Avez-vous déjà ouvert un livre d’architecture ou bien d’art-déco ? Voici ce à quoi ressemblerait, de prime abord, la Paracha de Térouma.

La Torah, qui est habituellement si parcimonieuse avec des mots, de façon surprenante, consacre pas moins de 13 chapitres à la description du Sanctuaire. Pour rappel, le Sanctuaire (Michkan) était un Temple portatif servant de lieu de rassemblement dans le désert. Tous les matériaux, les composants et les meubles sont répertoriés et décrits de façon très précise, voire qui pourrait même paraître rébarbative.

Pour que vous réalisiez encore mieux l’anomalie, sachez par exemple que la Torah ne consacre qu’un seul chapitre à la création de l'univers ; ou bien que seulement trois chapitres décrivent la somptueuse révélation du don de la Torah au Mont Sinaï. Pourquoi alors la Torah décrit-elle le Sanctuaire d'une manière aussi longue ?

Tout d’abord, il faut savoir que chaque maison juive est un Sanctuaire en tant que tel. Cette Paracha qui nous décrit le Sanctuaire, nous dit donc quels sont les piliers indispensables d’un foyer équilibré et heureux. A cet égard, c’est normal qu’elle y consacre autant de lignes ! Il y a tellement à savoir pour faire de notre maison un lieu agréable dans lequel règnent l’amour, la paix, et la Kédoucha (sainteté).

La Torah commence d’abord par la description de l'intérieur, puis l'extérieur. Ce qui signifie pour nous que, quand il s’agit de construire notre maison, on doit privilégier l’intériorité plutôt que l'extériorité. C’est-à-dire aménager la maison en fonction des besoins de notre couple et de notre famille avant de penser à ce que vont en penser les futurs visiteurs. Par exemple, aménager un espace où les parents peuvent discuter tranquillement, penser à faire un mur sur lequel les enfants pourraient dessiner librement à la craie, mettre des photos inspirantes des grands-parents ou de Rabbanim, c’est la première chose à laquelle on doit penser avant même de chercher des objets de décoration qui vont épater la galerie !

Le texte continue en décrivant l’arche sainte, qui est au milieu du Sanctuaire, ce qui signifie que la Torah est la valeur centrale à mettre dans une maison. Comment cela se traduit-il concrètement ? Organiser chez soi un cours de Torah (ponctuellement ou de façon fixe), c’est la plus belle façon de mettre la Torah au centre de sa maison. De plus, il est important de mettre dans sa maison des livres de Torah. Pas trop difficile à trouver : les livres de Torah sont la littérature la plus abondante qui existe au monde ! Et il y en a pour tous les goûts et tous les âges, des plus érudits et plus débutants. Ce n’est pas pour rien que la Bible est le best-seller partout dans le monde, et ce, chaque année depuis 3330 ans !

Enfin, on parle des deux chérubins : ces deux statues ont le visage l’un en face de l’autre, nous dit la Torah (Panim El Panim) : les yeux dans les yeux ! Il n’y a rien qui fait “écran” entre eux lorsqu’ils sont ensemble : un message ô combien actuel ! A l’heure de la communication sans fil et des écrans en tous genres, la Torah nous met en garde, les moyens de communication sont ceux par excellence qui coupent toute communication au sein de la famille. A nous de savoir les éteindre et les mettre en sourdine lorsque nous nous trouvons chez nous afin de pouvoir passer du temps ensemble, face à face, sans aucun écran qui nous sépare.

La deuxième réponse à la question - pourquoi la Torah est-elle tellement insistante ? - est qu’Hachem veut nous dire à quel point il aime notre propre contribution. Au Mont Sinaï, nous étions des acteurs passifs. D.ieu s’est révélé à nous pour nous donner les Dix Commandements, accompagné du tonnerre et de la foudre, pendant que le peuple juif s’est arrêté pour observer et vivre cet instant magique. Pourtant, peu de temps après, c’est la chute libre : une partie de notre peuple a œuvré pour fabriquer une idole devant laquelle ils se sont prosternés, peu après avoir été témoins de miracles visibles. Nos Sages ont déjà donné certaines explications à l'origine de cet acte énigmatique, mais ce qui est sûr, c'est que la passivité totale du peuple lors de la révélation n’a certainement pas permis d’ancrer pleinement le message à l’intérieur de nous...

En revanche, le Michkan a été construit avec les possessions du peuple juif. Chacun a mis sa contribution, sans exception ! Or, bijoux, cuivre, argent… tout le monde s’est empressé de donner. Tout le monde a pris part à l'entreprise - hommes et femmes, riches et pauvres -, chacun apportant ses talents, ses ressources, et son expertise. Bien que le résultat final ne soit pas aussi “éclatant” ou “brillant” que la révélation au Mont Sinaï, il a plus de valeur aux yeux d’Hachem, précisément parce qu'il est le fruit de nos efforts. Pour Hachem, ce cadeau des Bné Israël est si extraordinaire à Ses yeux qu’il mérite qu’on y consacre 13 chapitres de notre Sainte Torah !

Dans le quotidien, on connaît également ce sentiment : préférez-vous un cadeau onéreux mais acheté à la va-vite par votre mari, ou bien un objet plus simple, mais à votre goût, et dont il aurait bien pris le soin et le temps de choisir, parce qu’il aime s’investir pour vous ? Qu’est-ce qui a un meilleur goût : une tarte réalisée par un grand chef-pâtissier ou bien un gâteau réalisé par votre enfant de 5 ans tout fier d’avoir utilisé ses “talents” de cuisinier pour faire plaisir à sa maman ? Je vous assure que le gâteau de votre enfant est celui qui aura un meilleur goût que toutes les bonnes pâtisseries du monde… (même s’il a mis la double dose de sucre, et qu'après, la cuisine est tout en désordre !)

En y consacrant tant de chapitres, la Torah nous enseigne que lorsqu'une personne apporte ses propres ressources et sa créativité, c'est durable, et surtout, c’est ce qu’Hachem attend de nous. Sachons nous investir dans la vie, et mettre à contribution nos ressources, compétences, et talents pour construire des projets qui font sens et qui auront le meilleur “goût” pour Hachem.