Ma fille dut, il y a quelques années, subir une petite opération. En guise de préparation, le pédiatre me conseilla de lui acheter le livre Franklin va à l’hôpital de Paulette Burgeouis et Brenda Clark.

Dans l’histoire, Franklin se blesse à la carapace (il s’agit d’une tortue) en jouant au football. Pour guérir, il faut qu’il se fasse opérer. Avant l’opération, ses amis et sa famille ne cessent de lui dire qu’il est très courageux. En arrivant à l’hôpital, le jour de l’opération, l’infirmière lui dit que l’on va lui faire une radiographie. Franklin, d’ordinaire assez calme, refuse obstinément et se met à pleurer. L’infirmière lui demande ce qui ne va pas. Il répond (et je paraphrase) : « Tout le monde m’a dit que j’étais courageux. Mais si vous vérifiez comment je suis à l’intérieur, vous découvrirez que je suis terrorisé. Je ne suis pas brave du tout. »

C’est là que le livre devient intéressant. L’infirmière lui explique calmement : « Franklin, tout le monde peut avoir peur, en particulier avant une opération. C’est quand tu fais ce que tu dois faire même si tu en as peur que tu montres vraiment ton courage. »

Je pense que c’est la meilleure définition de la bravoure que j’ai entendue : faire ce qu’il convient, en dépit de notre appréhension.

Nous avons tendance à admirer les gens courageux, mais nous pensons qu’ils agissent ainsi parce qu’ils sont intrépides. Nous nous focalisons sur l’acte de bravoure, mais nous réfléchissons rarement au tiraillement et à la peur qu’ils ont certainement éprouvés avant d’agir courageusement. N’étaient-ils pas craintifs, n’ont-ils pas surmonté leur peur pour accomplir quelque chose de grand ? Dans ce cas, n’est-ce pas ce contrôle de soi qui les rend réellement braves ? C’est ce qui est écrit dans Pirké Avot (Maximes des Pères) : « Qui est fort ? Celui qui domine ses penchants. »

Je pense que l’histoire de Pourim illustre bien cette définition du courage. Mordékhaï envoie un message à Esther et lui dit d’aller parler au roi pour sauver le peuple juif. Esther lui dit qu’elle ne peut pas : elle a peur (et à juste titre). Elle n’a pas été convoquée par le roi depuis 30 jours ; or celui qui entre chez le roi sans avoir été appelé risque la condamnation à mort.

Puis, dans l’un des dialogues les plus émouvants de la Méguila, Mordékhaï dit à Esther qu’elle doit risquer sa vie pour sauver le peuple juif. Esther met sa peur de côté. Elle prie et jeûne. Ensuite, elle va voir le roi. Elle entraîne l’un des sauvetages les plus risqués, discrets et victorieux de l’histoire juive. Elle incarne le courage et la témérité.

De ce fait, elle est présentée comme l’un des plus grands défenseurs du peuple juif. Nous lisons son histoire chaque année en hommage à son héroïsme. Elle ne laissa pas sa peur l’accabler ; elle la surmonta et agit avec bravoure.

La leçon que l’on peut en tirer est importante. Les enfants, à notre époque, vivent avec beaucoup de peurs. Les dissensions familiales, les angoisses de séparation, et tout autre type de changement. Le terrorisme, les « méchants ». Ils peuvent aussi avoir leurs petites craintes — les grands bruits, l’obscurité, les monstres sous le lit... Les adolescents craignent de ne pas réussir à l’école, de ne pas être admis à l’université, de ne pas s’intégrer. Ils peuvent se baser sur des histoires et des exemples, pour mieux y faire face.

Même si mes enfants sont grands à présent, on se réfère encore au livre de Franklin. Je leur dis : « Souvenez-vous, être courageux et agir vaillamment ne signifie pas ne jamais avoir peur. C’est agir malgré sa crainte, tout comme notre illustre ancêtre, la reine Esther. »

Nous avons tant d’exemples, dans notre héritage juif, qui peuvent soutenir cette définition du courage. Avraham Avinou se rebella contre Nimrod. Yossef HaTsadik dut faire face à Pharaon et fit installer son père et ses frères dans un pays étranger. Moché aussi dut affronter Pharaon. Chimon HaTsadik se mesurer à Alexandre le Grand. Plus tard, il y eut les Juifs de cour.

Disons-le à nos enfants : oui, ils eurent probablement peur. Mais ils surmontèrent leur appréhension et firent ce qu’il fallait faire. Ils savaient qu’ils devaient agir ainsi pour maintenir le peuple juif en vie et intact. Et si vous êtes confrontés à une telle situation, vous pouvez aussi y arriver, avec l’aide de D.

Passez un très bon Pourim !

Adina Soclof