Ce jeûne marque le début de la période de deuil, communément appelée « les trois semaines ». À cette date, les murailles de Jérusalem furent ébréchées et trois semaines plus tard, le Beth Hamikdach fut détruit.[1] Il est intéressant d’étudier plus profondément le but du jeûne, afin de vivre cette triste période avec une conception juste et constructive.

Le Ben Ich ’Haï fixe deux objectifs principaux au jeûne. Le premier est assez clair – une personne qui ne mange pas s’écarte du monde matériel et peut donc se consacrer aux choses spirituelles. La deuxième raison est un peu moins évidente ; le jeûne entraîne une sensation de faim et donc un désagrément important. Étant donné sa situation difficile, l’individu peut mieux comprendre et compatir avec l’indigent qui affronte la faim et l’inconfort de manière constante. Cet éveil accru va renforcer sa pitié à l’égard du pauvre et le motiver à l’aider davantage.

Le Ben Ich ’Haï se sert de cette explication pour clarifier une Guémara énigmatique qui affirme que « la récompense reçue pour un jeûne est la charité »[2]. Cela signifie que la conséquence du jeûne sera la prodigalité que l’on témoignera au pauvre. La bienveillance sera améliorée quantitativement (on donnera plus généreusement qu’avant), mais aussi qualitativement, puisque l’on compatira vraiment avec son frère dans le besoin.

Le Sifté ’Haïm explique un passage des Avot Dérabbi Nathan dans le même ordre d’idées. Celui-ci écrit : « On doit toujours saluer l’autre affablement… Si l’on offre tous les cadeaux du monde d’un air maussade, cela ne vaut rien. Mais si l’on salue son ami de manière avenante, même si l’on ne lui propose rien, c’est comme si on lui avait offert tous les meilleurs cadeaux du monde. »[3] Le Sifté ’Haïm écrit que les gens souhaitent avant tout qu’on leur témoigne de l’intérêt. Un présent est, certes, une preuve que le donateur a pensé à autrui et a réfléchi à la façon de combler ses besoins et de lui faire plaisir. Mais si le cadeau n’est pas accompagné d’une attitude chaleureuse, le but principal du don est manqué, car l’individu ressent que l’on ne se préoccupe pas sincèrement de lui. En revanche, celui qui est aimable avec son prochain, même sans rien offrir, lui procure le plus grand bienfait : la personne qui le reçoit se sent importante et soutenue[4].

Rav Chakh excellait dans ce domaine : celui de faire du ’Hessed tout en montrant qu’il comprend les épreuves de l’autre. Un jour, il rendit visite à un veuf très déprimé. Il trouva l’homme en question affalé sur un fauteuil, l’air hagard. « Je comprends ce que vous ressentez, je sais ce que vous vivez, dit Rav Chakh. Je suis moi-même veuf. Ma vie est noire, je ne connais pas de joie. » Le visage de l’homme s’illumina pour la première fois depuis des mois. Quel fut le secret de Rav Chakh ? Il montra qu’il comprenait réellement cet homme et son chagrin.

Même celui qui est suffisamment chanceux pour ne pas connaître la même épreuve que son prochain doit adapter l’enseignement du Ben Ich ’Haï et tenter de se mettre à la place de celui qui souffre, afin de mieux compatir.

Cette leçon est particulièrement pertinente durant la période des « trois semaines ». ’Hazal affirment que le deuxième Beth Hamikdach fut détruit à cause des relations interpersonnelles défaillantes.[5] Le fait de ne pas compatir avec son prochain est l’une des causes principales de ce genre de problèmes. Il est bien plus facile de causer du tort aux autres quand on n’est pas sensible à la souffrance qu’on entraîne[6]. Le Ben Ich ’Haï nous apprend que le jeûne peut s’avérer efficace pour affiner notre empathie à l’égard de nos frères juifs.

Puissions-nous utiliser le jeûne du 17 Tamouz pour améliorer notre comportement Ben Adam La’havéro (envers notre prochain).


[1] Taanit, 26a-b.

[2] Brakhot, 6b. Voir les interprétations de Rachi et du Maarcha.

[3] Avot Dérabbi Nathan, Ch. 13.

[4] Sifté ’Haïm, Moadim, 3e Volume, p. 275, note 11.

[5] Voir Yoma 9b, Baba Métsia, 30b.

[6] Les psychologues remarquent que les criminels sont capables de causer de très grandes souffrances, parce qu’ils sont complètement indifférents à la peine que leurs victimes endurent. L’une des thérapies les plus efficaces est donc de leur faire revivre les crimes commis, du point de vue de leurs proies. Ainsi, ils ressentent la terrible douleur qu’ils ont causée à d’innocentes personnes.