L’un des sujets souvent mis en avant, en temps de guerre, porte sur la réaction correcte face à la mort de nos ennemis. Cette question trouve sa réponse dans la Paracha de cette semaine, quand la Torah nous raconte la mort des Égyptiens dans la mer des Joncs.

La Guémara (Méguila 10 b) affirme que les anges voulurent chanter une louange (durant la traversée de la mer) et Hachem dit : « Mes créatures se noient et vous souhaitez entonner un chant de louanges ?! »

Le Midrach, à propos du verset : « Ne te réjouis pas de la chute de ton ennemi » (Michlé 24,17), nous enseigne que les Bné Israël auraient dû réciter le Hallel pendant les sept jours de Pessa’h, tout comme ils le font durant les sept jours de Souccot. Mais pendant Pessa’h, ils ne le récitent entièrement que le premier jour. Pourquoi ? Parce que les Égyptiens moururent noyés dans la mer, or, il est écrit : « Ne te réjouis pas de la chute de ton ennemi ». (Yalkout Chimoni, Michlé 960)

De nombreuses contradictions et difficultés sont soulevées dans ce passage. Essayons d’en résoudre quelques-unes.

Après les événements miraculeux qui se produisirent lors de la traversée de la mer, les Anges voulurent chanter les louanges d’Hachem. Mais Hachem leur enjoignit de ne pas le faire, à cause de la mort des Égyptiens. Pourtant, à ce même moment, le peuple juif chanta la « Chira » et nous ne voyons pas qu’Hachem les en a empêchés. Quelle différence y a-t-il entre le chant des anges et celui du peuple juif ?

On peut répondre simplement que les Égyptiens menaçaient directement les Juifs et qu’il est donc justifié que ces derniers louent Hachem pour leur délivrance, malgré la mort des bourreaux. Quant aux Anges, ils ne firent pas face à une telle menace et ils ne devaient donc pas réciter de Chira devant la mort de tant de personnes.

Mais un autre problème se pose. Le Midrach explique que pendant toute la fête de Souccot, nous récitons le Hallel entier, tandis qu’à Pessa’h, nous ne complétons la récitation du Hallel que le premier jour (les autres jours, nous récitons le Hallel partiellement). La raison rapportée par le Midrach, là aussi, est qu’il ne convient pas de se réjouir de la chute de son ennemi. Étant donné que la noyade des Égyptiens eut lieu le septième jour de Pessa’h, nous ne complétons le Hallel que le premier jour. S’il est inapproprié de réciter tout le Hallel, pourquoi est-il permis (en ce même jour) de chanter la Chira, qui célèbre le même événement ? En réalité, au moment du miracle, il est approprié de louer les bienfaits d’Hachem, mais par la suite, devant la mort d’êtres humains, cette joie doit être tempérée et c’est la raison pour laquelle nous nous abstenons de réciter le Hallel entièrement (parce qu’il est récité ultérieurement dans la Téfila).

Le Midrach qui applique le verset de Michlé à la situation des Égyptiens semble contredire la Guémara (Méguila 16a), qui raconte que lorsque Mordékhaï (chevauchant le cheval royal) se mit à brutaliser Haman, ce dernier lui rappela le verset de Michlé (à savoir qu’il ne faut pas se réjouir de la chute de son ennemi). Et Mordékhaï de répondre que ce verset ne s’applique qu’à un ennemi juif, mais qu’il est permis de se réjouir de la chute d’un ennemi non juif. Dans le livre Haggadat Chaoul, il est expliqué qu’avant le don de la Torah, le verset concernait tout le monde et que depuis le don de la Torah, cette injonction fut réservée aux Juifs. Ainsi, à l’époque de la sortie d’Égypte, les Bné Israël n’étaient pas encore très différents des Égyptiens (parce qu’ils n’avaient pas encore été sanctifiés par le don de la Torah) et il ne convient donc pas de célébrer leur mort. Par contre, après le don de la Torah, nous sommes autorisés à le faire.

De nos jours, est-il acceptable de se réjouir de la chute de nos ennemis ? Le Maharcha (voir Guémara Méguila 28a) estime que le verset précité fait référence à celui dont la joie provient d’un sentiment de haine vis-à-vis de l’ennemi, ce qui serait interdit. Rabbénou Yona (voir Pirké Avot 4,19) affirme que la réjouissance est permise si elle vient célébrer l’honneur d’Hachem – nous nous sentons joyeux de voir le Kavod Chamaïm engendré par la chute de l’ennemi.

D’après cet enseignement, une personne peut se réjouir de la chute de ses ennemis, mais elle doit faire attention à ce que sa joie soit focalisée sur le Kavod Chamaïm provoqué par la justice rendue dans le monde.