En 2016, un sondage commandé par l’État d’Israël relevait que le pays comptait plus de 267 000 Ba'alé Téchouva, de repentis.[1] À travers le monde, ils seraient bien plus nombreux, mais on ne saurait les recenser tous car ils ne sont pas toujours reconnaissables…

Nous en connaissons tous dans notre entourage. Parfois chez nos amis, au travail, ou encore dans notre propre famille… ce sont ces gens qui ont décidé à un moment donné de changer de mode de vie pour devenir religieux. Ce sont les Ba'alé Téchouva, selon la traduction littérale, quoiqu'inexacte, des « propriétaires de la Téchouva ». Ce sont ces personnes, à l’éducation parfois athée ou traditionnelle, qui ont décidé du jour au lendemain de renforcer leur pratique du judaïsme. 

Qui sont ces gens et qu’est-ce qui les a poussés à faire ces changements parfois drastiques ?

Pourquoi font-ils Téchouva ?

Il n’y a pas de profil type des Ba'alé Téchouva, ni même de cadre social prédisposant à le devenir. Certains font le pas à l’adolescence, d’autres une fois mariés, si bien qu’il est impossible d’établir un portrait caractéristique figé du Ba'al Téchouva. Cependant, il existe des raisons communes à certains Ba'alé Téchouva qui peuvent nous aider à mieux les comprendre.

Pour certains, le renouement avec le judaïsme se fait en réaction à la société. La culture occidentale, tendant à bannir le sacré et gorgée d’idéaux très matériels, ne remplit pas leur soif de spiritualité. Le bien-être par la consommation ne leur offre pas non plus le sens dont ils ont besoin. Ils ne se sentent pas comblés par l’art et la littérature et recherchent quelque chose de plus élevé, de plus profond. Dans la religion, ils trouvent un sens, une raison d’être.

D’autres empruntent le chemin des plaisirs, cherchant désespérément la plénitude de leur âme dans les plaisirs mondains. Ils ne trouvent pas non plus satisfaction dans les divertissements offerts par la société, ni même dans la liberté du pouvoir de l’argent et rien ne calme leur manque. Le judaïsme s’offre à eux comme une délectation qui leur donne enfin cette satiété de l’âme.

Il y a ceux qui vivent un drame. Seuls face à l’adversité, ils lèvent les yeux vers le Ciel appelant à l’aide. Ceux-là comprennent qu’ils n’ont d’autre véritable soutien que D.ieu et s’approchent ainsi de leur Rocher. Ils se renforcent dans la pratique à la suite de leur difficulté et ne lâchent plus jamais l’étendard.

Et enfin, il y a ces Juifs traditionalistes qui baignent dans une semi-pratique du judaïsme, sans réellement savoir que les Mitsvot sont obligatoires. Ils ont toujours vécu avec un amour inné vis-à-vis de D.ieu sans savoir qu’ils devaient l’exprimer d’une manière systématique par la pratique de la Torah et des Mitsvot. Pour eux, on prend sur soi certaines Mitsvot « quand on se sent prêt ». Ceux-là, dès qu’ils comprennent que la Torah est une obligation, s’y adonnent corps et âme sans hésitation.        

Si les raisons de faire Téchouva sont diverses, le sentiment de proximité à D.ieu ressenti au début du processus de Téchouva est similaire à chacun. Tous les Ba'alé Téchouva ressentent à un moment donné comme une vague les entraînant dans la pratique de la Torah, accompagnée d’une soif intarissable d’apprendre et de mettre en pratique. 

Lorsque la personne fait Téchouva, tout lui semble clair et évident. Même les mauvaises habitudes, d’ordinaire si dures à déloger, prennent congé d’elles-mêmes sans grande difficulté. La personne est comme portée par un sentiment d’allégresse qui la pousse à prendre sur elle encore plus de pratique. Le Ba'al Téchouva vit dans ses débuts un sentiment de paix et d’extase intérieure. Tout lui paraît nouveau, beau et vrai. Il jubile d’extase de cette pratique du judaïsme qu’il découvre véritablement pour la première fois. Il veut partager ce sentiment angélique à tout son entourage, et c’est là qu’intervient parfois la problématique…

L’entourage du Ba'al Téchouva

Si le Ba'al Téchouva est en train de vivre une véritable expérience spirituelle qui transcende tout son être, son entourage, lui, ne comprend pas toujours ce qui se trame dans son esprit. Parfois, les réactions du Ba'al Téchouva sont excessives, à la hauteur de son engagement. Il se refuse du jour au lendemain à regarder la télévision le Chabbath ou à manger dans le service de vaisselle de la maison, les dames ne font plus la bise à leurs collègues masculins au bureau etc. Chez certains, c’est même la tenue vestimentaires qui change, les jeunes filles ne portent plus que des jupes longues, les garçons se laissent pousser la barbe… Bref, toutes sortes de chamboulements des mœurs qui laissent leur entourage pantois.

Les parents ont peur de voir leurs enfants sombrer dans le fanatisme, les amis craignent de perdre leurs copains d’enfance et dans certains couples, on redoute même le divorce…

Alors, comment réagir à ces changements inattendus et pour le moins drastiques ?

L’équilibre du Ba'al Téchouva

Tout d’abord, il faut savoir que si un Juif décide de faire sincèrement Téchouva, rien ni personne ne pourra l’en empêcher… La tradition juive regorge d’histoires de gens qui ont fait Téchouva au péril de leur confort matériel, même le plus basique. Pour n’en citer qu’un seul, Eliézer, le fils d’Horkenos, à l’âge de 28 ans, ne sachant pas même réciter le Chéma', fit le choix d’une vie de misère dans les centres d’étude de Torah, plutôt que de convoiter le riche héritage de son père. Il devint par la suite Rabbi Eliézer le Grand, le maître de Rabbi 'Akiva… 

De plus, il en va de notre devoir de ne pas interrompre le processus d’engagement qu’un Juif entame pour se rapprocher de son D.ieu. Nous ne voudrions pas être celui ou celle qui s’interpose entre D.ieu et son enfant, n’est-ce pas ?

Mais que faire, la peur de l’entourage est bien là, et les bonnes intentions ne suffisent pas toujours à l’apaiser.

Comprendre le processus du Ba'al Téchouva

C’est pour cela qu’il est important de comprendre qu’une personne qui fait Téchouva reste fondamentalement la même. Il est vrai qu’elle ne s’adonnera plus à certaines activités, comme regarder un match de football, ou aller boire un verre en boîte de nuit etc. Pour certains parents, c’est même toute l’ambition qu’ils portaient sur leur enfant qui s’écroule… mais si vous aimez vraiment votre enfant ou votre ami et que vous le savez heureux dans sa nouvelle vie, ne feriez-vous pas preuve d’un amour sincère en l’accompagnant dans son bonheur ? 

En outre, faire Téchouva signifie, ne l’oublions pas, améliorer ses traits de caractère, son respect vis-à-vis d’autrui, sa ferveur vis-à-vis de D.ieu. Ce n’est pas comme si l’être que nous portons dans notre cœur s’enfonçait, à D.ieu ne plaise, dans les bas-fonds d’un monde obscur et dangereux… Le judaïsme n’est pas non plus une secte qui ôte à ses adeptes toute capacité de critique et de raisonnement rationnel ; au contraire, il enjoint à questionner et répondre véritablement aux questions, sans tabous, ni dogme…

Il faut également savoir que tous les Ba'alé Téchouva ne restent pas « éclairés » toutes leur vie. Arrive un moment où ils s’habituent à vivre aux côtés de D.ieu et où l’aide Céleste abondante qui leur avait été accordée au début du processus s’amenuise, ils redeviennent « ordinaires ». Ils font face à la difficulté de leur nature comme toute personne servant D.ieu depuis l’enfance, et comprennent ainsi mieux ceux qui n’ont pas leur niveau de connaissance et de pratique religieuse. S’engage alors pour eux un long chemin bordé d'obstacles, où leurs efforts leur permettront d’apprendre les lois extrêmement riches et complexes d’une religion âgée de plusieurs milliers d’années, à travers les pages corsées du Talmud et de la Halakha (loi juive). 

Par la suite, se sentant plus sûrs d’eux-mêmes, ils s’équilibrent dans leur pratique du judaïsme, s’octroyant des plaisirs permis qu’ils s’étaient interdits jusqu’alors, cherchant à trouver leur point d’équilibre. Certains reprennent une activité sportive, d’autres se remettent à la musique, d’autres encore dépoussièrent leurs vieux pinceaux etc. Ils comprennent du même coup que la Torah est bien plus subtile qu’elle ne leur paraissait au début de leur chemin.  

C’est ainsi que beaucoup de Ba'alé Téchouva renouent avec leur entourage et leur famille, une fois plus mûrs et plus aptes à accepter leur niveau spirituel différent du leur, et ainsi à vivre dans le respect mutuel.

 

[1] (http://www.maane.info/pages/3198).