« Betsalel fit le Aron en bois de Chitim ; deux coudées et demie sa longueur et une coudée et demie sa largeur et une coudée et demie sa hauteur. Il la plaqua d’or pur de l’intérieur et de l’extérieur… » (Chémot 37,1-2)

Le Da'at Zékénim explique les termes « Tu la plaqueras » (Chémot 25,11) : Il conviendrait que le Aron soit complètement en or pur [même au milieu], mais étant donné qu’ils devaient le porter sur leurs épaules, il aurait été trop lourd. Et même si le verset affirme que le Aron se portait tout seul, cela était temporaire.

L’arche sainte était recouverte d’or, à l’intérieur et à l’extérieur, avec du bois au milieu. Si, dans l’idéal, il avait été mieux qu’elle soit entièrement en or, pourquoi ne fut-elle que plaquée ? Même si le Aron se portait généralement tout seul, à certains moments, les gens devaient le porter et s’il avait été fait uniquement d’or, il aurait été beaucoup plus lourd. On fait la même remarque à propos du Mizbéa’h Hazahav (sur lequel l’encens était brûlé). Il était fait en bois de Chitim (plus léger) et uniquement recouvert d’or extérieurement, pour qu’il soit plus facile à transporter.

Rav Issakhar Frand répond, grâce à cette idée, à une autre question au sujet du Michkan. La Torah affirme que quand Moché Rabbénou dit au peuple de faire un don au Michkan, même une fois le montant requis reçu, les Juifs continuèrent leurs dons et Moché dut leur demander d’arrêter[1]. Le Sforno souligne que ce ne fut pas le cas lors de la construction du premier et du deuxième Beth Hamikdach. Là aussi, (dans ces deux cas), plus d’argent que nécessaire fut récolté. Que fit-on avec les fonds en trop ? Le Talmud Yérouchalmi affirme qu’ils furent utilisés pour faire des doubles et des triples des ustensiles du Beth Hamikdach. Ceci est facilement compréhensible – les ustensiles peuvent facilement se casser, s’user ou devenir impurs et au cas où cela se produirait, des doubles étaient disponibles. Mais ce ne fut pas le cas du Michkan. Pourquoi ? Rav Frand explique – sur la base du Da'at Zékénim – que le peuple errait dans le désert à l’époque de la construction du Michkan. Par conséquent le Michkan et ses ustensiles devaient être transportés durant tous les voyages. Si ces derniers avaient été dupliqués, il aurait été bien plus difficile de les porter ; ce problème ne se posait pas à l’époque du Beth Hamikdach.

Ces explications nous rappellent une idée fondamentale – nous devons faire attention à ne pas être vertueux sur le compte des autres. Même Hachem, pour ainsi dire, renonça à un Aron idéal, entièrement fait d’or pur, parce que cette « ’Houmra » aurait nui aux Bné Israël.

Rav Israël Salanter mit l’accent sur cette idée dans ses enseignements et dans ses actions personnelles. Une fois, alors qu’il était invité pour le Chabbath, il voulut se laver les mains pour la Nétilat Yadaïm. D’après la Halakha, l’idéal serait de se laver les mains jusqu’aux poignets[2], mais dans certaines situations difficiles, on peut être quitte de son obligation en ne versant de l’eau que sur les phalanges. Rav Salanter ne lava pas toutes ses mains et suivit l’opinion la plus laxiste.

On lui demanda la raison de ce comportement. À cette époque, il n’y avait pas d’eau courante. Il fallait aller au puits et transporter les seaux d’eau jusqu’à la maison. Rav Salanter vit que c’était une pauvre fille qui était embauchée pour puiser l’eau dans ce foyer. Il décida de ne pas être « Tsadik » à ses dépens et se fia à l’opinion la moins idéale.

Ainsi, on doit veiller à ne pas causer de douleur ou d’inconfort en étant strict dans la Halakha, si cela peut nuire à d’autres personnes. L’histoire suivante illustre bien cet enseignement.

Rav Chlomo Zalman Auerbach marchait dans la rue, pendant le mois de Nissan et il passa devant la cour d’une maison avec un arbre fruitier. Il s’arrêta et se prépara à réciter la bénédiction sur les arbres. Un autre Juif qui passait par là-bas lui fit savoir que deux pâtés de maisons plus loin, il y avait une cour contenant deux arbres fruitiers. Or, d’après la Kabbala, il vaut mieux réciter cette bénédiction devant deux arbres fruitiers plutôt qu’un seul.

Rav Auerbach montra à ce Juif la fenêtre de la maison devant laquelle il se trouvait. « Voyez-vous cette femme à la fenêtre ? Elle est veuve. Elle se tient devant sa fenêtre ; elle se réjouit et se sent fière de voir le Rav Auerbach réciter Birkat Haïlanot sur son arbre ! Il vaut mieux faire un ’Hessed en faisant plaisir à une veuve, même si cela signifie réciter une Brakha sur un seul arbre, plutôt que de suivre l’avis du Zohar en récitant la Birkat Haïlanot sur deux arbres, dans une autre cour. »

Puissions-nous tous mériter d’émuler le souci d’autrui qu’Hachem manifesta, quand bien même nous sommes occupés et préoccupés par le service divin.

 

[1] Chémot 36,4-7

[2] Choul’han Aroukh, Ora’h ’Haïm, Siman 161, Séif 2.