Hesped du Rav Moché Aryé BAMBERGER (Dayan de Metz), par Bruno Fiszon, Grand Rabbin de la Moselle :

Au sujet du verset de Michlé qui dit : "Mithalekh bétoumo tsadik achré banav a’harav" (le tsadik marche dans son intégrité, heureux sont ses enfants après lui) », Rabbi ‘Haïm de Volozhine explique que lorsqu’un tsadik s’est fatigué pour accomplir une mitsva, ses enfants n’ont plus beaucoup d’efforts à faire pour la réaliser1, car elle s’ancre en eux-mêmes et devient totalement naturelle, évidente.

Ce que le Rav Bamberger zatzal a implanté par son enseignement et son exemple (avec toutes ses qualités : sa bonté, sa ahavath Israël, sa modestie….) est éternel. La Yiddishkeith (le Judaïsme) ne pourra jamais être déracinée  du cœur de ses enfants. Il a gravi des montagnes 2, avançant pour la Torah malgré les critiques et les obstacles ; mais toujours dans la bienveillance, la gentillesse et avec le sourire.

Au sujet de la téfila, on peut se demander : comment est-il possible que l’on puisse prier Hachem de nous accorder telle ou telle chose ? Comment osons-nous Lui faire une liste de demandes ? Si nous avons besoin d’une chose, il nous la donnera ; et s’il ne nous la donne pas, c’est qu’elle n’est pas bonne pour nous ! Certes le commun des mortels a besoin de ces requêtes, mais le Tsadik pourquoi prie-t-il ? Une vraie téfila est une téfila dans laquelle on ne demande rien pour soi : on fait des bakachoth (demandes) pour les autres, et on exprime notre hakarath hatov (reconnaissance) à Hachem pour les bienfaits qu’Il nous accorde.

Dans la Paracha de Pékoudé, il est écrit dix-huit fois « kaacher tsiva Hachem eth Moché (comme Hachem a ordonné à Moché) » ; et, selon le Ba’al Hatourim, il y a un rapport entre ces dix-huit fois, et les dix-huit bérakhoth de la ‘Amida, Lequel ?

Le fait qu’Hachem ait écrit dix-huit fois « kaacher tsiva Hachem eth Moché » dans la Paracha de Pékoudé est lié au fait qu’Il a effacé le nom de Moché dans la Paracha de Tétsavé3. En prononçant les mots qui ont entrainé cet effacement, Moché Rabbénou exprimait le fait que sa vie n’avait pas de sens sans le Klal Israël ; qu’il était prêt à renoncer à tout 4 pour le Peuple juif. Or, comme le dit Rav Mordehaï Miller (zatsal), un homme capable d’une telle méssirouth néfesh (abnégation), qui annule à ce point sa volonté devant celle d’Hachem, fait une VRAIE téfila.

Lorsque Rav Bamberger zatzal pleurait à Yom Kippour, ce n’était ni pour sa santé, ni pour sa parnassa (subsistance). C’était pour le Klal Israël, pour tous ceux qui l’appelaient à l’aide : les jeunes enfants, les personnes âgées, les couples en dispute…..

Sa tefila était une vraie téfila.

Toute sa vie a été messirouth néfesh pour le Klal Israël et en particulier la communauté de Metz, il agissait avec modestie et dans la discrétion ; sans se mettre en avant, sans dire : « J’ai fait ceci, j’ai fait cela… »

Toute sa vie, il a été droit ; sans pour autant être austère, triste. C’était un homme, qui vivait une sim’ha (joie) tellement intense qu’il voulait la partager avec les autres Juifs, par amour pour eux. Chacun d’entre nous, qui avons eu l’immense honneur de nous asseoir en face du Rav pour être son élève a vécu cette expérience : Le Rav avait de la tendresse pour chacun de ses élèves alors que son engagement de Thora ne pourrait que pénétrer au plus profond de notre cœur et être gravé comme les lettres des tables de pierre, les Tables de la Loi.

Lorsqu’on voit la Rabbanite et leurs enfants, on revoit son sourire, sa gentillesse, son humour ; et surtout sa Torah. Une Thora de joie et de ahavath Israël (amour du peuple juif). Une Torah de VIE.

Rappelons-nous simplement sa flamme lorsqu’il réunissait les petits-enfants au cours de Michna. Ses yeux exprimaient tout son bonheur et sa bienveillance, les enfants le ressentaient intensément. Il aurait pu enseigner dans les grandes yéchivot, car c’était un Talmid 'Hakham, il a préféré rester ici à Metz pour ramener les enfants juifs à la ‘’Maison’’. On aurait voulu le garder encore mais ‘’Hachem donne et Hachem reprend’’. La raison pour laquelle il reprend dépasse la compréhension humaine. Mais, comme l’aurait dit Rav Bamberger zatsal : dans toute situation, aussi difficile soit-elle, il faut exprimer de la reconnaissance à Hachem

Qu’Hachem efface les larmes de tous les visages, et qu’il amène rapidement la yéchou’a (délivrance) car on a vraiment envie de le revoir !

 

1 Ils y arriveront plus facilement. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne doivent rien faire et compter sur les acquis de leur père ; il faut évidemment aller encore plus loin.

2 Il est arrivé à Metz à un moment où la vie juive à Metz était peu dynamique

3En effet, le nom de Moché Rabbénou ne figure pas dans cette Paracha, et ceci est une conséquence du fait que Moché ait dit à Hachem « Mé’héni na misifrékha acher katavta (efface-moi du livre que Tu as écrit) ». Ceci pour défendre les Bené Israël menacés par le châtiment de la faute du Veau d’Or.

4et même à ses mérites, comme l’explique le Seforno