La petite maison, le chat devant la cheminée, le chien à la porte, le rire des enfants, le regard aimant d'un couple... La famille parfaite est-elle un mythe ? Existe-t-elle vraiment ?
Ce Chabbath, au parc, j'ai croisé une petite fille blonde aux yeux bleus, avec des couettes et des dentelles, vêtue d'une jolie robe et de petits souliers.
Nellie Oleson, que fais-tu là ?
Un agacement soudain m’a saisie, réveillant en moi une vieille voix critique, celle qui murmure que la perfection nous oblige, nous enferme, nous ennuie.
Puis, le cours de mes pensées faisant, une prise de conscience m’a submergée : que ferais-je de cet enfant modèle si elle était ma fille ?
Aurais-je supporté ses caprices, sa malice ?
Oh là là, mon instinct maternel a-t-il pris la poudre d'escampette ?
Un blog, c'est fait pour ça ! Je m’en vais étudier en direct les travers de mon âme avec vous, c'est mieux.
Je réalise que ce n'est pas tant la peur de voir ma merveille se transformer en petite peste, en "Jewish Princess" égoïste et centrée sur elle-même, qui m'affole, mais plutôt la crainte que mon enfant puisse un jour faire souffrir son entourage, moi-même incluse.
Aura-t-elle un bon caractère ? Connaîtra-t-elle les émotions tumultueuses de la difficile crise d'adolescence ? Sera-t-elle ingrate un jour ?
Lorsque je la regarde dormir, je suis subjuguée par la régularité de ses traits, la symétrie de son visage, la rondeur de son doux visage, tel un ange.
Et lorsque je croise des bébés sans ce petit chromosome en plus, je ne peux m'empêcher de leur trouver des défauts.
Cela révèle en moi un travers cognitif : je pense que j'aime profondément ce qui est différent. La différence me rassure, car elle me paraît plus vulnérable et peut-être moins dangereuse pour ma propre fragilité.
Parfois, on souhaiterait se cliver, ne plus rien ressentir. Alors, Hachem, notre Chirurgien, le Grand Professeur en médecine, procède parfois à un choc cardiaque pour nous réanimer. Ou utilise un scalpel pour nettoyer ce qui empêche la vie de s'écouler dans nos artères émotionnelles.
Lui, Il a un plan pour nous rendre meilleurs, pour nous accepter et nous aimer avec nos imperfections, afin d’accepter l’autre, reflet de nous-mêmes.
Et ce qui m’agace chez cette petite fille, n’est-ce pas tout ce que j’essaie de fuir… ?
Fuir cette petite fille digne de Jacadi ?
En réalité, cette petite fille modèle que je devais être m'a échappé, moi, maladroite, souvent triste, en échec scolaire.
Cette projection de mes propres craintes et de mes blessures me renvoie à mon enfance, souvent bouc émissaire, où j'ai pu ressentir une profonde détresse face aux enfants modèles réussissant à l'école, jolies filles à succès...
Mais aujourd'hui, avec vous, je me reconnecte à cette petite fille pleine d’imagination, rêveuse, intelligente, pétillante, que j’ai cru devoir mettre au placard.
Je lui fais un énorme câlin et lui dis :
"Je t'aime, petite fille. Tu peux grandir avec moi, en moi. Je suis là pour te protéger. Je suis adulte, tu peux me faire confiance."
Ce dialogue intérieur devient un acte de réconciliation, un moyen de réparer les fissures de mon propre passé, tout en cultivant un espace où elle peut s’épanouir, libre de toutes les chaînes du jugement.
La Maman de Sheyna