Il y a quelques mois, j'ai enseigné dans un séminaire destiné à faire découvrir le judaïsme à des jeunes filles en quête de vérité. Ce séminaire comptait près de 500 filles. Quoiqu'elles fussent très nombreuses, leur aspiration était commune : atteindre le bonheur !

J'ai réussi à me lier d'amitié avec l'une d'entre elles en particulier, et ensemble, nous avons mené une longue discussion sur le sens de la vie et les valeurs du judaïsme. A un certain stade, après un grand nombre de questions qu'elle me posa, elle s'arrêta soudainement et s'exclama : « D'accord, admettons que j'accepte et que je comprenne plus ou moins toute cette vision, prenons par exemple le Chabbath, c'est un moment merveilleux pour la famille, la pudeur c'est la meilleure façon de maintenir son respect, la Cacheroute peut également être liée à des règles de santé, mais il y a un sujet à propos duquel j'ai beau y réfléchir sous ses différentes facettes, je n'arrive pas du tout à en saisir le sens…

Il s'agit du concept du Chiddoukh, comment peut-on concevoir qu'on puisse connaître une personne en si peu de temps, comment envisager de construire sa vie avec un homme avec qui on a seulement eu quelques entretiens. C'est absurde… Si l'on veut vraiment connaître une personne, cela devrait prendre plusieurs années… »

En entendant sa question, j'ai souri intérieurement. Elle me faisait penser à moi-même lorsque j'avais quelques années de moins… C'était exactement la question à laquelle je cherchais une réponse lorsque j'avais commencé, moi aussi, à me rapprocher de la Torah. Et aujourd'hui, au bout d'un certain nombre d'années, d'un point de vue complètement différent, je comprends que je perçois les choses avec un regard totalement différent.

Le Chiddoukh: deux étrangers se marient ?

Vous avez pris la décision de chercher un partenaire pour la vie. Il s'agit sans aucun doute d'une décision cruciale. Peut-être que, pour y arriver, la méthode qu'adopte le judaïsme diffère totalement de celle qui est pratiquée par la plupart des individus en général.

Selon la vision commune du monde occidental, une présentation doit avoir lieu accidentellement, on se rencontre dans n'importe quelle circonstance, à n'importe quel lieu, et avec n'importe qui. Il se peut que ce soit une personne qu'on ait rencontré par hasard dans la rue ou par l'intermédiaire d'amis communs, ou qu'il s'agisse tout simplement d'une personne qui m'a souri et qui, à mon sens, semblait assez séduisant, sous la lumière des projecteurs ou à travers une fumée épaisse dans un club. A partir de cette axiome, tout est autorisé, il n'y a aucune règle : on échange nos numéros de téléphone, on se rencontre et… progressivement, ou plutôt rapidement parfois, on crée une relation intéressée et commune.

Dans une telle relation, il n'y a aucun engagement… La relation provient uniquement de cet instant où l'on a ressenti qu'on était bien ensemble. Si un jeune homme veut prouver à une jeune fille qu'il est sérieux – il lui proposerait même de vivre avec elle, mais, bien que cela paraisse étonnant, le rêve du mariage ne fera que s'éloigner… En effet, personne ne cherchera à changer quoi que ce soit lorsqu'on se sent bien avec un tel mode de vie… Et puisque cela est possible, pourquoi pas ?

Dans une de ses conférences, Le Rav Zamir Cohen a expliqué à ce sujet que les gens se créent ainsi des cicatrices indescriptibles. Prenons un exemple classique : une jeune fille rencontre un jeune homme, elle s'attache à lui et s'investit beaucoup pour lui, puis, un beau jour, leur histoire prend fin. Ceci peut arriver pour n'importe quelle raison, mais, au final, en un seul instant, une relation de longue durée a été rompue. En un instant, deux individus qui vivaient comme un couple marié se séparent… Ce qui se passe, en d'autres termes, sur le plan sentimental, c'est une expérience similaire au divorce… Le cœur est brisé et il est difficile de décrire ces sentiments douloureux…

Puis, l'on entame une nouvelle relation et l'on entend à nouveau l'écho des cloches qui annoncent que cette fois-ci, c'est sûr qu'il s'agit de l'homme dont on a rêvé toute notre vie. On s'attache à la personne, on se donne et on s'investit, mais voilà qu'à nouveau, après une certaine période, ce lien est également rompu. Petit à petit, le cœur pur et sensible perd son état d'origine et se retrouve couvert de cicatrices, donc il se bouche.

Ce processus ressemble à l'efficacité d'un scotch, si on le colle une fois, il reste en place, mais au fur et à mesure qu'on le décolle et recolle, il perd sa colle et n'est plus utilisable. Il en est de même pour le cœur, l'individu peut être amoureux, se dévouer et donner tout son être, puis, le coup arrive, et cela recommence. A un certain stade, lorsque le cœur a accumulé un nombre important de blessures, ces dernières provoquent un dégât sur le plan sentimental qui est parfois irréparable. Et après avoir subi une telle douleur, la capacité qu'a l'individu à pouvoir placer sa confiance en une personne de sexe opposé va en diminuant. Par conséquent, même lorsqu'arrivera le moment de créer une relation avec son véritable conjoint, le cœur n'est plus capable de se dévouer tant. La personne n’en est pas coupable, mais elle n'est plus en mesure de placer toute sa confiance en l'autre.

Objectif : Préserver son cœur lors de la recherche de son âme-sœur

A l'inverse, le judaïsme propose une méthode totalement différente et elle se substitue à l'approche moderne qui a, sans l'ombre du doute, bel et bien échoué. Toutefois, cette méthode a l'air si arriérée que les gens ont du mal à la choisir… Mais sachez, chers amis, que notre imagination est bien loin de la réalité !

Selon le judaïsme, pour une jeune fille qui désire fonder un foyer, il n'y a pas de meilleure façon de rencontrer un jeune homme sérieux que par le biais du Chiddoukh. Ce procédé fonctionne lentement mais sûrement. L'on commence d'abord par proposer un nom et, en règle général, celui qui lance l'idée connaît aussi bien le jeune homme que la jeune fille et suppose qu'ils pourraient convenir l'un à l'autre. L'idée peut provenir d'un ami proche, d'un membre de la famille, ou de Chadkhanim experts en la matière.

Après avoir pris les renseignements élémentaires, tels que l'âge, le métier, les traits de caractère, et que cela semble être compatible, l'on s'informe de façon plus approfondie auprès de gens qui côtoient la personne concernée. On leur demande quel est le lien entretenu avec le/la prétendu(e), ce qu'il recherche, son style etc., sans que les personnes interrogées ne sachent ce qu'on attend comme réponse. Il est évident qu'il faudra également se renseigner au sujet des mauvais traits de caractère : est-il coléreux, paresseux, avare ? Mais même ce genre de questions, il faut apprendre à les poser intelligemment, nous ne pourrons toutefois pas expliquer cela en détails dans le cadre de notre développement.

Après que les deux partis aient pris leurs renseignements, ils savent globalement, certes de façon superficielle mais sûre du moins, s'il y a lieu de passer à l'étape suivante par une connaissance plus approfondie. Si les deux parties conçoivent qu'ils peuvent être compatibles l'un à l'autre, elles fixent alors une première rencontre.

Les rencontres

La première rencontre a généralement lieu dans un café, dans le lobby d'un hôtel, ou encore chez un bon ami qui aurait la gentillesse de leur laisser son salon pour la soirée. Dans tous les cas, la rencontre doit prendre place dans un endroit calme où l'on ne risque pas d'être perturbé, et sans qu'il y ait beaucoup de monde autour. A ce stade, l'on vérifie uniquement deux éléments : le lien et l'attrait.

Cette première discussion dure une à deux heures et tourne principalement autour du parcours général des deux personnes. Dans une certaine mesure, les questions qui vont être soulevées rappellent un peu un entretien d'embauche, mais le ton sera tout autre. Chacun raconte de façon générale les grandes lignes de son C.V., mais parle aussi de ses aspirations et de ce qu'il cherche à faire dans sa vie. Simultanément, au cours de la discussion, chacun vérifie si la compagnie de l'autre lui est agréable, si la discussion coule de soit, et s'il y a un attrait vers l'autre, ou, au contraire, un rejet.

L'on n'accorde de place qu'à notre intellect et l’on n'y mêle pas encore les sentiments. Il est évident que l'on ne va pas se toucher, puisque cela risquerait de perturber notre vision objective et pourrait nous aveugler. De plus, l'on ne raconte pas de choses trop personnelles. Ainsi, l'on préserve notre cœur et on ne le laissera s'emballer de ce qui lui revient en temps et en heure.

Après la rencontre, chacun pèse les données et réfléchit s'il lui serait agréable ou non d'envisager une seconde rencontre, et, en fonction de cela, la décision va être prise. En général, on ne transmettra pas nos impressions directement à l'autre partie mais à une tierce personne qui joue le rôle d'intermédiaire. Et ce, pourquoi ? Pour éviter de causer de gêne. Imaginons qu'une jeune fille ait trouvé grâce aux yeux d'un jeune homme mais que ce dernier n'a pas du tout plu à la jeune fille… Combien ce serait gênant pour la jeune fille de tenter de trouver les mots adéquats pour avoir la finesse de dire que, de son point de vue, « ce n'est pas ça ». L'intermédiaire transmet à chacun la réponse de l'autre partie, et, si les deux partenaires sont intéressés à continuer, l'on fixe une deuxième rencontre.

Lors de la deuxième rencontre, la discussion est moins officielle et se veut plus fluide. Là, on peut aborder n'importe quel type de sujet, et l'on continue à vérifier s'il y a un bon courant qui passe et si l'un trouve grâce aux yeux de l'autre. De manière générale, plus on avance dans les rencontres et plus on peut envisager de se voir dans des lieux ouverts et fréquentés par un public important. C'est de cette façon que l'on sera amené à découvrir les réactions d'autrui face à différentes situations, vis-à-vis des autres. En outre, le fait de se trouver ensemble parmi la foule est l'occasion de vérifier si la compagnie du partenaire nous est agréable. Serais-je satisfait(e) de le (la) présenter à mes connaissances ?

« Nous avons peu de temps mais beaucoup de travail...»

Une critique répandue à propos des Chiddoukhim concerne la durée des présentations. L'on reproche d’y accorder beaucoup moins de temps que des rencontres généralement effectuées dans le monde. La réponse à cela est très simple : dans un Chiddoukh, le point de départ et l'objectif de la rencontre ont déjà été mis au clair par les deux partenaires. Tous les deux ont été préparés à la rencontre, savent ce qu'ils recherchent, et sont animés d'une motivation sérieuse. S'il n'y a pas d'inconvénient qui se présente, ils sont disposés à établir une véritable relation en vue de fonder un foyer. Lors d'un Chiddoukh, il ne s'agit pas d'une rencontre qui s'est présentée « au hasard » entre deux individus à propos desquels, il est fort probable que les deux personnes ne se situent pas du tout sur la même longueur d'onde sur le plan de la maturité sentimentale pour une vie de couple. Et ceci peut faire rompre la relation et créer de sérieuses frustrations.

Par ailleurs, dans la majorité des Chiddoukhim, on ne passe pas par « l'étape du jeu » où chacun tente de donner à l'autre une image de lui-même différente de ce qu'il est réellement. La communication est, dès le départ, basée sur la confiance et l'honnêteté sans aucun « pot de vin » superficiel tel que le toucher. De ce fait, puisque tout est authentique, il est bien plus aisé de comprendre assez rapidement si le partenaire peut convenir ou pas.

Au bout du compte, il est clair pour la plupart des personnes qui se rencontrent en Chiddoukh, qu'il ne faut pas une année entière pour se connaître ou pour se décider, les rencontres étant focalisées sur l'essentiel et les sujets de discussion étant assez sérieux. Ils n'ont peut-être pas disposé de beaucoup de temps, mais ils ont, en revanche, réussi à effectuer un travail important. Et vous serez vous-mêmes étonnés de réaliser à quel point, en une courte période relativement, il est possible de se découvrir en profondeur lorsqu'il y a un bon lien et une volonté sincère.
 

En conclusion

Je voudrais vous avouer que, moi aussi, j'étais sceptique à ce sujet et, en réalité, il m'a fallu plusieurs années pour accepter cette formule de rencontre en dépit de toutes les raisons logiques que j'y trouvais. Pendant des années, j'étais cloisonné dans un mode de pensée qui me dictait ce à quoi les choses devaient ressembler. Puis, j'ai été obligé de comprendre que ce n'est que lorsqu'on saute à l'eau qu'on peut comprendre certains sujets de l'intérieur. Et ensuite seulement, l'on réalise à quel point la Torah est juste et exacte… même si elle date de plusieurs millénaires.

Aujourd'hui, je peux affirmer que c'est comme si l'on apprend à parler une langue étrangère. La Torah a sa propre langue. Mais elle voit le but de notre existence dans ce monde ici-bas, elle cerne la notion d'amour ainsi que celle du couple. L'on ne peut pas toujours la saisir de l'extérieur, mais celui qui est suffisamment courageux pour essayer, ressent et comprend bien vite que cette voie est la bonne, elle est à la fois authentique et agréable, ni trop figée et ni trop conservatrice.

A part cela, même s'il est difficile de comprendre et d'accepter, il est indubitable que celui qui accomplit la volonté de D.ieu ne pourra jamais en être perdant, alors pourquoi ne pas essayer du moins de suivre cette voie ?

Au final, nous devons nous rappeler qu'il n'y a pas de chose plus élevée dans le judaïsme que l'amour entre un homme et une femme. Il est clair qu'Hachem ne souhaiterait pas qu'on se marie en ayant le sentiment de se trouver avec un étranger dans l'aliénation et la précipitation, ou à contre gré.

Au-delà de toutes les explications, plaçons un peu notre confiance en notre Maître du monde qui nous a créés, et rappelons-nous qu'Il nous connaît mieux que ce que nous nous connaissons nous-mêmes et que c'est Lui qui nous conseille de suivre cette voie spécifique et pas une autre. Suivons-la et nous en serons les gagnants exclusifs !