Les alcools en général - et pas seulement le vin - posent de nombreux problèmes de Cacheroute. Quels sont-ils et comment les éviter ? Le point avec Rav Chmouel Semelman, expert en Cacheroute des alcools.

“Rav Semelman, y a-t-il une règle générale dans la Cacheroute des alcools ?

- Il n’y a pas de règle ! Chaque alcool a ses particularités, en fonction de la législation, de la pratique, et de la zone géographique dans laquelle il est produit. Toute extrapolation peut aboutir à de véritables erreurs.

- Quelle est l’origine de la problématique de Cacheroute en ce qui concerne les alcools ?

- C’est bien sûr le vin des non-Juifs. À l’époque talmudique, on commercialisait du vin interdit par la Torah, car ce vin avait servi à des libations idolâtres. Sur cette base, les Sages ont interdit tout vin produit ou même seulement touché par un non-juif.

- Donc le problème, c’est uniquement le vin ?

- C’est l’origine principale du problème ! Vous avez le vin pur sous différentes variétés, y compris le champagne, interdit sans tampon rabbinique. Mais vous avez aussi les apéritifs et les digestifs, presque systématiquement produits à base de vin (comme l’absinthe ou vermouth). En ce qui concerne les brandies, tels que l’armagnac et le cognac, ce sont des eaux de vie distillées issues de vin. Sur tous ces produits, le tampon rabbinique est absolument nécessaire. Et attention à certains tampons douteux…

- Des tampons douteux ?

- Oui, il faut parfois ne pas hésiter à demander conseil auprès de votre rabbin. En effet, le grand rabbinat d’Israël a publié une mise en garde au sujet de certains cognacs produits en France avec des tampons de Cacheroute israéliens. Une production douteuse qui n’a pas été validée à l’importation en Israël. Consulter son rabbin est donc une mesure saine dans ce type de situations.

- Il faut donc un tampon de Cacheroute pour tous les brandies ?

- Les brandies constituent une grande famille d’alcools distillés de fruits. Jusqu’à présent, on n’a parlé que des brandies issus du raisin. Mais parmi les brandies, on a aussi le kirsch issu de cerises ou le calvados issu de pommes. À l’époque, tous les Juifs de mon âge prenaient du kirsch sans tampon rabbinique. Mais les choses ont évolué. Aujourd’hui on utilise très souvent des levures de vin (issues de vins non Cachères) dans ce type de produits. Il faut donc au minimum se contenter des boissons référencées sur des listes de Cacheroute, ou mieux, les produits avec tampon.

- Quelle différence entre un alcool avec tampon et un alcool sur une liste ?

- Je vais vous donner un exemple : le pastis Pernod à 40° est autorisé par le Beth Din de Londres. Le Pernod mais pas le Ricard. Pourquoi ? Parce qu’il contient probablement de l’alcool neutre issu de vin non Cachère. Il y a quelques années, un responsable de Cacheroute de Marseille avait déterminé qu’une certaine production était Cachère car elle ne contenait pas d’alcool neutre issu de vin. Des consommateurs continuaient à prendre ces bouteilles de Ricard, alors que personne n’avait visité la fabrication depuis 3 ans, et qu’il n’y avait absolument aucune garantie. Quand vous avez un tampon, vous avez l’assurance que la bouteille en question est certifiée Cachère.

- Y a-t-il des alcools qu’on peut prendre sans tampon de Cacheroute ?

- Les gins et les vodkas non aromatisés et produits en Angleterre, en Hollande et dans les pays du Nord de l’Europe sont autorisés. Certaines vodkas françaises sont autorisées sur des listes agréées. Les rhums produits et mis en bouteille dans les îles des Caraïbes sont autorisés. Les cidres classiques produits en France sont autorisés, mais pas les poirés. La vodka non aromatisée est autorisée. La téquila en provenance du Mexique uniquement non aromatisée est autorisée (sauf celle qui contient un ver). La bière non aromatisée fabriquée par des grands producteurs est toujours autorisée. Mais attention : j’ai un jour visité la production d’un monastère, et j’ai constaté qu’il y avait des vapeurs communes dans la production de bière et dans la production de fromages non Cachères, ce qui fait que je n’ai pas pu valider la production. Éviter donc les petites productions, en particulier celles des moines trappistes.

- Et les liqueurs ?

- Uniquement avec tampon ou autorisation sur une liste. Attention : même les liqueurs autorisées contiennent parfois du lait. Il y a le problème du lait non surveillé et celui de ne pas en consommer avec de la viande.

- Et les whiskies ?

- Les whiskies écossais et irlandais ne contiennent jamais d’alcool neutre issu de vin. Mais ils peuvent être maturés dans des sherry casks : des fûts à vin. J’ai établi une classification des whiskies selon leur niveau de Cacheroute du meilleur au moins bon : 

  • Pas de maturation dans un fût à vin : Cachère selon tous les avis.
  • Passage dans un fût à vin à fin de deuxième remplissage, sans précision du type de fût. Peu d’influence du vin et peu de considération du producteur. Autorisé par de nombreux décisionnaires.
  • Passage dans un fût à fin de deuxième remplissage, mais la société précise lequel. Concrètement peu d’influence du vin, mais c’est important pour le producteur.
  • Maturation conjointe dans des fûts de whiskies (bourbon) et des fûts de vin. Le double effet est autorisé par une minorité de décisionnaires.
  • Fût de vin total : autorisé uniquement par le Min’hat Its’hak et Rav Moché Feinstein, avec quelques réticences.
  • Double wood, double finish, double maturation : le whisky est mis dans un fût à vin pour le bonifier après qu’il soit complètement terminé. Préférable d’éviter même selon les avis les plus souples.

- Les whiskies japonais ?

- Aujourd’hui on peut autoriser tous les single malt mais pas les blended. Il existe en effet un flou sur l’origine de l’alcool. Mais même les producteurs japonais ne précisent pas toujours la maturation des fûts à vin.”

Propos recueillis auprès de Rav Chmouel Semelman par Dan Cohen