‘Hanouka… quelle fête magnifique ! Les lumières, les beignets, les réunions familiales… le bonheur ! Mais je dois avouer que le plus difficile pour moi est la période “post-allumage” : pendant une demi-heure, je dois faire la chose la plus difficile pour une femme, NE RIEN FAIRE ! En effet, comme le préconise le Choul’han 'Aroukh, les femmes ont l'habitude de restreindre leurs activités le temps que brûlent les lumières de 'Hanouka. Essayons de comprendre la profondeur qui se cache derrière cet enseignement.

Le monde physique est représenté par le chiffre 7. Il y a 7 couleurs dans l'arc en ciel, 7 jours par semaine, 7 dimensions, 7 notes de musique... Le 7 symbolise ce qui se réalise dans le cadre des lois de la nature. 

En revanche, le chiffre 8 est un cran au-dessus de l'ordre naturel et représente le monde métaphysique, que nous ne pouvons ni toucher, ni appréhender par nos sens primaires. Le 8 est le pouvoir infini d’aller au-delà du possible… et il symbolise aussi le monde émotionnel qui  remplit nos vies de profondeur, de sens et d'éternité. 'Hanouka dure 8 jours car 'Hanouka commémore un miracle. Les miracles ne sont pas naturels : ils appartiennent à la dimension du 8, du surnaturel [1].

La civilisation grecque était avancée et instruite, mais fermement enracinée dans le monde du 7. Pour les Grecs, le monde de la transcendance était une absurdité, voire une abomination. Leur but ultime était d'éteindre la spiritualité. Pourtant, le peuple juif a été choisi pour prendre la création de D.ieu et l’élever à un niveau supérieur. Pour connecter le monde du 7 au monde du 8. 

C’est pourquoi la première chose que les Grecs ont voulu souiller a été le Temple, lieu de connexion entre l’Humain et le Divin, entre le Ciel et la Terre. Le Maharal fait remarquer qu’au sein du Temple, le nombre de marches séparant le parvis des femmes était de 15. Il explique que le nombre 15 symbolise cette union car 15 = 7+8. Le Temple fait le lien entre ce qui est d’ordre physique (7) et la dimension spirituelle (8).

La vraie spiritualité n’est pas de s’enfermer dans des dogmes, mais d'utiliser le monde physique pour se connecter au Divin. Nos Mitsvot et notre étude de la Torah doivent être intégrées dans nos vies, afin de nous élever et sanctifier le Nom Divin sur Terre. C’est pourquoi, au début, les anges se sont opposés à ce que Moché Rabbénou reçoive la Torah : « Comment peut-on faire descendre quelque chose d’aussi Saint que la Torah dans un monde si bas ?! C’est une offense pour la Torah ! ». Or Moché leur a répondu que c’est justement à travers la descente dans ce monde que l’on va rajouter du Kavod (respect, honneur) à la Torah et à Hachem. Jusqu’au don de la Torah, Hachem régnait dans le monde spirituel, mais en donnant la Torah aux humains, Hachem va désormais régner même dans les couches matérielles de ce monde. Ce magnifique argumentaire de Moché a convaincu les anges et constitue un merveilleux enseignement pour nous : le but de notre Torah est de relier le 7 et le 8, et de mettre de la spiritualité dans nos actes pour sanctifier le Nom Divin sur Terre !

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Nos maîtres expliquent que lorsque Hachem nous a donné la Torah, Il l'a d'abord donnée aux femmes. Il nous l’a donnée à nous en premier car c’est le propre de la femme de trouver du divin dans ce qui est matière, dans ce qui parait le plus éloigné de l’infini du divin. Il est facile de mettre de la spiritualité à la synagogue, mais il est d’autant plus difficile de la mettre dans les actions banales du quotidien. Or Hachem nous a choisies, nous les femmes, pour réaliser cela, car l’essence même de la femme est de concrétiser la spiritualité dans ce bas monde [2].

La femme élève ses actes grâce à la Émouna (foi) qui l’accompagne. Lorsqu’elle prépare à manger, elle a l’intention de nourrir les enfants d’Hakadoch Baroukh Hou. Lorsqu’elle fait du sport, elle sait pertinemment qu’elle réalise la Mitsva de faire attention à sa santé ! Lorsqu’elle fait la queue à la banque, en attendant patiemment son tour, elle a l’intention de respecter la Mitsva « d’agir avec droiture aux yeux d’Hachem » [3]. Même lorsqu’elle dort, elle se dit qu’elle prend des forces pour mieux servir Hachem et s’appelle, selon le Rambam “'Oved Hachem bechnato” : serviteur de D.ieu dans son sommeil.

Grâce à ses intentions, les actes qu’elle réalise au quotidien sont sublimés et prennent une teneur infinie. Tous les détails de ses actes deviennent une Mitsva en soi. Même lorsqu’elle prend le bus pour aller travailler, cela devient partie intégrante de la Mitsva de contribuer à la Parnassa d’une maison juive. 

La vie d’un Juif n’est pas d’être perché dans les hautes sphères, ni d’être cramponné au monde matériel sans y mettre du sens. C’est la leçon des bougies de ‘Hanouka. Remplies d’huile d’olive (l’huile se dit “Chemen” en hébreu), elles symbolisent l’intégration du 8 (“Chemoné” en hébreu) dans la vie quotidienne du Juif afin d’éclairer sa Néchama (mêmes lettres que Chemoné et Chémen). Les bougies de ‘Hanouka se mettent à nos fenêtres, afin que les passants puissent les voir. Nous rendons publique la mission des Juifs, et principalement des femmes juives, lorsque nous allumons nos bougies face à l'extérieur.

Comme des témoins, elles se tiennent debout pour témoigner de notre volonté de relier le 7 et le 8 et  symbolisent notre fierté de vivre une vie matérielle pleine de sens…

‘Hanouka Saméa’h à toutes !


[1] Fait intéressant, même le symbole mathématique de l'infini ressemble au chiffre 8 à l’horizontal.

[2] Une autre raison, non moins importante, est car Il savait que nous allions donner l’amour de l’étude à nos enfants et que nous veillerions à ce que nos maris l'étudient assidûment. De cette manière, D.ieu pourrait garantir la pérennité du peuple juif pour toutes les générations futures.

[3] Dévarim (6,18)