Pourquoi sommes-nous obligés de nous marier ? Comment expliquer que de jeunes adultes, même après constaté les retombées du taux de divorce parmi leurs amis, expriment en masse leur désir de se marier, à un certain moment de leur existence ? Une récente étude indique que presque 50% des jeunes adultes ressentent que le mariage, en tant qu’institution, est obsolète ; dans le même mouvement, presque 70% des personnes interrogées ont un avis optimiste du mariage et de la famille pour l’avenir. Essayez de comprendre !

Je pense qu’une partie de la raison pour laquelle nous semblons « préprogrammés » pour le mariage est qu’il fait réellement partie de notre patrimoine génétique. Il ne s’agit pas simplement d’un expédient ou d’un outil commode pour que nos besoins soient satisfaits, ou nos objectifs atteints - des enjeux bien plus profonds se trament ici.

Lorsque Hachem conduit ‘Hava, qui vient juste d’être créée, auprès d’Adam, ce dernier décèle chez elle son caractère unique. Mais une lecture attentive du texte nous révèle qu’après avoir achevé la visite complète du premier zoo au monde, et après la longue sieste qui s’en est suivie, son appréciation pour ‘Hava ne tint pas simplement à ses beaux yeux ou à ses longs cheveux soyeux ; « Voilà, c’est un os de mes os, et la chair de ma chair… » Ce qui rendait ‘Hava unique et particulière, ce n’était pas l’absence de cornes, de piquants ou de graisse. Ce qui rendait ‘Hava unique aux yeux d’Adam, c’était la prise de conscience que tous deux étaient biologiquement un et identiques.

C’est pour cette raison que le texte poursuit : « C’est pourquoi un homme doit quitter son père et sa mère et s’attacher à son épouse, et ils seront comme une seule chair. » Très beau d’un point de vue poétique, c’est clair, mais quel est le sens réel ? À la lumière de ce que nous avons dit sur le caractère unique de ‘Hava, cela s’entend parfaitement. Ce n’est qu’à partir du moment où vous avez rencontré l’autre, pas seulement votre partenaire au niveau de « l’âme », mais aussi votre partenaire au niveau du « corps », pour ainsi dire, que vous pouvez abandonner le lien biologique qui vous liait précédemment à vos parents, et vous attacher à votre époux (se).

Lorsque nous affirmons que le mariage consiste à créer une UNité, il ne s’agit pas simplement d’un discours superficiel sur les relations humaines, c’est quelque chose qui, du moins en potentiel, peut vraiment se réaliser.

Comment y arriver ?

Le problème dans certains séminaires sur le mariage auxquels j’ai participé est qu’ils s’arrêtent à ce point. Ils arrivent au point où ils expliquent que le mariage consiste à construire un « un », ou un « nous » ou que le mariage, une institution en soi, a besoin d’être entretenu et nourri. Mais tout semble s’arrêter là, sans explication pratique sur l’idée que des êtres apparemment indépendants et autonomes deviennent réellement un.  


Tout dépend de vos connaissances…

Je suis parvenu à la conclusion que la réponse tient dans un mot hébraïque très simple, mais souvent mal compris : le daat (la connaissance). Le daat apparaît par deux fois dans le texte de Beréchit. « L’Arbre » est l’appelé « L’arbre de la connaissance du bien et du mal » et la relation intime entre Adam et ‘Hava s’appelle « connaissance » au sens biblique du terme. Pourquoi ? Quel est le lien qui unit ces deux contextes ?

Je pense que l’explication réside dans notre quête d’un outil pour créer « l’un. » Hachem ne se préoccupait pas qu’Adam et ‘Hava connaissent la distinction entre ce qui est conforme à la morale ou non, ou ce qui distingue le bien du mal. Il faut pouvoir différencier le bien du mal pour savoir comment agir. Cette connaissance est critique. Mais ceci à condition de distinguer le bien du mal. Si vous mélangez et confondez le bien et le mal, et ne pouvez plus faire la différence entre les deux, alors vous êtes en difficulté. L’Arbre ne fut pas un véhicule pour communiquer une compréhension cognitive - ce fut un arbre de la connaissance du Bien et du Mal - et en conséquence, le bien et le mal fusionnèrent en un. Or, par une morsure, la faute, la désunion et le mal devinrent une réalité très tangible.

Si le daat signifie la création d’un « un », alors nous pouvons comprendre pourquoi la Torah emploie également ce terme pour définir l’intimité. La Torah ne nous dit pas seulement qu’Adam et ‘Hava étaient intimes l’un avec l’autre. Il ne s’agit pas de l’« acte », pour ainsi dire, mais de ce qu’ils ont créé à travers cette interaction. Ils ont employé le daat pour créer le « un. »


L’évolution du daat…

Il s’avère que la connaissance n’est pas un état statique. Ce que nous comprenons sur l’autre, la profondeur de cette connaissance, et l’aptitude d’un conjoint à réagir par intuition, à sentir, et à réagir à cette connaissance est un processus en constante évolution. M’autoriser à me livrer, à partager des niveaux de plus en plus profonds, personnels et révélateurs de mon « moi », requiert de nombreux facteurs. Les éléments de la relation qui permettent cette connaissance partagée ne viennent ni facilement ni rapidement. La sécurité, le confort ou la possibilité de la vulnérabilité, l’engagement et d’autres facteurs contribuent tous à un environnement où les époux sentent qu’ils peuvent partager, et se permettre de livrer une partie d’eux-mêmes.  

Combien de temps faut-il être engagé dans une relation avant de se sentir suffisamment en sécurité pour partager un secret ?

Quel niveau d’engagement faut-il atteindre afin qu’un(e) époux (se) puisse se permettre une certaine vulnérabilité émotionnelle ? Il n’y a pas de règle générale. Mais, une chose est sûre, cela prend du temps. Le processus d’ouvrir nos différentes coquilles et enveloppes qui permettent de jeter des coups d’œil furtifs dans notre cœur et notre âme est une évolution continuelle et pleine de défis.

Quelles sont les concessions mutuelles nécessaires à la mise en place de ce travail intense qu’implique la création d’un daat en constante évolution ? Qu’est-ce qui fait que ces défis en valent la peine ? Réfléchissez un instant sur l’idée d’avoir un meilleur ami. Fermez les yeux et imaginez-vous la dernière fois que vous vous êtes déchargé d’un très lourd secret ou d’une émotion profonde auprès de quelqu’un dont l’amitié et la préoccupation pour vous sont une certitude. Une personne avec qui vous savez que vous pouvez vous sentir en sécurité et en qui vous avez confiance pour évoquer vos émotions les plus profondes. Ces sentiments vont bien au-delà du bien. Une profondeur de sens et un sens intense de satisfaction accompagnent ce genre de relations.

C’est le daat. C’est la signification de créer un « un. » Cela nécessite de la patience, du courage, de l’engagement, et une bonne dose de don de soi désintéressé, de compassion, le tout couronné par un peu d’amour. Voici en quoi consiste le mariage.

Si vous me le demandez, cela en vaut bien la peine.