La semaine dernière, j’ai reçu une lettre écrite par une mère souffrante dont le fils rebelle a non seulement tourné le dos à sa famille, mais également rejeté sa foi juive. Le mari de cette femme a laissé tomber le jeune homme, mais elle est déterminée à laisser la porte ouverte dans l’espoir de son retour.

Lorsqu’elle lut l’un de mes derniers articles dans lequel je mettais l’accent sur le pouvoir de l’amour comme l’antidote le plus efficace contre les querelles incessantes qui étaient désormais le lot de son foyer, elle le montra à son mari. Celui-ci réagit cyniquement. Il prétendit que l’amour que je revendiquais ne jouait aucun rôle aujourd’hui. En conséquence, cette femme m’a demandé de livrer l’une des mes expériences personnelles pour prouver que son mari avait tort.

Il y a quelque temps, une maman me contacta au sujet de son fils. Il s’agissait d’un jeune homme qui avait rejeté sa famille, quitté sa maison et encourait le danger d’aller en prison. J’ai enjoint la mère à faire tout son possible pour engager un avocat pour son fils et à le faire venir à un cours de Torah à Hinéni.

Plusieurs semaines se sont écoulées et je n’avais eu aucune nouvelle de cette mère. Puis un matin, elle m’appela : « Rabbanite, me dit-elle sur un ton enthousiaste, nous l’avons ramené ! Il est ici avec nous, mais je suis très nerveuse. J’ai très peur qu’il nous glisse entre les doigts et disparaisse à nouveau. Quand pouvons-nous venir vous voir ? »

« Venez ce soir, dis-je. Venez à mon cours de Hinéni, et avec l’aide de D.ieu, la Torah pourra l’aider. »

Ce soir-là, lorsque j’entrai dans la salle de cours, j’aperçus la mère assise seule au dernier rang. « Que s’était-il passé ? me demandai-je. Avait-il disparu à nouveau ? » Je ne voulais pas engager de conversation dans un espace public de peur que quelqu’un surprenne nos propos. Il était tard et je devais commencer mon cours. Mais dès que je montai sur l’estrade, je l’aperçus dans le public. Il était grand, sombre et élégant et aspirait clairement à avoir une dégaine « cool », parce que c’était la nuit et qu’il portait des lunettes de soleil de marque.

Je commençai à enseigner, mais avec ses yeux cachés derrière ces lunettes, je ne pouvais pas être sûre qu’il écoutait. Son langage corporel m’indiquait qu’il était anxieux et nerveux. A l’issue du cours, je vis sa mère avancer vers moi. Elle avait l’air crispée. Les enjeux étaient importants. Mais finalement, lentement et avec réticence, il s’avança vers moi avec sa mère.

-          Rabbanite, c’est mon fils, murmura-telle.

-          Je suis heureuse de faire ta connaissance, dis-je, mais retire ces lunettes, tu n’as pas besoin de lunettes ici.

Il marmonna quelque chose dans sa barbe puis dit : « La lumière me fait mal aux yeux. »

-          La lumière ici est celle de la Torah, et elle ne peut que guérir tes yeux, répondis-je.

Il retira les lunettes.

-          C’est mieux, dis-je. Comment t’appelles-tu?

-                      Mario, répondit-il.

-                      Impossible que Mario soit ton nom, répondis-je. C’est un faux-semblant, dis-moi ton vrai nom, ton nom juif.

-          Anshie, marmonna-t-il.

-          Anshie, répétais-je. Ce n’est pas possible. Anshil est toujours associé à un autre nom. donne-moi ton nom complet.

-          Osher Anshil, dit-il.

Pendant quelques instants, je me tus, interloquée. Osher Anshil est le nom de mon arrière-arrière grand-père connu dans toute la Hongrie comme le « Rabbi des miracles ». Certains pensent que le prophète Elie en personne lui a rendu visite et lui a enseigné comment guérir les âmes blessées.

Tous les « Osher Anshil » sont liés d’une manière ou d’une autre à ma famille. Mon propre fils ainsi que mon neveu, et désormais mon arrière petit-fils portent ce nom. Je me demandai quel lien il pouvait avoir avec nous.

« Comment as-tu été nommé ainsi ? », lui demandai-je.

« Je ne sais pas, répondit-il en haussant les épaules. Demandez à ma mère. »

« Dites-moi, m’adressais-je à la mère, comment se fait-il que vous ayez nommé votre fils ainsi ? »

« C’est une longue histoire, me répondit-elle sur un ton incertain. A la naissance d’Osher Anshil, il avait un jumeau. Son frère jumeau mourut et Anshi était très malade. Je consultai mon rabbin et lui demandai une bénédiction, il me dit que je devais le nommer Osher Anshil au nom du "rabbin des miracles", pour le protéger. »

J’étais bouleversée. Toute cette histoire était comme un puzzle traversant des océans et des continents et des siècles, et à présent, les pièces se mettaient en place.

« Ecoute-moi, lui dis-je. Je suis l’arrière-arrière petite-fille de ce rabbin dont tu portes le nom. Ta venue ici n’est pas une coïncidence. Il n’y a pas de hasard dans le monde de D.ieu. La bénédiction reçue lorsque ta mère t’a donné ton nom Osher Anshil t’a bien servi. »

Je l’invitai à s’installer dans notre communauté. Il y réfléchit et y consentit, bien qu’étant incertain du type d’engagement qu’il était prêt à faire. Il étudia la Torah avec nous et célébra les Chabbath et les jours de fête. Bien entendu, le miracle ne se produisit pas en une nuit. Il y eut de nombreux hauts et bas, et des jours de tension et d’incertitude.

Mais un miracle eut bien lieu, et pas à pas, il retourna au mode de vie du Juif, uni avec sa famille et s’identifiant avec notre Torah.

De même que le nom de ce jeune homme, Osher Anshil, est relié au remarquable Rabbi de Henger, le Ménou’hat Osher, chaque nom juif relie chaque Juif à un grand-père ou un Rebbe, un prophète ou un patriarche, remontant à notre ancêtre Abraham.

Une âme juive n’est jamais perdue.