L’un des récits qui prête le plus à confusion dans le Tanakh est celui de David et Batchéva[1]. Le résumé succinct de l’histoire telle qu’elle figure dans les Prophètes : David aperçut Batchéva, une femme mariée, dont le mari Ouria, se trouvait au loin en guerre, et cohabita avec elle. Craignant de concevoir et que son action soit découverte, il tenta de persuader Ouria de rentrer à la maison pour que la grossesse qui s’ensuivrait soit attribuée à Ouria. Mais celui-ci refusa et retourna sur le champ de bataille. David envoya une lettre au général d’Ouria, Yoav, pour lui demander de placer Ouria sur la ligne de front de sorte qu’il ait de fortes chances d’être tué, et c’est en effet ce qui se produisit. Peu de temps après, David épousa Batchéva et elle donna naissance à un enfant. Immédiatement après, le prophète Nathan réprimanda sévèrement David pour cette faute, et bien que David se repentît immédiatement, il fut puni par plusieurs tragédies, dont la première fut la mort du bébé.[2]

A un niveau superficiel, il semblerait que David ait commis une terrible faute, dont un adultère et un meurtre, mais connaissant la grande vertu de David, ce n’est certainement pas le cas, et le Tanakh applique un principe connu en amplifiant grandement les fautes des Tsadikim pour que nous puissions appliquer leurs fautes subtiles à notre propre existence. Dans ce texte, nous analyserons les explications élémentaires développant pourquoi la faute de David a été bien plus subtile qu’il n’en paraît, au point que des individus d’un niveau inférieur n’en seraient pas tenus responsables du tout. Dans le texte suivant, nous analyserons plus en profondeur les termes des livres saints pour comprendre les motivations de David justifiant sa conduite dans cet incident et ses plus amples ramifications.

La Guémara dans Chabbath[3] analyse la question de David qui semble transgresser l’interdit de cohabiter avec une femme mariée. Il y est dit que toute personne affirmant que David a fauté commet une erreur, car l’usage était, lorsque les membres de l’armée de David partaient en guerre, de donner un Guet (acte de divorce) à leurs épouses de sorte que si le soldat ne rentrait pas, leurs épouses ne resteraient pas Agounot, en se retrouvant dans l’incapacité de se remarier si elles n’étaient pas en mesure d’apporter des preuves solides de la mort de leurs époux. Rachi[4] explique la Guémara ainsi : les hommes donnaient à leur épouse un Guet conditionnel : s’ils ne revenaient pas de la guerre, le Guet pourrait fonctionner rétroactivement.[5] Tossefot[6] s’oppose et soutient que les hommes donnaient un Guet intégral de sorte qu’elles étaient réellement divorcées, mais cette procédure se tenait dans le plus grand secret pour éviter que d’autres hommes ne s’approchent de leurs épouses pendant qu’ils se trouvaient au loin.

D’après l’une ou l’autre opinion, David a été traité comme un fauteur, car aux yeux d’un observateur, il avait commis une transgression avec une femme mariée, et ceci a engendré un ‘Hiloul Hachem (profanation du Nom de D.ieu).

Pour la question selon laquelle il semblerait que David ait causé la mort d’Ouria, la Guémara[7] affirme qu’Ouria était en réalité ‘Hayav Mita (condamné à mourir) en vertu de sa rébellion contre le roi, qui est condamnable par la mort. Nous voyons dans les versets que David avait ordonné à Ouria de rentrer chez lui pour retrouver son épouse en pleine bataille, mais Ouria avait refusé, arguant qu’il ne pouvait quitter son général Yoav, qu’il nomma « Mon maître Yoav ».[8] Rachi[9] explique que cette rébellion contre la royauté a été le fait qu’Ouria a donné un titre de déférence à Yoav en présence du roi. Tossefot[10] émet à nouveau une objection, arguant que cela ne constitue pas une rébellion contre le roi, mais la transgression d’Ouria a été d’avoir refusé d’écouter les instructions de David. Néanmoins, David a été critiqué, car il aurait dû faire juger Ouria par le Sanhédrin, plutôt que d’engendrer sa mort sur le champ de bataille.

Nous avons désormais livré les explications élémentaires expliquant en quoi la faute de David a été moins sévère que la description rendue par les Prophètes.[11]


[1] Chmouel II, 11-12

[2]Les autres tragédies ont été l’incident entre le fils de David, Amnon et sa fille Tamar, et la révolte de son fils Avchalom.

[3] Chabbath 56a

[4] Chabbath 56a, dh : Get Krisous.

[5] Les commentateurs ne sont pas d’accord sur le sens exact de Rachi et soulèvent un certain nombre de questions sur l’explication de Rachi. Voir Tossefot, Chabbath 56a, dh : Get ; Tossefot, Kétoubot 9b, dh : Kol ; Beth Yaakov sur le Tossefot ; Maharcha, Chabbath 56a, dh : Chébickech ; Malbim, Chemouël II 11,3.

[6] Chabbath 56a, dh : Get Krisus.

[7] Chabbath 56a.

[8] Chmouel II, 11 :10.

[9] Chabbath 56a, Dh Véadoni Yoav

[10] Chabbath 56a Dh Déamar.

[11]Il existe une discussion halakhique détaillée sur tous les aspects de ce récit complexe – le but de ce texte est d’exposer un résumé succinct des explications de la Guémara sur la nature limitée de la faute de David.