La Torah a un but pédagogique. Le terme « Torah » signifie « enseignement ». La raison en est que cet enseignement doit être transmis de génération en génération. Il est significatif que, dans la Torah, lors de la sortie d’Égypte, trois paragraphes sont spécialement destinés à expliquer aux divers enfants le sens des Mitsvot liées à Pessa’h. Un quatrième fils est mentionné dans le Livre de Dévarim, parce qu’il pose des questions plus essentielles sur les ordonnances de la Torah.

Si l’on essaye d’analyser les questions de ces 4 enfants, on peut distinguer 3 caractères : deux enfants sont « engagés » - soit dans le bien, soit dans le mal : c’est le « ’Hakham » (sage) et le « Racha’ » (méchant). Un autre est « superficiel » : il interroge, sans rien approfondir. Quant au quatrième, il est « indifférent », il ne pose pas de question, il faut l’éveiller et lui montrer qu’il s’est passé ici quelque chose d’inhabituel, d’étrange. Il importe, pour comprendre le BUT de la sortie d’Égypte, c’est-à-dire en fait le but et le sens de l’Histoire, d’analyser en profondeur ces 4 caractères : l’enfant « engagé » dans une voie (positive ou négative), le « superficiel » (la majorité de l’humanité) et « l’indifférent » qui ne pose pas des problèmes métaphysiques. À partir d’une réflexion sur l’avenir de l’être juif, il est essentiel de connaître la lecture de la Torah, et de nous insérer dans cette lecture.

Voyons d’abord qui est « engagé » ! Assurément le « sage » traduit l’intelligence, qui veut comprendre la division de la Torah, en trois sortes de prescriptions : certaines ordonnances qui évoquent un événement de l’Histoire témoignent de l’action du Tout-Puissant (« Édouyot ») ; d’autres lois qui organisent la société (« Michpatim ») et enfin des règles qui nous relient directement à la volonté du Tout-Puissant (« ’Houkim » - comme la Cacheroute et le Cha’atnez - mélange hétérogène de lin et de laine interdit par la Torah, par exemple). Le sage a compris que l’Histoire est dirigée, orientée dans un but précis. À lui, on explique qu’il doit tirer la leçon de Pessa’h, et garder le « goût » de cette solennité. C’est pour cette raison que, le soir du Séder, il est interdit de consommer le moindre aliment après l’Afikoman (dessert, formé d’une Matsa, évoquant le sacrifice pascal). Garder le goût de Pessa'h APRÈS la fête, c’est la leçon adressée à celui qui veut sincèrement comprendre son être juif, et appartenir au peuple unique, sorti d’Égypte, pour témoigner du D.ieu unique. Reflet de l’unité du Créateur, rôle du peuple juif.

Mais n’oublions pas les autres tentations qui occultent la mission d’Israël. Le « Racha’ » nie l’existence d’un Créateur. Il reproche à son peuple de rester esclave, car soumis à une Autorité suprême. « Pourquoi faites-vous ce travail pour vous ? » demande-t-il. Et la Haggada répond qu’il s’exclut du peuple et, selon une lecture du Gaon de Vilna, c’est D.ieu qu’il exclut (en disant : « pour vous », il s’exclut, et utilise le terme : « Hotsi Ete ‘Atsmo », il s’exclut lui-même, et il inclut dans ce terme « ’Atsmo » l'Être même du monde). C’est l’athée qui refuse de reconnaître une Transcendance. Il ne croit qu’au hasard, donc à l’absurde. Il refuse de VOIR PLUS CLAIR dans l’Histoire, de s’intégrer dans son peuple. 

L’enfant « superficiel » - reconnaissons que c’est la majorité des hommes - lui, il remarque qu’il y a des choses inhabituelles qui se passent ; mais il ne les approfondit pas. Il lui suffit de dire : « Qu’est-ce que cela ? » Il existe un fait que l’on ne peut pas nier : l’histoire d’Israël est différente de l’histoire des peuples. Tous les peuples ont eu leur heure de gloire, puis ont disparu dans les archives de l’Histoire universelle ! Un seul peuple n’a pas disparu depuis l’Antiquité ! Cela interroge, alors on pose la question et la Haggada répond : « Il y a une Force Supérieure Qui nous a fait sortir d’Égypte, d’une maison d’esclavage » (selon Chémot 19, 14). Cette survie, cette pérennité d’un peuple appelle l’étonnement, et c’est ainsi que l’on répond à cette interrogation « simple » mais significative.

Il y a enfin un "au-delà" de cette simplicité, c’est l’impossibilité d’interroger, du fait de l’assimilation. Ce Juif-là est étranger à son peuple. Après 150 ans d’émancipation en France, un officier intégré dans l’armée, capitaine, accusé de trahison parce qu’il était juif, était-il conscient d’appartenir à un peuple différent ? Il fut condamné, sans avoir rien fait, seulement parce qu’il était juif ! Cette ignorance de la source frappe aujourd’hui toute une collectivité, puisqu’un sociologue juif ne s’interroge plus, il affirme : « L’État juif ne sait pas jusqu’à aujourd’hui qui il est » (L’Express – 16 Février). Perte de l’identité, donc absence d’interrogation sur l’être juif. C’est le quatrième fils de la Haggada qu’il faut stigmatiser aujourd’hui et donc tenter de lui rappeler son origine.

La fête de Pessa’h doit être une occasion de tenter de rappeler à chaque Juif son identité, qui ne saurait être occultée. Vouloir être comme les autres risque de mener à la disparition, mais il y a une promesse divine transmise par les prophètes que la Torah d’Israël ne sera jamais oubliée. À l’heure de la Guéoula, de la Rédemption, jaillira la lumière destinée à éclairer l’humanité. Dépassons les diverses tentations, restons fidèles à cette lumière et nous serons assurés de cette pérennité. Gardons le goût de l’Afikoman après Pessa'h pour le salut du peuple d’Israël et de l’humanité.