L’unité, la fraternité et l’amour « gratuit » au sein du ‘Am Israël ont été de tous temps considérés comme les plus grandes sources de bénédiction, de prospérité, et de quiétude pour notre peuple. Le 'Hafets Haïm établit ainsi une corrélation à travers l’histoire juive entre les succès militaires d’Israël et le degré d’unité et d’harmonie au sein du peuple. Il va même plus loin, en disant que cette fraternité au sein du peuple a pu avoir plus de poids dans la protection du peuple que l’érudition et le niveau spirituel collectif atteint par le peuple. On ne saurait être plus clair : la « Ahavat Israël », l’amour du prochain est vital pour le peuple juif.

Depuis plusieurs semaines, la tragédie qui a frappé notre peuple nous a plongés dans la sidération et l’effroi. Toutefois, comme bien souvent dans l’histoire juive, un sursaut vital collectif a vu le jour dans des proportions inédites.  

Partout dans le monde, le peuple juif s’est levé « comme un seul homme avec un seul cœur » pour prier, se battre, organiser des campagnes de solidarité. Bref, permettre à la vie de reprendre le dessus. Une solidarité rare a ainsi vu le jour entre toutes les franges de la société israélienne, dissipant comme un nuage de fumée les clivages politiques, sociétaux, ou religieux 

Comment ne pas ressentir une émotion spirituelle immense lorsque, après des milliers d’années d’exil, l’on voit le peuple juif établi à nouveau sur sa terre ancestrale se tendre la main, des 'Hassidim entamer des danses avec le personnel d’un hôpital, des restaurants non Cachères de Tel Aviv cachériser leur cuisine pour permettre aux soldats religieux de manger, des Juifs du monde entier remplir des caddies de courses pour les envoyer à leurs frères et leurs sœurs en Israël ? Comment ne pas ressentir que ce sentiment de fraternité est une force invincible qui éveille évidemment la miséricorde divine ?

À cet égard, la lecture du livre de Béréchit est porteuse d’enseignements profonds, et pose dès les débuts de l’humanité, le défi de l’amour du prochain. La quête d’une fraternité authentique est un long chemin qui traverse tout le livre de la Genèse, depuis le premier fratricide entre Caïn et Abel jusqu’à la fraternité apaisée entre Ephraïm et Ménaché. Toutefois, le livre de Béréchit, appelé également « Séfer Hayachar » « le livre de la droiture », abonde en exemples de comportements vertueux des patriarches, et notamment Avraham Avinou.

À cet égard, la Paracha de cette semaine prend un relief particulier dans les circonstances que nous connaissons. Elle nous relate notamment la première mobilisation collective de notre histoire pour sauver des otages. En effet, en dépit des différences qui avaient conduit Avraham et son neveu Loth à se séparer, le patriarche se mobilisa immédiatement pour sauver Loth lorsqu’il fut pris en captivité par les habitants de Sodome. Cette dernière avait érigé un modèle de civilisation fondé sur l’égoïsme, la violence et l’indifférence à l’autre. Aussi, la présence de Loth, qui avait grandi dans la maison de son oncle Avraham, habitué à la pratique de la générosité et l’amour du prochain, leur était insupportable. 

Lorsque Avraham apprend que son neveu est retenu en otage par les habitants de Sodome, il n’hésite pas une seconde et se met immédiatement en mouvement pour sauver non plus « son neveu » mais « son frère » nous dit le texte biblique. Pourtant, les divergences idéologiques, de mode de vie et d’orientation spirituelle étaient grandes entre Loth et Avraham, à tel point qu’ils avaient dû se séparer et emprunter des chemins de vie différents. Mais ce constat n’avait pas généré de haine ; ils restaient « frères », prêts à s’aider et se porter secours si nécessaire. Ce fut le cas de Loth qui ne dénonça pas Avraham lorsqu’il prétendit que Sarah était sa sœur auprès des autorités égyptiennes. Ce fut le cas d’Avraham Avinou, naturellement, qui s’engagea dans un combat âpre pour libérer son neveu.

Comment ne pas être frappés par les accents de modernité du texte biblique et les similitudes avec l’épisode que nous vivons ? Face au mal, la réponse a toujours été la même : l’union, la solidarité, le combat et la prière. Les divergences existent entre les hommes, la Torah ne les ignore pas. « De même que leurs visages sont différents, leurs pensées sont différentes » diront les maîtres de Talmud. 

Toutefois, au-delà de ces différences, la Torah nous exhorte à entendre cet appel de l’Éternel : « Ne faites pas de vos différences des murs qui vous cloisonnent, mais construisez des ponts entre elles » à partir du plus « grand » dénominateur commun qui vous unit : votre Néchama. Cette étincelle divine qui se loge en chacun n’est parfois pas sensible aux raisonnements ou aux arguments, mais elle n’est jamais insensible au « cœur » et à « l’amour ». 

Il nous faut probablement ré-apprendre à « aimer » l’autre, à être sensible à sa douleur, à ses difficultés, à son parcours qui permettront d’éclairer sa personnalité, et de substituer à l’hostilité l’empathie, à la rancœur la compassion, et à l’indifférence la sollicitude.

« Qui est honoré ? Celui qui honore son prochain », nous disent les Maximes des pères. Bien souvent, l’homme est exigeant sur l’honneur qu’on lui doit, alors que sa véritable grandeur réside dans l’honneur qu’il donne aux autres. 

Cette unité retrouvée d’Israël permettra sans aucun doute d’entendre, avec l’aide d’Hachem, de bonnes nouvelles pour notre peuple, d’assister à la libération des otages, à la guérison des malades, et à la venue du Machia’h très rapidement. Relisons pour conclure les mots du prophète Isaïe dans notre Haftara qui prennent une tonalité toute particulière : « Mais toi, Israël, […] toi que J'ai ramené comme par la main des extrémités de la terre […]  Ne crains rien, car Je suis avec toi ; ne sois point affolé, car Je suis ton D.ieu. Je t'affermis, Je t'assiste et te soutiens par ma droite, armée de justice. » (Isaïe 41, 8-10).