Bonjour Rav,
Depuis une dizaine d'années, des produits portant une Té'ouda douteuse (notamment "Rav Moché Alloun Aix-les-Bains", "Rav Yéhouda Alloun Aix-les-Bains", "BCKE", mais aussi "Haïm Betito", ou depuis peu "Hatam Sofer Bné Brak" sur des produits francophones), Té'oudot que je sais controversées sans en connaître les raisons précises, circulent dans les écoles, synagogues, fêtes et supermarchés Cachères de France et d'autres pays francophones, consommés par des familles qui font des efforts toute l’année pour respecter la Cacheroute. Il s'agit essentiellement de bonbons, de fromages et d'autres produits laitiers, pour ce que j'ai remarqué.
Pourquoi cette information reste-t-elle si difficilement accessible ? Aucune communication officielle d'aucune autorité religieuse n'existe pour prévenir de cela. Mais quand on pose la question à un Rav, il répondra "c'est moyen comme Té'ouda, nous on ne mange pas" ? Pourquoi ces bonbons, confiseries et autres fromages et yaourts douteux continuent-ils à se retrouver entre les mains de tous, enfants comme adultes, alors que tant de gens comptent sur une supervision fiable ?
Quand j'en parle à mes proches, j'ai souvent l'impression de prêcher dans un désert.
Des années d’efforts, de prières et de vigilance sont ainsi réduites à néant par quelques lettres imprimées sur une étiquette ou un paquet. C’est plus qu’une erreur administrative : c’est une atteinte à la confiance, à la foi et à la dignité de milliers de foyers. Combien de temps encore laisserons-nous circuler cette tromperie en toute impunité ?
Merci Rav.
Bonjour,
La Halakha nous demande beaucoup de finesse : il faut à la fois éviter tout Lachon Hara' [médisance] et protéger le public de la confusion en matière de Cacheroute. Avant de parler ou d’écrire sur ces sujets sensibles, il faut obligatoirement vérifier les faits et consulter des autorités rabbiniques reconnues. C’est pourquoi toute démarche d’avertissement ou de diffusion d’information doit se faire avec prudence, vérification et l’avis de Talmidé ‘Hakhamim compétents, afin que nos paroles soient à la fois vraies, utiles et constructives.
Explications :
Votre question est tout à fait légitime. Beaucoup de personnes s’interrogent sur la fiabilité de certaines Té’oudot de Cacheroute, et il est normal de vouloir protéger les familles qui font des efforts pour manger Cachère. Cependant, la Halakha nous demande d’être extrêmement prudents avant de diffuser des informations pouvant "porter préjudice" à autrui, même si l’intention est bonne.
Le ‘Hafets ‘Haïm enseigne qu’il existe sept conditions pour pouvoir parler d’un sujet négatif dans un but constructif [Lachon Hara’ Léto’elet]. ‘Hafets ‘Haïm, Hilkhot Lachon Hara', Klal 10, Halakha 2.
Parmi elles : être absolument certain des faits et de leur gravité, avoir vérifié que les responsables ne cherchent pas à corriger la situation, ne pas exagérer, parler uniquement pour protéger le public, et ne pas causer un tort supérieur à celui qu’on veut éviter. Concernant la Cacheroute, cela signifie qu’avant d’avertir contre un organisme, il faut des preuves concrètes de manquements Halakhiques, pas de simples rumeurs. Dans bien des cas, il existe seulement des différences de méthode ou de rigueur entre les autorités rabbiniques.
Voici les 7 conditions du 'Hafets 'Haïm, adaptées à votre question :
1. Il faut être plus que certain que la chose racontée soit vraie.
Dans le cas des Té’oudot de Cacheroute, cela signifie avoir des preuves précises, vérifiées et incontestables sur des manquements Halakhiques, par exemple une absence de supervision [constante], ou une négligence quant au choix des Machgui'huim [surveillants rabbiniques]. Une simple rumeur, même largement partagée, ne permet pas de diffuser une information négative. On pourra, certes, s'empêcher de consommer les produits en question et les déconseiller à son entourage prudemment, mais pas davantage.
2. Il faut être plus que certain que le comportement de la personne à propos de laquelle on parle, soit négatif. Il se peut que la personne pense, vraiment, que son comportement est irréprochable.
Dans ce domaine, certains Machgui’him [surveillants rabbiniques] ou responsables pensent sincèrement agir selon les règles, suivant les décisions de leur Rav ou de leur communauté. Ce n’est donc pas toujours un manque de rigueur ou de droiture, mais parfois une différence d’approche Halakhique. Diffuser une mise en garde sans comprendre ce contexte peut constituer une grave atteinte à la réputation d’une personne ou d’un organisme entier.
3. Il faut être certain que la personne à propos de laquelle on parle, ne veuille pas changer son comportement [après que des remarques lui soient faites].
Avant toute diffusion publique, il est indispensable d’avoir tenté de contacter ou d’avertir les responsables concernés. Il arrive que des erreurs soient corrigées discrètement lorsqu’elles sont signalées. Si un dialogue est encore possible, la Halakha exige de le privilégier avant toute publication ou dénonciation.
4. Même lorsque l'on obtient la permission de publier, il faut prendre garde à ne pas exagérer et raconter les faits le plus précisément possible.
Il est courant que les débats sur la Cacheroute soient amplifiés dans les discussions ou sur les réseaux sociaux. Même lorsque l'on obtient la permission de publier, il est interdit d’ajouter des détails non indispensables. Seules les informations exactes et absolument nécessaires, formulées avec mesure, peuvent être diffusées. Il faut contacter un Rav au préalable.
5. En racontant les faits, il faut penser, uniquement, au bénéfice que l’on peut en tirer et à rien d’autre ! [pas de haine ni de jalousie / rancune].
Si l’on parle d’une Té’ouda douteuse, ce doit être dans l’intention sincère de protéger les consommateurs, non par jalousie ou volonté de dénoncer. La pureté de l’intention est fondamentale : c’est ce qui distingue la To’élet [prévention utile] du Lachon Hara’ interdit.
6. Si l’on peut obtenir un résultat identique par un autre moyen, il est interdit de dire le "Lachon Hara".
Avant d’en arriver à une diffusion publique, la Halakha demande de rechercher toutes les voies constructives possibles. Exemples : s’adresser directement aux responsables de la Té’ouda pour leur signaler les manquements constatés, leur proposer des améliorations, un renforcement de la supervision, etc. Si nos paroles tombent dans les oreilles de sourds et rien ne change, on peut les avertir que, sans correction, une mise en garde publique pourrait être nécessaire. Ces démarches, faites avec respect et dans l’esprit du Tokha’ha [remontrance constructive], permettent souvent de résoudre le problème sans créer de polémique ni de tort inutile.
7. Il ne faut pas que le "récit des faits" entraîne un plus grand préjudice que celui qui aurait été entraîné si la personne avait été avertie au préalable.
Publier une mise en garde non maîtrisée peut détruire la réputation d’une personne ou d’une organisation, créer de la confusion dans le public, ou même décourager des personnes de faire attention à la Cacheroute en général. Il faut donc évaluer soigneusement les conséquences avant toute diffusion.
Voilà ! Si vous connaissez des personnes qui sont en mesure de retrousser leurs manches, adressez-vous à elles.
En tous les cas, même les bonbons les plus rusés finissent par se dénoncer sous le regard attentif de consommateurs avertis comme vous et je suis certain qu'avec votre vigilance, même les yaourts auront peur de passer entre vos mains ! Qu’Hachem vous protège et vous bénisse.
Nous sommes à votre disposition, Bé’ézrat Hachem, pour toute question supplémentaire.