Il n’y a pas, dans l’intention de cette chronique, un désir d’exprimer un commentaire littéraire, ni de donner l’impression qu’une orientation politique dirige le choix des jurés du plus prestigieux des Prix, le Prix Nobel de littérature. Il n’est nullement question de soupçonner que ces jurés soient guidés par un réflexe raciste. Il est cependant permis d’exprimer sa stupéfaction face au couronnement d’une écrivaine qui n’a pas caché son « émerveillement » pour l’effondrement des « tours jumelles » de Manhattan en 2003, qui a « rasé les symboles de la puissance américaine en moins de deux heures. Le prodige de l’exploit émerveillait » (Extrait du livre « Les Années », 2008, p. 219, cité dans le Courrier des Lecteurs de l’Express n° 3722 p. 6). Une telle réaction n’étonne guère quand on sait que Jean-Luc Mélenchon a pleuré de bonheur en apprenant la consécration du Prix Nobel. Cette personnalité politique a été a l'origine de nombreuses déclarations nettement antisionistes.

Cette polémique ne mérite pas d’être prolongée, mais il y a ici, en toute hypothèse, matière à réflexion, car « l’attaque systématique d’Annie Ernaux pour tout ce qui touche à Israël » (selon Pierre Assouline, l’Express n° 3720) était connue. Ici se pose un problème : celui de la valeur littéraire. Le rôle littéraire de l’œuvre est-il un argument, est-il un critère, n’y a-t-il pas aussi un aspect social, moral, qui devrait être inclus dans l’espace littéraire ? Vieux problème sur la valeur morale de l’art, ou pièce difficile dans le domaine de l’art. Peut-il s’affranchir d’une dimension éthique ? Concernant le devenir messianique de l’Histoire, dans la perspective de l’intervention de la Transcendance dans l’aventure humaine, où peut-on situer la responsabilité de l’artiste ? Dans le domaine particulier du judaïsme, faut-il rappeler les écrits de Drumont, Maurras ou Céline (pour ne pas citer… Voltaire !) pour ne pas oublier que les Lettres françaises furent souvent entachées par un antisémitisme systématique ?

Où situer ici l’espoir messianique du peuple d’Israël ? Les ennemis furent toujours un ferment pour une avancée spirituelle. Après 'Amalek, est venue la Révélation du Sinaï ; après la destruction du Premier Temple a commencé avec Ezra la période des Sages de la Grande Assemblée, après la destruction du Second Temple commence l’aventure de la Guémara, de l’exil et la diffusion de la Torah orale dans la diaspora. De nos jours, de même, au lendemain de la Shoah, une expansion de l’étude de la Torah est visible un peu partout dans le monde ! Le NÉGATIF suscite le développement du POSITIF ; les obstacles invitent au réveil. Il ne faut jamais oublier qu’une Providence dirige le monde, quels que soient les détours de l’Histoire. Lus ainsi, quelque tragiques – ou même incompréhensibles – que soient les circonstances, les faits enseignent que « du violent peut sortir la douceur » (Juges 15, 15). Dépassons le Nobel et espérons qu’au-delà de cette circonstance, une évolution positive s’exprimera. Un regain de spiritualité doit nécessairement soutenir l’humanité après l’échec des idéologies, et la renaissance de l’étude de la Torah ne fera que se développer à notre époque. Les échecs, les reculs sont le prix à payer pour l’épanouissement messianique.