« Rabbi Yéhochoua dit : « Le 'Ayin Hara' (mauvais œil), le Yétser Hara' (mauvais penchant) et la haine des créatures expulsent l’homme du monde. »

QUESTIONS

1. À quoi le Yétser Hara' se réfère-t-il ?

2. De quelle manière l'homme finit-il par être expulsé du monde ?

3. En quoi cette Michna s'accorde-t-elle avec un enseignement de nos Sages, stipulant que la création du Yétser Hara' est une très bonne chose ?

L'un des éléments qui nous expulse de ce monde est le Yétser Hara'. Les termes « Yétser Hara' » sont traduits littéralement par : mauvais penchant. Nous en avons plusieurs descriptions – c'est une sorte d'ange, le Satan, dont le rôle est d'inciter l'individu à fauter.[1] Il est aussi considéré comme étant incarné par le corps, par opposition à l'âme. Le corps humain a soif de plaisir et de confort, et dans sa tentative de satisfaire ses désirs, la personne faute et se distance de Hachem. Indépendamment de la façon dont on considère le Yétser Hara', il est clair qu'il est la source d'un grand tort infligé à l'homme. De ce fait, certains estiment qu'il aurait été préférable que le Yétser Hara' n'existe pas.

Toutefois, un Midrach semble contredire cette approche. La Torah stipule que le sixième jour de la Création, Hachem vit que c'était « très bien. » Au terme de tous les autres jours, il est écrit : Hachem vit que c'était « bien ». En quoi la Création du sixième jour est-elle « très bien » ? Un avis dans le Midrach[2] répond que le Yétser Hara' fut créé le sixième jour et que ce fut une très bonne chose. Le Midrach explique qu'en l'absence du Yétser Hara', l'homme ne voudrait pas construire une maison, épouser une femme, procréer ni faire des affaires.

Le Midrach est d'avis que le Yétser Hara' est très positif, tandis que la Michna dans Avot affirme qu'il expulse l'homme de ce monde. Comment concilier ces deux approches à priori opposées ? Réponse : le Yétser Hara' peut être extrêmement préjudiciable ou très positif. S'il est exploité correctement, il peut donner à l'individu l'impulsion de faire tout ce qui est mentionné dans le Midrach. En l'absence de cette impulsion, il n'aurait sans doute pas la motivation pour s'impliquer dans des activités très terre à terre et se concentrerait uniquement sur des réalisations spirituelles. En conséquence, le monde ne pourrait pas perdurer.

En revanche, lorsque le Yétser Hara' Hara prend le contrôle d'un homme, il lui inflige certainement beaucoup de tort dans ce monde et dans le suivant. Dans cet esprit, la parabole d'un cheval et de son cavalier décrit avec justesse la relation entre le corps et l'âme, le Yétser Hara' et le Yétser Hatov. Le corps est comparé au cheval et l'âme est représentée par le cavalier. Si le cavalier contrôle sa monture, il peut la diriger là où il le désire et cela peut être d'un grand bénéfice. Mais en revanche, si le cheval est dételé, il deviendra sauvage, ira où il voudra, et causera beaucoup de préjudice au cavalier. De la même manière, si le Yétser Hara' est contrôlé et dirigé par l'âme, très bien, mais dans le cas contraire, il contrôle l'âme avec des conséquences désastreuses.

Une autre approche peut nous aider à expliquer la dichotomie entre les aspects positif et négatif du Yétser Hara' : s'il devient sauvage, il provoque d'importants dégâts, mais si on le surmonte, on peut atteindre des sommets. C'est pourquoi l'homme est considéré comme supérieur aux anges, car eux n'ont aucun Yétser Hara', et ne doivent surmonter aucun défi pour se rapprocher de Hachem. En revanche, l'homme est doté d'un Yétser Hara' et en le surmontant, il se rapproche de Hachem. Cette différence est fondamentale et justifie le fait que Hachem donna la Torah à l'homme et non aux anges.

Lorsque Moché Rabbénou se rendit au ciel pour recevoir la Torah, les anges argumentèrent que l'homme n'était pas digne de la recevoir, compte tenu de ses instincts primaires. Moché répondit que la Torah est clairement destinée à des individus qui traversent des épreuves et vivent dans ce monde matériel. Les Mitsvot de la Torah couvrent chaque aspect de la vie, y compris les plus matériels, comme la nourriture, le sommeil et la satisfaction des besoins corporels. Ceux-ci ne concernent pas les anges, et la Torah vise clairement à permettre à l'homme d'élever son corps et de l'aligner au niveau de l'âme.

Nous avons observé comment le Yétser Hara' peut causer d'importants préjudices, mais aussi un grand bien, s'il est employé à bon escient – puissions-nous l'utiliser pour nous rapprocher de Hachem.

 

[1] La croyance chrétienne a altéré le concept de Satan en le décrivant comme le diable, un ange déchu qui lutte contre D.ieu. C'est une approche hérétique dans la pensée juive, car elle attribue un pouvoir indépendant à une force distincte de Hachem. L'approche de la Torah est que le Yétser Hara', en quelque sorte, « travaille pour Hachem », mais son rôle est différent des autres anges. Son rôle consiste en effet à proposer à l'individu des défis à surmonter, qui le rapprochent ensuite de Hachem. Cette idée est évoquée dans le texte.  

[2] Béréchit Rabba 9,7.