La Mitsva de prier est source d’autres bienfaits à notre égard. Lorsqu’un homme prie et implore et voit sa demande s’accomplir, il comprend qu’il y a une oreille attentive qui l’écoute et en ressent une joie immense. C’est toute sa confiance et son amour pour D.ieu qui s’en trouvent affermis.

Il est rapporté par nos Sages que les disciples de Rabbi Chimon Bar Yo’haï lui demandèrent pourquoi la Manne tombait-elle chaque jour et non une fois par semaine ou par mois. Il leur répondit qu’ainsi, l’homme devait se soucier de son lendemain, s’inquiéter constamment pour l’avenir de ses enfants. Alors, il se tournait vers D.ieu et renouvelait quotidiennement ses requêtes. N’est-ce pas le but avoué de la prière de mettre en relation l’homme et son Créateur ? Il commence par L’implorer puis Le remercie et son amour se renforce.

Cela ressemble à un fils, si habitué aux bienfaits de son père, que son amour pour lui n’évoluait plus. Ce n’est que lorsque cette profusion s’interrompit, qu’il sut apprendre à l’aimer davantage pour l’obtenir de nouveau. Ceci est d’autant plus vrai nous concernant. En effet, il nous est facile de nous habituer à la générosité de D.ieu qui se trouve mêlée et dissimulée au sein de la nature, sans que nous ne voyions aucun miracle. C’est ainsi que beaucoup se leurrent et pensent qu’ils n’ont progressé qu’à la force de leur poignet. Par conséquent, pour notre bien, D.ieu retient parfois le flux de Ses bienfaits afin de nous rappeler notre devoir de prière, pour ensuite, nous les restituer en abondance. Au passage, toutefois, notre amour et notre foi se seront renforcés.C’est ce que rapporte le Midrach Raba au sujet du verset (Chémot 14, 10) « Et Pharaon fit approcher » : Lorsque les Bné Israël constatèrent qu’ils étaient encerclés de toute part, par la mer, les ennemis qui les poursuivaient et les animaux du désert, ils levèrent leurs regards vers le Ciel, comme il est dit (Ibid.) : « Et les Bné Israël crièrent vers Hachem ».

Pourquoi D.ieu les plaça-t-Il dans une telle situation ? Parce qu’Il désirait leur prière. Rabbi Yéhochou’a Ben Lévi a dit : A quoi cela peut-il être comparé ? A un roi qui se trouvait en chemin lorsqu’il entendit une princesse l’appeler à l’aide. « De grâce, délivrez-moi des mains de ces brigands », le supplia-t-elle. Il courut à son secours et la sauva. Quelques jours plus tard, il voulut l’épouser. Il désirait s’entretenir avec elle mais elle refusa. Alors, il décida de lancer de nouveau les brigands à sa poursuite afin qu’elle l’appelât à l’aide. Lorsqu’il perçut ses supplications, il lui dit : « Voici ce que je désirais : entendre ta voix ». Il en était ainsi des Bné Israël. Lorsqu’ils ne parvinrent plus à supporter leur asservissement en Egypte, ils commencèrent à crier en levant leurs yeux vers le Ciel, comme il est dit (Chémot 2, 23) : « Ce fut dans ces nombreux jours-là, … ils crièrent » et immédiatement (Ibid., 25) : « D.ieu vit les Bné Israël ». Il décida de les sauver d’une main forte et d’un bras étendu. Lorsqu’Il désira entendre de nouveau leur voix, ils refusèrent.

Que fit-Il ? Il excita la fureur de Pharaon et le lança à leur poursuite. Comme il est dit : « Et Pharaon fit approcher… ». Aussitôt, les Bné Israël L’implorèrent. A ce moment-là, D.ieu leur répondit : « C’est bien cela que Je réclamais : entendre votre voix », comme il est rapporté (Chir Hachirim 2, 14) : « Ma colombe, nichée dans les fentes du rocher, cachée dans les pentes abruptes, laisse-moi voir ton visage, entendre ta voix ». Il n’est pas écrit "laisse-moi entendre une voix" mais "ta voix", cette même voix que J’ai déjà entendue en Egypte, celle qui sortait du fond du cœur. Alors qu’ils avaient prié, Hachem dit à Moché : « Que fais-tu debout à prier, la prière des Bné Israël t’a déjà devancé… »

Rav Yé’hezkiel Lévinstein, de mémoire bénie, explique qu’il semblerait que ce soit l’inverse de ce que nous sommes habitués à penser concernant le fondement de la prière. Nous croyons en effet que la prière n’est autre qu’une demande de compassion, pour nous sauver de l’adversité et nous préfèrerions ne pas subir de souffrance afin de ne pas avoir besoin de prier. Cependant, en réalité, la prière est davantage que cela : elle est en elle-même un but et agit directement sur l’existence du monde et crée un état où règne une "odeur agréable à Hachem", propice à l’envoi de la délivrance.

D.ieu chérit tant la prière que parfois l’épreuve n’arrive que pour la déclencher. Cela vaudrait la peine de prier convenablement au préalable pour éviter l’épreuve car la prière n’est pas uniquement un remède pour nous délivrer. De même, nous ne récitons pas le Birkat Hamazone parce que nous avons mangé et qu’il faut prononcer une bénédiction, mais parce que D.ieu désire entendre cette bénédiction, alors il nourrit l’homme.

Il est évident que notre intention lorsque nous prions doit être conforme à ce qui a été expliqué ci-dessus. D.ieu désire que nous priions et criions vers Lui, mais pas uniquement pour entendre nos cris.  Seulement, parce qu’en priant, nous renforçons notre lien envers Lui et accomplissons Sa volonté de voir nos regards constamment et uniquement orientés en Sa direction.

Les Maîtres du Moussar ont élucidé une question de taille : Dans la mesure où le serpent a été le catalyseur de la dégradation du monde, pourquoi n’a-t-il reçu que la punition minimale ? Adam n’a-t-il pas été puni sévèrement « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front » et « Tu retourneras à la poussière » ? Le châtiment de ‘Hava ne fut pas moins important : « Tu enfanteras des fils avec douleur ». Pourtant, D.ieu dit au serpent : « Tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie ». (Béréchit, 3, 14-18) Pouvoir accéder à une nourriture abondante et en tous lieux semble être, à première vue, une bénédiction.

A la lumière de ce qui a été expliqué plus haut, tout devient évident : « Les lionceaux rugissent après la proie, demandant à D.ieu leur pâture » (Téhilim 104, 21), « Tous les yeux se tournent avec espoir vers Toi… » (Téhilim 145, 15), toutes les créatures sont liées très fermement à D.ieu parce qu’elles doivent réclamer leur subsistance et c’est même là tout le but de ces difficultés, que l’homme n’oublie pas son Créateur. Le serpent, lui, trouve sa nourriture facilement et n’a plus besoin de se forger un lien avec D.ieu, en levant les yeux vers Lui. Et si on peut dire ainsi, D.ieu ne voulant pas de lui et de ses requêtes lui a mis tout ce dont il a besoin à disposition. Comme il est dit : « Eloigne-toi de moi, je ne veux plus jamais te voir ». C’est le niveau suprême dans la malédiction.