L’association Amékha a organisé récemment une soirée destinée à des rescapés de la Shoah, à l’approche de la nouvelle année. Cette association, qui offre un soutien psychologique et social aux rescapés de la Shoah et à leur famille, a l’habitude de marquer le début de la nouvelle année pour surmonter les sentiments de tristesse et de nostalgie de ces rescapés face à leur enfance, disparue dans les fumées de la terrible Shoah. Dans le cadre des événements organisés par l’association à l’approche des fêtes du mois de Tichri, ces rescapés ont l’occasion de partager leurs souvenirs et leurs histoires personnelles des ghettos et des camps d’extermination ; certaines sont tristes et difficiles, mais parfois, on trouve aussi des histoires sur le courage d’individus qui ont fait preuve d’une bravoure spirituelle et ont déployé des efforts surhumains pour célébrer les fêtes juives en dépit du danger inhérent que cela comportait. En parallèle à ces récits, au centre des événements, on a également fait la place aux souvenirs des odeurs de la maison et des chants traditionnels propres à la fête. Des centaines de rescapés ont participé à la soirée, organisée à Tel-Aviv. L‘accompagnement musical de l’événement a été assuré par le chanteur Doudou Fisher, le musicien David Kribouchi et les membres de la chorale Amékha de Tel-Aviv.

L’une des participantes à l’événement, une certaine Zahava, rescapée de la Shoah, a choisi de partager avec les participants ses souvenirs. Elle relate qu’à l’époque de la guerre, elle ne connaissait rien du judaïsme, et c’est au camp où elle a été envoyée en 1945, qu’elle a appris les rudiments du judaïsme, tous les chants, les traditions et les Halakhot. Elle relate qu’ils l’ont aidé à survivre, à mener une vie normale et à ressentir qu’elle ne perdait pas sa dignité humaine.

Le Rav Israël Lau, ancien grand-rabbin d’Israël et de la ville de Tel-Aviv, a fait honneur à l’événement par sa présence. « Je suis déjà venu ici plusieurs fois, a dit le Rav, mais j’ai à présent le mérite de participer pour la première fois à l’événement à l’approche des Jours Redoutables. » Le Rav a souhaité à toutes les personnes présentes une bonne année, une bonne santé et une longue vie. La présence du Rav émut les rescapés, car on sait qu’il est lui-même un rescapé, et comprend naturellement et profondément les sentiments complexes qu’ils ressentent avant les fêtes. Tsipora Feld, une rescapée âgée de 90 ans, relata ses souvenirs au Rav : « A Auschwitz, on m’a séparée de ma maman. J’ai couru derrière elle, j’ai pleuré, mais elle m’a poussé de l’autre côté et m’a dit : reste en vie et fonde une nouvelle famille. Et c’est ainsi que je suis restée en vie et j’ai fondé une famille. » Mme Feld raconte qu’elle a trois enfants, 9 petits-enfants et 13 arrière-petits-enfants : « C’est ma victoire, j’ai fait la volonté de ma mère et je suis fière de moi à ce titre. » Et d’ajouter : « A chaque veille des grandes fêtes, je me remémore que les Allemands prenaient d’abord les Juifs qui étaient vêtus traditionnellement, et moi, je venais d’un foyer religieux, j’ai des souvenirs des fêtes. Ces souvenirs sont gravés dans ma mémoire, car ma famille était très religieuse et en conséquence, a été l’une des premières à avoir été liquidée. A chaque fête, je me rappelle comment ma famille, très religieuse, se préparait et se rendait ensemble à la synagogue, alors que nous étions tous vêtus d’habits de fête, en route pour la prière à la synagogue. »

 

Le Chofar de la synagogue Rachi : de Worms en Israël

Le moment fort de la soirée a été la sonnerie d’un Chofar venu de la synagogue de Rachi de la ville de Worms, en Allemagne. Cette synagogue, construite pour la première fois en 1034, est considérée comme la plus ancienne d’Allemagne qui existe jusqu’à aujourd’hui. Lors de la Nuit de cristal (en novembre 1938), la synagogue Rachi a été incendiée et détruite. Elle a été restaurée seulement il y a 20 ans.

Une histoire émouvante se trouve derrière l’histoire du sauvetage du vieux Chofar des cendres de l’incendie de la Nuit de cristal: le Rav Yossef ‘Haïm Péless, né en Allemagne, avait réussi à fuir le pays avant le début de la Seconde guerre mondiale et à s’installer aux Etats-Unis, il entra dans les rangs de l’armée américaine, devint combattant ainsi que Rav de l’armée et conseiller spirituel. En 1945, il entra en Allemagne avec les soldats de l’armée qui avaient conquis le pays et neutralisé le pouvoir nazi. Le Rav Péless se rendit à la synagogue Rachi où il constata la destruction, il portait un casque où figurait un signe d’une étoile de David, et dans la Jeep qu’il conduisait, était fixé un drapeau avec une image des deux Tables d’alliance. Cette scène hors du commun poussa une femme allemande âgée à s’approcher de lui. Elle lui expliqua qu’il ne restait plus de Juifs dans la ville et lui transmit le Chofar, emballé dans une serviette. Elle relata que le soir de la Nuit de cristal, elle avait elle-même sauvé le Chofar du feu et l’avait conservé pendant des années en espérant que des Juifs reviendraient à la synagogue, pour le leur restituer.

Le Rav Péless est décédé il y a dix ans. Le Chofar qu’il a conservé pendant des années se trouve à présent en possession de sa fille, Elichéva Péless Oren, qui a participé à l’événement. « Les sonneries du Chofar me rappellent les rescapés de la Shoah, dit-elle. Avant la sonnerie du Chofar, il y a un silence accompagné toujours de peur et de tension, qui représente la difficulté éprouvée par les rescapés pour faire entendre leur voix et relater ce qu’ils ont vécu. Lorsqu’on commence à sonner du Chofar, très souvent au début, les sons qui en sortent sont brisés et ressemblent à des pleurs. Le travail de l’association Amékha avec les rescapés consiste à les accompagner et à les soutenir, à leur permettre de s’ouvrir, d’assimiler leur vécu et de faire entendre leur voix. Aujourd’hui, le fait que de nombreux rescapés viennent à Amékha, pleins de vie, y trouvent une oreille attentive et peuvent également s’exprimer pleinement - tout cela représente la sonnerie du Chofar. Nous avons, à Amékha, le mérite de les accompagner dans la réalisation de cette grande sonnerie, la sonnerie de la victoire. »