Dans le contexte de la première délivrance, celle du pays d'Égypte, il est écrit : "Et moi aussi j'ai entendu le cri des enfants d'Israël" [1]. La formulation « Et moi aussi », semble étrange ! Qui d'autre, à part l'Éternel, aurait entendu les cris des enfants d'Israël asservis chez Pharaon ? Les commentateurs répondent que ce n'est qu'après qu'Hachem a vu que chacun des enfants d'Israël a eu de la compassion pour son voisin qu'il les a delivrés ! Parce qu'il n'y a rien de plus précieux aux yeux d'Hachem que de voir ses enfants s'aimer et se venir en aide.

Le rav Lior Sibbi, dans son livre Chalom Alékhem, nous enseigne que de la même manière, nous voyons dans notre Paracha que la libération de Yossef le Juste (qui passa de nombreuses années en prison chez Potifar, après avoir été accusé gratuitement par la femme de son maître) commença quand il se pencha vers l'autre en disant aux deux officiers : "Pourquoi votre visage est-il sombre aujourd'hui ?" Ce sont ces sept mots qui vont déclencher le passage de l'obscurité à la lumière. Après avoir été jeté dans le puits par ses propres frères, vendu aux Yichmaélim, enfermé dans la prison de Potifar durant douze ans, il devient roi en Égypte ! De là, nous apprenons que la compassion amène à la délivrance.

Aimer vraiment, c’est compatir ! (Saba de Kelm)

Le Talmud [2] raconte que Rabban Gamliel avait une voisine qui avait perdu son fils, et elle en pleurait toutes les nuits. En l’écoutant, il pleurait également avec elle jusqu'à que ses cils soient tombés. On pourrait s’interroger : pourquoi Rabban Gamliel pleura autant ? Ses pleurs aideront-ils cette pauvre femme?

En fait, Rabban Gamliel savait pertinemment que quand l'autre ressent qu'il y a quelqu'un qui partage sa souffrance, alors cela constitue un véritable soulagement pour lui. D'ailleurs, des recherches qui ont été faites sur des personnes souffrantes ont montré que la force de la douleur diminuait considérablement quand on exprimait envers eux de l'empathie. L’empathie est la faculté d'identifier les pensées et les sentiments d'autrui, de les comprendre, de ressentir ce qu'il ressent, et de lui montrer qu'il a été compris.

Moché Rabbénou, le dirigeant du peuple juif dans le désert, n'a pas grandi avec ses frères. Sauvé du Nil par Batia, la fille de Pharaon, il fut élevé dans le palais de son père en tant que Prince, et il vivait donc dans l'opulence et la paisibilité… Et pourtant, la Torah témoigne qu’il fut « témoin de leur souffrance » [3]. Quand Moche Rabbénou se pencha sur ses frères asservis, ce ne sont pas seulement ses yeux qui ont vu. Son cœur a aussi participé à leur souffrance. Et pour arriver à ressentir leur douleur, il a fait un véritable effort car cela n'est pas naturel de comprendre l'autre quand on a eu une éducation différente, une personnalité différente, et qu'on a vécu des événements différents.

Rachi nous décrit le chemin que Moché a emprunté pour parvenir à compatir :

1- « Il a donné ses yeux » : il s'est concentré sur l'autre, il est sorti de lui-même, il s’est décollé de son égocentrisme.

2- « Il a donné son cœur » : après s’être efforcé de se mettre à leur place, il a réussi à ressentir ce qu’ils ressentaient…

Aimer son prochain comme soi-même !

On peut dire que le code secret de la réussite dans le mariage comprend trois mots : penser à l’autre ! Essayer de déplacer nos pensées de nous-même vers notre conjoint. Par exemple, au lieu de se dire : ”Je ne supporte pas que…”, réfléchir aux besoins de notre conjoint : ”Qu'est-ce que mon mari ne supporte pas ?” Ou encore, au lieu de : ”Il faut absolument que j’ai…”, penser ”Qu’est ce que mon mari aimerait avoir ?”.

Pour terminer, j'aimerais raconter l'histoire d'un étudiant en médecine qui, avant d'obtenir son diplôme, a passé un examen chez un grand professeur, connu mondialement. Celui-ci le questionna :

- « Comment guérir quelqu'un qui s'est blessé et dont le sang se déverse de son corps ? 

- Il répondit : On lui donne tel médicament. 

- Le professeur continue : Et quand ce médicament manque ? 

- On brûle un morceau de tissu et on le pose sur l'endroit qui saigne. 

- Et quand il n'y a pas de tissu ? »

Et là, l'étudiant ne savait plus quoi répondre ! Le professeur décida de ne pas lui accorder son diplôme, ce qui attrista terriblement le stagiaire qui rétorqua :

- « Mais je ne comprends pas, parce que je n'ai pas su répondre à une question je dois perdre autant d'années d'investissement ? »

- « Oui, exactement », répondit le professeur. « Si en voyant du sang couler devant tes yeux, tu ne ressens pas qu'il est de ton devoir de déchirer ton vêtement, alors le métier de médecin ne te convient pas. Parce que cela prouve que la situation du malade ne t'a pas vraiment touché ! »

Le Rav Arié Lévin est arrivé un jour chez le médecin avec son épouse en disant : « La jambe de ma femme nous fait mal ». Chez lui, ces paroles de solidarité profonde étaient devenues naturelles : « nous fait mal » car « nous deux souffrons, nous sommes ensemble même dans la difficulté et c'est pour cela que nous passons toutes les épreuves ». Si l'homme se met à la place de sa femme et la comprend, et vice-versa, si la femme se met à la place de son mari et le comprend, alors chacun sera prêt à se sacrifier pour l'autre et la Présence divine régnera entre eux.

Chabbath Chalom à toutes !

 

[1] Vaéra, chapitre 6, verset 5

[2] Sanhédrin 104

[3] Chémot, chapitre 2, verset 11