David et Batchéva se retrouvent le soir. Leur enfant de 2 ans est couché, il dort enfin. La soirée peut commencer. Tous deux aimeraient que ce soit « leur soirée » et attendent un signe de l'autre, un geste, un regard. C'est aussi, pour eux qui rentrent du travail, un moment de détente, de répit, de repos. Moment à partager. Ou pas. Devant le grand écran qui diffuse des informations, il l'aide à mettre le couvert.

« Parle-moi de ta journée, demande Batchéva.
- Rien de particulier, je n'ai pas envie de parler du travail. Et toi, la tienne ?
- Rien à dire non plus. Je te sens distant.
- Pas du tout », se défend David.

Batchéva explique, une fois de plus, qu'elle a l'impression de ne plus l'intéresser. Lui répond, une fois de plus, que ça ne lui pèse pas, mais qu'il sent qu'il l'attire moins et qu'elle est entièrement absorbée par l'enfant. Alors, il travaille encore plus, sans s'en rendre compte, acceptant des tâches qu'il aurait probablement refusées quelque temps plus tôt.

Insidieusement, ils se retrouvent une heure plus tard, lui dans la chambre devant l'ordinateur à consulter son courrier électronique, à jouer, à chatter avec des connaissances virtuelles, ou à travailler encore. Elle est dans le salon, hypnotisée par un objet inanimé vitré, à regarder un film ou une émission avec des témoignages sur les difficultés conjugales. Ou encore elle passe des heures au téléphone, puisque ce sont ses seuls moments de tranquillité. Un autre soir, ce peut être l'inverse : elle devant l'ordinateur, lui devant un film ou la console de jeux. Ils vont finir par s'apercevoir qu'ils n'ont plus les mêmes goûts cinématographiques. Ils se rendent compte aussi des capacités incroyables des nouveaux logiciels, puisqu'il passe énormément de temps à télécharger des nouvelles séries (pour elle), à faire du montage de leurs films (pour l'enfant, plus tard). Ils prennent conscience que, soudain, leurs rythmes de vie ne sont qu’asynchrones : elle a besoin de se coucher tôt. Lui n'a pas sommeil, et s'endort tard. Il explique, avec un peu de mauvaise foi, que si l'enfant fait un cauchemar, il est prêt à aller le recoucher, et donc que cela évite à Batchéva de se réveiller.

Qui va énoncer le premier l'hypothèse qu'ils s'évitent ? Ou plutôt, dénoncer qu'ils se servent des écrans pour se détendre, certes - s’ils estiment en avoir besoin -, mais aussi et surtout pour faire écran entre eux et leur intimité ?

Ne vous laissez pas envahir par la nécessité de la détente. Prenez garde : il faut beaucoup d'efforts pour rompre le cercle vicieux qui se met en place : « Tu veux m'éviter, donc je ne prends pas le risque de me rapprocher car je serais rejeté(e), donc je me protège. Mais, par là, tu te sens mis(e) à l'écart, et toi-même tu ne donnes pas d'indice qui me laisserait penser que je suis bienvenu(e) auprès de toi. »

David affirme qu'il a tenté plusieurs fois « une approche » et qu'elle a été repoussée chaque fois. Elle répond qu'elle est passée plusieurs fois près de lui, pour lui demander de venir la rejoindre. Lui répond qu'il a seulement entendu un agacement devant la lumière de l'ordinateur qui la gêne pour s'endormir et non une invite.

Ce n'est pas seulement l’intimité qui est en danger. Mais aussi la complicité, la capacité de communiquer sans les mots, l'établissement de la tendresse. Et, au final, la confiance. Un couple m'a dit un jour : « Nous avons instauré chez nous le "chabbath écologique". Chaque semaine, nous définissons, selon nos contraintes, un soir où il n'y a ni télévision, ni ordinateurs, ni tablettes. Aucun écran allumé, aucun de ces « bracelets électroniques » que sont les Smartphones. C’est mieux pour la planète et pour notre couple. »

Soyez audacieux, proposez à votre conjoint de protéger une soirée à deux, à la maison, sans écrans, sans tablettes, ni téléphones portables, voire sans parler des enfants, une fois ces derniers endormis. Ce conseil est principalement destiné à ceux qui ont des enfants petits, et qui ont tant de difficultés à se retrouver, une fois leur progéniture couchée.

La dimension du Chabbath conjugal est à l’image de celui que Hachem nous invite à vivre chaque semaine pour nous investir corps et âme dans cette relation verticale dont la portée est au delà de toute contingence spatio-temporelle.
C’est là la meilleure des façons de donner un temps et un espace à l’être le plus cher de notre existence : notre moitié.