« Tu placeras sur toi un roi… Seulement, il n’abondera pas pour lui en chevaux et [ainsi] il ne ramènera pas le peuple en Égypte afin d’abonder en chevaux, car Hachem vous a dit : "Vous ne retournerez plus encore par ce chemin." Et il n’abondera pas pour lui en femmes et [ainsi] son cœur ne se détournera pas. Et en argent et en or, il n’abondera pas beaucoup pour lui. » (Dévarim 17,15-17)

La Torah nous ordonne de nommer un roi. Puis, elle précise plusieurs Mitsvot spécifiques à ce personnage ; il lui est interdit d’acquérir trop de chevaux, de se marier avec trop de femmes et de posséder trop d’or et d’argent. La Torah donne la raison des deux premières interdictions – puisque l’Égypte était le fournisseur principal de chevaux, si le roi en achetait trop, cela aurait forcé des gens à retourner en Égypte, ce qui est prohibé. Quant aux femmes trop nombreuses, elles risquaient de détourner le cœur de leur mari et de l’éloigner d’Hachem.

En revanche, la Torah n’explique pas pourquoi elle interdit d’avoir trop d’or et d’argent. Il existe deux opinions principales sur la raison de cette Mitsva. Le Targoum Yonathan, le Daat Zékénim[1] et le Séfer Ha’hinoukh[2] expliquent que l’excès de richesses et de pouvoir risque de mener le roi à l’arrogance, ce qui l’éloignera d’Hachem. Selon cette interprétation, la Mitsva ne s’applique pas à une personne ordinaire, parce que les gens n’ont généralement pas autant de pouvoir qu’un roi et ainsi, la fortune risque moins de les pousser à l’arrogance.

D’autres commentateurs[3] estiment que l’accumulation de biens risque d’inciter le roi à imposer de trop lourdes taxes sur le peuple afin de s’enrichir davantage. Ce fut le cas de Chlomo Hamélekh et c’est ce qui engendra la scission du royaume. Cela se produisit quand le peuple demanda que son successeur, Ré’havam, allège les impôts ; celui-ci refusa et par conséquent, la nation se rebella et nomma un autre roi. Là aussi, il semble que la Mitsva ne concerne que le roi, étant donné que les autres personnes ne sont pas en mesure d’imposer des taxes aux autres.

Le Ran ajoute que si le roi a acquis sa fortune lors de conquêtes diverses, il ne lui est pas interdit de garder les butins pour lui, car cela ne va pas l’inciter à surtaxer la nation. Mais d’après l’avis qui stipule que la richesse mène à l’arrogance, le roi n’a pas le droit de garder cette fortune, mais il doit la donner à la trésorerie de l’État[4].

Il nous reste à comprendre pourquoi la Torah n’a pas explicité la raison de cet interdit, mais uniquement de ceux concernant les femmes et les chevaux.

Rav Chimchon Raphael Hirsch[5] souligne que la cupidité est le pire des désirs. De plus, l’homme n’en est jamais satisfait, il en veut toujours plus, comme le dit Chlomo Hamélekh dans Kohélet[6] : « Celui qui aime l’argent n’est jamais rassasié d’argent ». Ainsi, la Torah nous enseigne que le fait de posséder trop de biens est en soi problématique. Par contre, un grand nombre de chevaux ou de femmes n’est pas intrinsèquement négatif ; ce n’est prohibé qu’à cause des dommages que cela peut engendrer.

L’interdit de posséder trop de richesses s’applique-t-il uniquement au roi ou bien concerne-t-il tout un chacun ? Selon l’explication liée au risque d’imposition, cela ne s’applique évidemment qu’au roi. Mais d’après l’avis craignant l’arrogance, l’interdiction concerne tout le monde. Bien que le roi ait plus tendance à s’enorgueillir de son statut et de sa puissance, Rav Méyou’hass[7] écrit que cette raison s’applique également à une personne ordinaire, comme l’affirme le verset de Kohélet : « La richesse amassée par son propriétaire lui est mauvaise »[8]. Il ne faudrait donc pas cumuler plus de biens que nécessaire.

Que cet avis soit conforme à ce que statue la Halakha ou non, il convient de tenir compte de cet avertissement. La recherche de l’opulence présente de gros risques. Cela peut mener à l’arrogance et, comme le souligne Rav Hirsch, à en vouloir toujours davantage. Une personne âpre au gain se focalisera certainement plus sur la matérialité au détriment de la spiritualité.

 

[1] Dévarim 17,16.

[2] Séfer Ha’hinoukh, Mitsva 602.

[3] Ib Ezra, Dévarim 17,16 ; Ran, Sanhédrin 21a.

[4] Min’hat ’Hinoukh, Mitsva 502, Oth 1.

[5] Dévarim 17,17.

[6] Kohélet 5,9

[7] Un Richon, rapporté dans le Chaaré Aharon, Volume 15, p. 512.

[8] Kohélét 5,12.