Deux paragraphes de la Torah se suivent dans le livre de Chémot : la guerre d’Amalek, venu attaquer Israël(dernier chapitre de Béchala’h), et l’arrivée de Yitro, beau-père de Moché Rabbénou, chez les enfants d’Israël, dans la Parachat Yitro qui contient la révélation du Sinaï. Cette proximité des deux Parachiot est riche de signification, et nous invite à réfléchir à l’actualité brûlante que nous vivons aujourd’hui !

Que voulait Amalek ? Qui le menaçait, dans cette sortie d’Égypte ? Israël était « fatigué, à bout de forces ». Pourquoi vient-il maintenant, AVANT qu’Israël arrive au Mont Sinaï ? Aucune explication n’est donnée à l’attaque d’Amalek. Les Sages expliquent, d’après le nom du lieu de l’attaque, qu’Israël s’était affaibli spirituellement (leurs mains étaient faibles – d’après le terme « Rafi » (faible) et « Yad » (main). Rachi lie cette attaque au manque de reconnaissance des enfants d’Israël à l’égard de l’Éternel, qui vient de les sauver de toutes les souffrances : traversée de la Mer Rouge, manne, eau venue du rocher. Rachi compare cela à un enfant porté dans les bras de son père qui le protège de tous les dangers et satisfait tous ses désirs. Vient un passant, et l’enfant lui demande : « Où est mon père ? » Alors le père intervient et dit : « Ah ! tu ne sais pas où je suis ? » et il le jette par terre. Arrive un chien qui vient mordre l’enfant. « Les enfants d’Israël ont dit : “L’Éternel est-Il parmi nous, ou non ?” » (Chémot 17, 7). Alors, Amalek arrive !

Alors, réfléchissons ! Sommes-nous assez conscients de la survie surnaturelle du peuple juif ? Il a échappé aux Grecs, aux Romains, il a survécu à l’Inquisition, aux pogroms, à la Shoah. 

Il est là, il survit, et continue à rester le peuple de D.ieu. Est-il un autre peuple dispersé aux quatre coins de l’univers depuis l’Antiquité, qui survit grâce à son lien avec la Torah, avec son patrimoine spirituel ? Réveillons-nous et ne demandons pas « où est l’Éternel ? » Il est nécessaire de considérer que des attaques comme celle de Sim'hat Torah ou comme les attentats qui deviennent de plus en plus fréquents sont là pour nous réveiller (article écrit au lendemain de l’attentat qui a fait deux morts et plusieurs blessés ce vendredi 16 Février !). Sachons et comprenons quelle est notre tâche, d’être une source vivante de spiritualité dans un monde vide moralement. La Torah, le reflet de l’Éternel, la relation avec ce qui doit transcender le matériel, c’est cela qui est vital pour l’existence !

Ici, arrive Yitro, prêtre de Midyan, qui a donné sa fille, Tsipora, à Moché. Il a entendu tous les miracles faits à Israël et, tout en tremblant pour les Égyptiens, tout en étant joyeux pour les miracles accordés à Israël (explication de la Guémara du terme « Vayi’had » – il s’est réjoui, mais frissonnait pour la chute des Égyptiens), il reconnaît, après avoir étudié toutes les idolâtries : « Loué soit l’Éternel, Qui vous a sauvés des Égyptiens, de Pharaon, Qui a sauvé le peuple de la domination de l’Égypte. Maintenant, je sais que l’,Éternel est plus grand que toutes les autres divinités » (Chémot 18, 10-11). Rachi précise que Yitro connaissait toutes les religions. Il est en admiration devant les « merveilles » qu’a « réalisées » l’Éternel. Ici aussi, tentons de comprendre : le peuple d’Israël apparaît, aux yeux de Yithro, comme différent des autres nations, et il affirme la supériorité de l’Éternel. Les nations, certes, sont conscientes de cette spécificité du peuple juif. Elles peuvent comprendre qu’Il est le seul D.ieu d’une part, mais en même temps, cette prise de conscience les fait frissonner, les hérisse. Ici, l’on comprend qu’au lendemain de la Shoah, les nations reconnurent un État, mais une supériorité d’Israël les fait frissonner, car la spécificité d’Israël – sa Torah – ils ne la reconnaissent pas. 

Certes, Yitro apparaît positivement, comme le contraire d’Amalek ; il a compris, mais il inscrit sa législation dans le présent. Lui-même s’est converti, en comprenant l’essence du peuple juif, l’être de son existence, sa proximité avec l’Éternel. Son nom est donné à la Paracha de la Révélation : honneur suprême, mais elle est plutôt une appréciation actuelle de Yitro qui se convertit. 

Le Rav Elie Munk résume clairement la raison de la proximité de ces deux évènements : « En rapprochant l’histoire de Yitro de celle d’Amalek, l’Écriture nous donne l’exemple valable pour tous les temps, des réactions différentes que le fait d’Israël peut susciter chez les nations : l’évènement de la sortie d’Égypte avait incité les Amalécites à livrer à Israël une guerre d’extermination… Yitro, par contre, fut profondément impressionné par les événements providentiels et il se convertit » (Kol HaTorah, Rav Elie Munk, Exode 18, 1). 

Ici, il nous importe de traduire aujourd’hui deux attitudes : la haine ou la sympathie. Israël ne cherche pas à « convertir » les nations. S’il y a des convertis, ils ont un rôle aussi. N’oublions pas que le Machia’h, descendant de David, vient de Ruth, la Moabite convertie et liée fortement à sa belle-mère, Naomi. Par contre, ce qu’Israël doit représenter parmi les nations, ce n’est pas une assimilation qui conduirait à la disparition ; son rôle est d’être une lumière, un phare d’espoir pour l’humanité. Amalek est l’adversaire, Yitro est un spectateur qui a compris et donc s’est intégré dans l’histoire d’Israël. Il faut – nécessité historique – faire flamber cette flamme, ne pas se laisser attirer par toutes sortes de séductions, et alors, assurément, l’Éternel sera reconnu par l’humanité entière.