bas seront son mauvais penchant et sa femme.

Pourquoi elle ? Car personne ne connaît mieux un homme que son épouse et réciproquement. Mais il y a quelque chose de plus dans cet enseignement. Le Midrach cherche à attirer notre attention sur une vérité rudimentaire dont on ne saisit pas suffisamment l’impact. Il déclare en filigrane de ces lignes saintes, qu’il n’y a qu’entre les quatre murs de sa maison qu’un homme ôte réellement son masque social et la seule à même de voir son vrai visage, c’est son épouse.

Néanmoins, si d’habitude, cela a un effet dissuasif, la Torah s’accorde pour dire qu’il s’agit là d’une véritable chance. En effet, le fait qu’une personne puisse se montrer sous son véritable aspect, vulnérable, sans être jugée, lui permet de s’accepter, de s’assumer et puis par la suite, de se renouveler de façon cohérente. En outre, il est clair que l’époux est le soutien le plus sincère de son conjoint, connaissant parfaitement ses travers, il est le plus à même de le guider dans ses tergiversations. Et dans une société où le doute est perçu comme une faiblesse « Le couple reste l’un des derniers lieux où l’on peut dévoiler et livrer son moi intime » comme l’écrivait la sociologue Bernadette Bawin-Legros dans son ouvrage Le couple rythmé par ses crises, un regard croisé entre une sociologue et une thérapeute de famille » Éd. L'Harmattan.

Mais outre l’aspect psycho-émotionnel, le couple est également salutaire pour la santé physique des partenaires, c’est le résultat d’une méta-analyse parue dans le Psychological Bulletin en janvier 2014, (« Marital quality and health : A meta-analytic review», Theodore F. Robles, Richard B. Slatcher, Joseph M. Trombello, Meghan M. McGinn) qui a permis de découvrir que les personnes en couple mourraient moins de cancers, de maladies cardiovasculaires et souffraient considérablement moins de dépressions que les célibataires. Les chercheurs ont expliqué cette corrélation par le soutien mutuel et continu que les partenaires s’apportent quotidiennement en se motivant à cesser les habitudes néfastes (tabagisme, alcool…) et en s’encourageant à poursuivre un rythme de vie bénéfique (régimes, activités physiques…).

D’ailleurs, l’Insee avait fait parler de lui, il y a quelques années avec son sondage à grande échelle statuant que ceux qui vivent en couple avaient plus de chances de vivre plus longtemps que les autres. Le taux de mortalité s’en trouvait réduit au tiers par rapport aux personnes vivant seules. (« Les personnes en couple vivent plus longtemps », Insee, août 2007)

Le fait de vivre en couple est incontestablement salutaire pour l’être humain, mais est-ce seulement pour ces raisons là que la Torah en a fait son apparat ?

Il semblerait qu’il y ait quelque chose de plus profond qui se cache derrière tout cela.

Une Torah de vie qui demande à passer du potentiel au réel

Le Gaon de Vilna écrit dans Even Chéléma (chap.1 alinéa 1-2) : « Le principal objectif de l’homme sur terre est d’améliorer son caractère, sinon pourquoi serait-il sur terre ?! » On pourrait ainsi majorer les propos du Sage et envisager que c’est précisément dans ce but là que D.ieu lui transmis Sa Torah. Et maintenant, tout s’assemble harmonieusement.

Si le but suprême de l’existence est bel et bien de parfaire son caractère grâce à l’Écriture divine, quelle serait le lieu de prédilection pour exécuter cette science ? Il s’agit évidemment du couple, voilà pourquoi le Talmud dit qu’un homme célibataire ne saurait véritablement accéder à l’essence de la Torah.

Le couple est un lieu de concession, de recherche d’harmonie et de respect de l’autre dans toute sa différence. Enfin, le mariage est le seul véritable lieu où peuvent réellement s’exprimer les enseignements de la Torah afin de les intégrer à son moi intérieur. Ainsi, le mariage est la dernière instance de la société garantissant à l’homme un coin dans lequel il peut construire sa personnalité de façon sereine.