Bonjour à tous les membres de Torah-Box,

Je me décide enfin à mettre par écrit les épreuves qu’Hachem nous a fait vivre mon mari et moi-même il y a plusieurs années.

Je viens d’une famille où l’on fêtait plutôt Noël que ‘Hanouka.

Mes parents ont tout fait pour nous donner la meilleure des éducations, mais pas dans la Torah. Puis, vint cet attentat de la rue Copernic.

Mes parents ont pris peur et, pour nous protéger, ont tout simplement décidé de nous inscrire mes sœurs et moi-même dans une école juive. Nous avions du mal à accepter, mais n’avons rien dit, car nous savions que c’était un grand sacrifice financier.

Mettre un collant ou une jupe a été terriblement difficile les premiers temps : je préférais mon jean et mes baskets. Tout doucement, la joie d’être entre nous, et surtout entre filles, a pris le dessus. J’ai appris à lire et à écrire en hébreu à l’âge de 16 ans !

La première fois que notre professeur de Kodech m’a permis de lire un verset dans le ‘Houmach a été un véritable bonheur !

Baroukh Hachem, je me suis mariée en pleine Téchouva. Quelques mois après, nous avons été bénis d’une adorable petite princesse. Baroukh Hachem, je retombai rapidement enceinte. J’appris que j’attendais un garçon. Ma joie fut à son comble, car je n’avais pas eu de frère.

Vers la fin de la grossesse, veille de Chabbath, les contractions se rapprochant, je décidai tout de même d’achever mes derniers préparatifs. Je rentrai enfin accoucher. J’étais à 7 cm d’ouverture.

Vient le moment pour l’infirmière d’écouter les battements du cœur du bébé : elle essayait dans tous les sens, mais n’arrivait pas à entendre le moindre son. Me rassurant en m’expliquant que cela pouvait arriver vu la position du bébé, elle courut chercher mon gynécologue. Très rassurant et dans un très grand calme, il m’explique que tout va bien et que le bébé ne va pas tarder à sortir.

À moitié rassurée et à moitié dans le doute, je concentrai mes pensées sur mon accouchement. Tout s’est très bien passé, mon mari à mes côtés me réconfortant.

Le bébé est né, mais dans le silence total.

Le docteur a vite confié mon bébé aux infirmières, puis a levé la tête et m’a dit dans un ton paternel : "Madame H., à présent, il faut être courageuse." Sans prononcer d’autres mots.

Tous mes doutes tombaient.

Je pris mon drap me réfugiant en dessous pour pleurer. Mon mari partit voir le petit. Les infirmières sont venues une par une me présenter leurs condoléances.

Est-ce que je faisais un cauchemar ?

Doucement, doucement, avec le soutien de mon mari, ma maman, mon papa, mes amies, je me remis et compris qu’Hachem avait besoin d’un Kéli (ustensile) pour porter dans ce monde une Néchama (âme).

Quelques semaines après, je rendis visite à Rav David Pinto, chez qui j’ai versé beaucoup de larmes, en lui expliquant le vide que je ressentais.

Le Rav m’a répondu : "Arrête de pleurer ma fille, ouvre le livre de Téhilim." Le Rav prit le livre et lut : "Elle perdit un garçon et aura un garçon".

Un an après, jour pour jour, Hachem nous bénit d’un garçon en pleine santé.

Devant ce bonheur, toute la communauté est venue me souhaiter un grand Mazal Tov. J’avais une immense gratitude envers Hachem. En si peu de temps, Il m’avait envoyée ma consolation.

Mais mon histoire ne s’arrête pas là…

Très peu de temps après, je tombe enceinte Baroukh Hachem.

Tout se passe très bien, Baroukh Hachem. Je suis quand même en observation spéciale vers la fin de la grossesse.

C’est en prenant un bain, les derniers jours avant l’accouchement, que je sens que le bébé ne bouge plus. Je ne veux pas y croire et en même temps je me dis que ce ne sont peut-être pas que des doutes.

J’amène vite les enfants chez mon mari au travail sans rien lui dire pour ne pas l’affoler. Je fonce seule à la clinique et là, de nouveau, la même scène cauchemardesque. On ne trouve pas de battements de cœur. Les infirmières essaient de me réconforter, mais j’exige la vérité !!! Mon gynécologue descend vite me voir et m’avoue avec beaucoup de calme que le bébé n’est plus vivant…

Cette fois-ci, il n’y a aucun travail naturel, il va falloir provoquer.

Je pique quand même ma crise de nerfs au téléphone, tout en prévenant mon mari. Je n’arrive pas à bien articuler. Mon mari me demande de me calmer. Je lui raconte et il me rejoint très vite.

Le lendemain, on me provoque l’accouchement. Aidée d’une péridurale, Baroukh Hachem, l’accouchement se passe très bien, en plein Pourim, et de nouveau, mon bébé ne pleure pas et ne pleurera jamais.

Alors encore ce vide qui m’envahit.

Je reste quelques jours à la clinique. Tous mes proches viennent me réconforter, mais le plus drôle, c’est que c’est moi qui remonte le moral aux autres. Certes, je pleure lorsque je me retrouve seule. Je suis avant tout un être humain.

Ma Rabbanite me dit que je ne sais pas à quel point Hachem m’aime. Et je lui réponds avec beaucoup d’humour qu’alors là, mon papa m’aime beaucoup.

Je n’avais que 24 ans.

Je n’avais pas grandi dans un foyer où l’on vivait par la Émouna (foi en D.ieu). Tout était plutôt cartésien. Et pourtant, Hachem m’a donné la force de surmonter cette nouvelle épreuve. Lui Seul connaît nos limites.

Par la réflexion, j’ai choisi la meilleure voie à suivre. Je me rappelle exactement ce que je me suis dit à moi-même : "Écoute ma grande, tu as le choix, soit tu sombres dans la dépression et tu entraînes toute ta petite famille avec toi, soit tu acceptes une Logique qui te dépasse et que tu ne comprendras jamais et tu avances." Baroukh Hachem, j’ai opté pour la deuxième.

Et j’ai avancé tout doucement, malgré l’absence de mon bébé.

Hachem m’a fait un grand ‘Hessed (bonté), car après chaque épreuve, j’avais la chance de rentrer à la maison et d’embrasser mes enfants qui m’attendaient.

Je sais que j’ai porté des Néchamot qui avaient des Tikounim (réparations) à faire. Quelque part, je suis fière qu’Hachem m’ait choisie, sans pour autant en redemander...

Hachem nous a bénis d’autres enfants en parfaite santé Baroukh Hachem.

Je suis à présent grand-mère plusieurs fois Baroukh Hachem.

Les médecins n’ont jamais rien trouvé d’anormal chez mes bébés fils et fille décédés dans mon ventre et, faute d’autopsie, les recherches étaient limitées.

Mon fils a été nommé Na’houm et a été circoncis. Il est enterré près de sa petite sœur, Né’hama.

Accepter tout d’Hachem avec amour.

Ce qui n’est pas toujours évident, car notre logique est limitée. Alors, accepter sans concession : pourquoi moi, je n’ai rien fait de mal... est tout simplement la domination de notre Yétser Hara’ (mauvais penchant) sur nos pensées.

En avant, le Juif est condamné à aller toujours de l’avant et c’est une belle condamnation ; elle nous évite bien des dépressions et d’autres troubles psychiques.

Mes enfants me manquent. Je les sens parfois près de moi qui m’appellent "Maman", bien que je sois seule. Je sais qu’ils m’accueilleront à 120 ans là-haut, Bé’ézrat Hachem.

Voilà, je voulais donner un peu de force à celles qui en ont besoin.

Que nous puissions bientôt accueillir le Machia’h de nos jours, Amen !

PS : mes chères sœurs, un conseil : ne demandez jamais à une femme qui vient d’accoucher ce qu’elle a eu comme enfant, mais si l’accouchement s’est bien passé. Le reste, elle vous le dira toute seule.

Sarah Halfon