Certains en veulent à leurs parents pour les erreurs commises dans leur enfance. Ils ressentent que ces manquements ont des incidences jusque dans leur vie d’aujourd’hui : « bloqués », ils attribuent parfois la cause de leurs échecs à l’éducation imparfaite qu’ils ont reçue. Et si nous décidions de purifier le cœur de toute rancœur ?

Le lien qui relie parents et enfants compte parmi les rapports humains les plus difficiles à gérer. Un parent n’est pas né parent, ce qui signifie que la parentalité est un processus en voie de construction. Elle est faite de tentatives, d’échecs, de réussites, de leçons, de doutes, d’expériences, etc. Si bien que l’idée d’une éducation parfaite, sans erreurs ni échecs de la part des parents, est en fait illusoire.

Les conseils qui apparaissent dans les livres d’éducation, s’ils s’avèrent utiles dans certains cas, ne sont pas toujours applicables au quotidien. Et, quoi qu’on en dise, pas toutes les recommandations des psychologues ne sont réalistes. Il est vrai, parfois nos parents nous ont punis injustement. Parfois, ils n’ont pas su écouter notre détresse, et encore moins la gérer. Parfois, ils ont hélas ébranlé l’estime que nous avions peine à construire. Pourtant, si nous acceptons que l’erreur soit humaine, comment pourrions-nous exiger de nos parents qu’ils soient des êtres parfaits ? Si nous réfléchissons à la question, nous nous apercevrons que, plus d’une fois, il nous arrive de refuser à autrui le droit à l’imperfection. Notre conjoint ne se comporte pas selon les bonnes règles du Chalom Bayit ? Nos enfants ne nous obéissent pas ? Nos parents ont commis des erreurs dans notre enfance ? Certes, mais au fond, qu’est-ce que l’humain, si ce n’est un être en phase de devenir ?

Le choc des générations

Pour répondre à notre question de départ, faisons un petit détour historique. Car en nous penchant sur les récits de la Torah traitant des relations humaines, nous découvrirons un fait étonnant qui va constituer la base de notre réponse. En effet, avez-vous remarqué que nombre de personnages de la Torah étaient issus de parents qui, c’est le moins que l’on puisse dire, n’étaient pas des plus fins éducateurs ? Pour n’en citer que quelques-uns : Avraham, dont le père Téra’h était un idolâtre notoire prêt à sacrifier son fils pour l’honneur de Nimrod, un roi impie ; Rivka, dont le père Bétouël était selon un Midrach un roi mécréant qui exerçait le droit de cuissage sur ses sujets ; Ra’hel et Léa, filles de Lavan, dont les lettres hébraïques du nom s’interfèrent pour former le mot Naval, (« scélérat ») ; et la liste n’est pas exhaustive…

Comment comprendre une telle chose ? Depuis Freud, nous avons la « chance » de savoir que nous ne sommes finalement que le fruit de notre éducation. Soit rien d’autre que les produits du plus pur déterminisme. Est-ce vraiment l’avis du judaïsme ? Car comment dès lors expliquer le fait que ces personnages d’exception n’aient pas été « traumatisés » par la terrible enfance qui fut certainement la leur ? Comment expliquer que les séquelles de leur éducation ne les aient pas accompagnés tout au long de leur vie et n’aient pas entravé leur ascension spirituelle ?

Où est le responsable ?

Si la Torah a pris la peine de nous fournir l’arbre généalogique de nos ancêtres en pointant du doigt le fait que des parents impies aient pu donner naissance à des justes, ce n’est pas uniquement par souci de créer une base de données à jour. C’est également pour nous enseigner une leçon de vie à intégrer dans toutes les générations : l’homme est le seul responsable de sa vie !

Si les données de notre existence ne sont pas entre nos mains, il n’en est pas de même de notre manière de composer avec elles. Certes, D.ieu a décidé que nous naissions et grandissions dans telle famille, avec tels parents et telle fratrie. Il s’agit d’une donnée que nous ne pouvons pas changer. Pas plus que les lacunes éducatives dont nous avons souffert dans notre enfance. Pourtant, la décision de tirer un trait sur le passé, de ne pas s’apitoyer sur notre sort et d’aller de l’avant nous appartient !

S’il nous est difficile d’y croire, prenons exemple sur les personnages que nous avons cités précédemment. Il est peu probable que nos parents aient été d’aussi piètres éducateurs que les leurs, et pourtant, force est de constater que les justes que nous avons cités ont su oublier les erreurs du passé, ouvrir un nouveau chapitre et s’attaquer au chantier de l’édifice de leur personnalité. Ils ne se sont pas laissés abattre par des phrases du type : « Ta mère ne t’a jamais aimé(e), comment pourrais-tu aimer ton enfant à ton tour ? », « Ton père était un égoïste, tu le seras forcément avec ton entourage », ou encore « Personne n’a jamais écouté ta détresse, tu es condamné(e) à la porter avec toi toute ta vie »…

Quand le passé se conjugue au présent

Mais, au-delà de cette réflexion, il existe un autre point qu’il semble important de soulever et qui concerne la Émouna (foi en D.ieu). Car la Émouna, cette conscience profonde que la Providence Divine nous accompagne à chaque instant de notre vie et qu’elle est à la source de tout ce que nous vivons, confère un sens nouveau à notre vécu. De ces petites choses qui nous réjouissent aux grands moments de bonheur, de la plus petite contrariété aux plus grandes épreuves (D.ieu préserve), la personne armée de Émouna comprend que tout a une signification et un but. Tout est mesuré et soupesé par le Maître du monde, qui ne veut que notre bien le plus ultime. Armés de cette intime conviction, nous pouvons alors nous poser les questions suivantes : au-delà de la douleur et de la souffrance endurées, quel bien puis-je déceler au sein de cette épreuve ? Quelle force intérieure ai-je puisée de ce que j’ai vécu ? Aurais-je été une personne aussi forte et dotée d’autant de qualités si je n’avais pas vécu ces évènements ? Ma capacité à déceler la souffrance chez les autres et à les aider ne m’a-t-elle pas été justement acquise suite à ce que j’ai vécu ? Une fois cette réflexion menée, il est probable que l’image d’ensemble obtienne un tout nouvel éclairage…

S’offrir un cadeau…

En filigrane, nous atteignons notre conclusion : faire sincèrement la paix avec nos parents n’est pas seulement bénéfique pour eux, mais c’est en réalité le plus beau cadeau que nous puissions nous offrir. Purifier notre cœur de toute rancune, reconnaître et remercier pour tout le bien que nos parents nous ont octroyé, canaliser notre énergie vers des horizons productifs, voilà ce qui pourra garantir durablement notre réussite, et, surtout, notre bien-être. La décision d’éradiquer la rancœur nous appartient, saisissons-en l’occasion !