Dans la Paracha Ki-Tetsé, figurent plusieurs Mitsvot qui nous apprennent comment réagir quand un autre Juif se trouve dans une situation difficile. L’une d’elles est l’obligation d’aider à décharger l’animal de notre prochain quand il souffre de sa lourde charge.[1] La Torah nous ordonne : « Tu ne verras pas l’âne de ton frère ou son bœuf tomber sur la route et tu ne te déroberas pas à eux, tu le redresseras avec lui. »[2]

Les commentateurs soulignent que cette Mitsva a déjà été mentionnée autre part dans la Torah, avec, toutefois, une différence de taille. Dans Parachat Michpatim, la Torah enjoint : « Si tu vois l’âne de ton ennemi succomber sous sa charge, te garderas-tu de l’aider ? Tu devras l’assister. »[3] Pourquoi la Torah formule-t-elle deux fois cette demande et pourquoi le fait-elle avec des termes si différents ?

Le Méchekh ’Hokhma propose une réponse intéressante[4]. Il rapporte tout d’abord une Guémara dans Pessa’him qui affirme qu’il est permis de « haïr » une personne si l’on sait qu’elle a commis un acte méprisable[5]. L’« ennemi » dont parle la Torah dans Parachat Michpatim est cette personne.

Le Méchekh ’Hokhma précise que le verset de Parachat Michpatim fut écrit avant la faute du Veau d’Or, quand le peuple se situait à un niveau spirituel exceptionnel. À cette époque, du fait de leur grandeur, il était acceptable d’entretenir des sentiments négatifs à l’égard de ceux qui agissaient incorrectement. En revanche, après la faute du Veau d’Or et à plusieurs autres occasions, il ne convenait plus d’en vouloir à celui qui avait trébuché. En effet, après une introspection sincère, chacun réalisait qu’il n’était pas mieux que celui qui avait été vu en train de commettre une faute.

Il ajoute ensuite qu’au moment où Moché enseigna le Passouk de Parachat Ki Tétsé, les Bné Israël avaient beaucoup régressé par rapport à leur haut niveau atteint avant la faute du Veau d’Or. C’est pourquoi, dans la Paracha de cette semaine, la Torah nous demande d’aider à décharger l’âne de notre « frère », parce que même celui qui agit mal n’est pas pire qu’une autre personne.

Après avoir analysé la différence entre ces deux Pessoukim qui parlent de l’aide à décharger un animal, il nous reste à comprendre pourquoi un fauteur ne peut pas juger négativement celui qui commet également une faute. Peut-être que ce serait tout simplement une preuve d’hypocrisie, mais il semble qu’un principe plus profond se cache derrière cette idée.

On peut nourrir un ressentiment pour diverses raisons. Cela peut provenir d’un profond mépris pour le comportement répréhensible. Mais cela peut résulter d’un élément moins noble, comme la jalousie ou bien parce que l’on a pris cette personne en grippe. De telles formes d’aversion sont inacceptables du point de vue de la Torah, parce qu’elles ne naissent pas d’un réel souci pour l’autre, mais d’une haine personnelle. On peut ne pas aimer les (mauvaises) actions d’une personne, mais il ne faut jamais renoncer au sentiment d’amour que l’on doit éprouver envers tout Juif.[6]

Ceci dit, il semble que le Méchekh ‘Hokhma estime que si quelqu’un agit inadéquatement, il lui est interdit d’avoir un ressentiment envers son prochain qui se comporte aussi de manière incorrecte. Car le fait qu’il faute prouve qu’il ne condamne pas réellement cet acte ; si c’était le cas, il ne l’aurait pas commis. Son ressentiment découle donc inévitablement d’une aversion qui n’est pas pure, qui provient de motivations personnelles, ce qui n’est pas admissible.

Pour résumer, il n’est pas acceptable de regarder les autres de haut à cause de leurs erreurs, lorsque nous faisons nous-mêmes des fautes similaires. Bien qu’il soit essentiel de se soucier du niveau spirituel d’autrui, il faut que cette préoccupation soit sincère et non biaisée par une appréciation personnelle. De plus, comme l’a souligné le Méchekh ’Hokhma, si nous faisions une introspection authentique de nos actes, nous réaliserions que de nombreux domaines sont à améliorer. Le mois d’Eloul est un moment particulièrement propice au bilan personnel plutôt qu’à l’analyse des fautes de notre entourage.



[1] Cette Mitsva comporte sur deux aspects positifs – aider son prochain et réduire la souffrance de l’animal. Elle nous enseigne l’interdit de Tsaar Baalé ’Haïm – faire du mal aux animaux. Le fait de laisser un animal souffrir est considéré comme lui faire du mal.

[2] Dévarim, 22:4.

[3] Chémot, 23:5.

[4] Voir également Rabbénou Bé’hayé sur ce point.

[5] Pessa’him, 113b. Nous ne développerons pas le concept de « haine ». Nous nous contenterons de dire qu’il ne s’agit pas d’une inimitié virulente.

[6] À l’exception des gens qui se conduisent de manière particulièrement abjecte, comme ceux qui éloignent des Juifs de la Torah et du respect des Mitsvot.