Nous poursuivons cette semaine la discussion de cas où l’interdit de Guénévat Da’at (tromper autrui en pensée) ne s’applique pas. Nous avons expliqué la dernière fois que si un individu se trompe lui-même, l’interdit de Guénévat Da’at n’est pas en vigueur. Rachi explique cette règle ainsi : si l’individu concerné ne dit ni ne fait rien qui suggère qu’il agit pour son prochain, mais qu’il agit de façon ordinaire, et que son prochain s’imagine qu’il a œuvré pour lui, il n’y a pas d’interdit de Guénévat Da’at. Nous avons même vu dans la Guémara qu’il ne faut pas lui dire la vérité qui risque uniquement de le heurter.

On relate qu’une famille a célébré une Brit Mila le jour de Pourim et a nommé son fils Mordékhaï. Peu de temps après, cette famille a reçu un chèque d’un oncle qui pensait que l’enfant avait été nommé au nom de son frère, mort sans enfants. En signe de gratitude, l’oncle avait donné un chèque au papa. C’est l’exemple d’une personne qui se trompe. (Il y a cependant un doute si le père peut garder l’argent ; en effet, l’oncle le lui a donné en pensant de manière erronée que le papa avant nommé son bébé au nom de son frère). Rav Moché Feinstein a tranché que le père ne devait pas informer son oncle qu’il n’avait pas nommé son enfant au nom de son frère, car cette personne se trompe. Mais, comme nous l’avons mentionné, la question de garder l’argent qu’il a envoyé est moins évidente et dans un tel cas, il faudra consulter un rabbin orthodoxe pour être conseillé sur cette question.

Parfois, c’est même une Mitsva de flatter ou de louer autrui, en lui attribuant des qualités qu’il n’a pas, ou même de mentir afin de l’encourager dans son étude et son accomplissement des Mitsvot et afin qu’il écoute des remontrances. Ce sujet est traité dans le célèbre ouvrage d’éthique Or’hot Tsadikim. De même, la Guémara dans le traité Chabbath (31a) mentionne la façon dont Hillel a converti un non-Juif désirant se convertir à condition de devenir un Cohen Gadol (grand-prêtre), ou uniquement s’il étudiait la Torah écrite. Hillel savait qu’après sa conversion, il modifierait son attitude. La Guémara dans Baba Métsia (85a) rapporte que Rabbi a fait les louanges du fils de Rabbi Elazar et l’a nommé « Rabbi » afin qu’il revienne sur la bonne voie. Cette stratégie a porté ses fruits.

Il est donc acceptable qu’un Rabbi donne plus de points à la question d’un élève que ce qu’il mérite réellement. Le même principe s’applique à un père par rapport à son fils. Hillel (Chabbath 31a) nous en donne l’exemple lorsqu’il répondit à des questions stupides en disant : « Tu as posé une bonne question. » De même, chaque enseignant et parent doit mettre en valeur les points forts de son élève ou enfant. En général, pour y parvenir, il faudra le complimenter plus que ce qu’il mérite à un moment donné.

Il existe de nombreux exemples ordinaires de Guénévat Da’at : il est interdit de copier le test du voisin ou de donner à l’enseignant un devoir effectué par quelqu’un d’autre, car cela revient à tromper le professeur. De la même façon, modifier la note d’un test et falsifier un diplôme sont interdits, car on risque ainsi d’obtenir un emploi ou un poste que l’on ne mérite pas. Dans ce cas, outre l’interdit de Guénévat Da’at, on transgresse aussi l’interdit de Guénévat Mamon (voler de l’argent) et de Chéker (mensonge). Comme nous l’avons dit plus tôt, il est également interdit de faire de la Guénévat Da’at aux non-Juifs, y compris en fraudant le gouvernement.

La Guémara dans le traité Méguila affirme qu’en ayant recours aux citations, il faut toujours citer le nom de la personne qui en est l’auteur. Si on s’en abstient, on transgresse l’interdit de Guénévat Daat, car de cette façon, les auditeurs s’imagineront que le locuteur a eu cette idée, alors que ce n’est pas le cas. Mais lorsqu’on conteste l’idée de quelqu’un, on ne mentionne pas son nom afin de ne pas l’embarrasser.

Louer de manière exagérée un individu en l’affublant de qualités qu’il n’a pas peut constituer de la Guénévat Da’at. Il semblerait que cela dépende à quel point l’individu exagère sa louange. Mais comme de nos jours, il est courant d’avoir recours à des éloges excessives, cet interdit ne s’applique généralement pas.

Autre question importante liée à la Guénévat Da’at : les tours de magie. Le magicien réalise des tours de passe-passe. Il semble procéder d’une certaine façon, alors qu’en réalité, il fait autre chose. Le Rambam est d’avis que certains types de sorciers pratiquant divers tours, comme placer un bout de corde dans ses habits et en faire sortir un serpent, constituent de la Guénévat Da’at.

On peut faire la distinction entre le cas cité par le Rambam et la magie contemporaine. Dans le cas du Rambam, ils réalisaient un véritable Kichouf (sorcellerie) alors qu’aujourd’hui, c’est juste un tour de passe-passe. Mais le Bakh est néanmoins d’avis que même lorsqu’il n’est pas question de véritable sorcellerie, la magie est interdite, car les gens s’imaginent qu’il réalise de la magie authentique.

Il semble toutefois que nous puissions différencier entre les cas cités ci-dessus (où il y a eu un Kichouf authentique ou alors le magicien a prétendu réaliser un Kichouf) et le cas du magicien qui commence par annoncer qu’il ne fait pas de magie réelle et que ses tours ne sont qu’une illusion. Dans un tel cas, il semblerait que même le Rambam l’autoriserait. Rav Moché Feinstein tranche de cette façon. Il est fortement recommandé à toute personne envisageant une carrière dans la magie d’aborder ces questions avec un rabbin orthodoxe.