Une précédente chronique tentait de prouver que le déroulement de l’Histoire universelle est lié à une désobéissance à l’injonction divine. Or, une des conséquences les plus remarquables et les plus permanentes de l’Histoire est l’opposition fondamentale entre les nations et le peuple juif. Cette confrontation idéologique par essence, fondée sur la difficulté pour les peuples de comprendre et d’accepter l’être juif, de saisir la particularité de la Torah d’Israël, a été décrite à chaque époque et peut conduire – en cas de haine – à vouloir l’élimination du peuple juif. Généralement, l’antagonisme religieux a expliqué cette haine anti-juive en la fondant sur la racine « Sina » (haine en hébreu), proche du terme Sinaï. On explique cela ainsi, que c’est la Révélation du Sinaï qui sépare les nations du peuple d’Israël.

Les nombreux auteurs tentent de trouver une explication sociologique, quelquefois même ethnique, à l’antisémitisme. Les livres de Léon Poliakov, de Jules Isaac, écrits au lendemain de la Shoah, inscrivirent l’antisémitisme dans le cadre national ou religieux, mais sans relation avec une prophétie. Un livre paru tout récemment présente, de façon convaincante, un lien entre les textes bibliques (songe, allusion dans les versets) et la haine des Juifs. Il y a ici une présentation originale de l’antisémitisme, inédite et vraie. Il s’agit d’un livre écrit par un Talmid ‘Hakham, le Rav Sadin, en collaboration avec un journaliste non-juif, proche du judaïsme. Puisque le livre propose une lecture de l’antisémitisme, il était nécessaire qu’un non-juif soit associé à un Rav éminent, afin de fortifier cette thèse. Selon cette thèse, les textes hébraïques annoncent et expliquent l’antisémitisme (voir le livre : Antisémitisme – le Dragon à quatre têtes – par le Rav Raphaël Sadin et Antoine Mercier – Éditions du Cerf – 2022). Il ne saurait être question de résumer ici ce livre, mais il importe de découvrir l’idée essentielle exposée ici. L’antisémitisme est un élément permanent de l’histoire de l’humanité et il accompagne toutes les époques et tous les exils.

Nous l’avons déjà écrit plusieurs fois : Israël erre dans l’espace – ainsi il rencontre les 4 empires : Babylone, la Perse, la Grèce et Rome, et, à l’inverse, les peuples errent dans le temps, c’est alors leur rencontre avec le peuple juif à chaque époque. L’être juif, quel que soit le LIEU où il se trouve, témoigne de l’unité de D.ieu, de l’existence d’une transcendance active Qui le protège. L’être juif se situe AU-DELÀ du Temps, puisqu’il témoigne de l’Éternel, à travers l’espace. À l’inverse, les nations errent dans le temps, puisque les Empires apparaissent et disparaissent. Dans cette errance des nations, la rencontre avec l’être juif est inéluctable, car leur quête va dans tous les sens (double signification du mot SENS) et n’est jamais assouvie. C’est la danse des religions, des idéologies, des diverses philosophies.

L’histoire de l’humanité s’explique par cette rencontre entre deux errances, et telle est, à notre avis, la raison de l’antisémitisme. Cette rencontre est un accident permanent qui se situe PARTOUT et TOUJOURS. Les nations ne peuvent accepter cette aiguille qui brouille le mécanisme et qui donc les dérange. C’est, nous semble-t-il, la clé de l’antisémitisme, et de son apparition dans l’Histoire. Depuis 'Amalek, c’est à chaque époque, en chaque lieu, qu’apparaît cette difficile coïncidence.

Il n’est pas question, ici, de reprendre dans le cadre de cette chronique, une analyse historique des relations entre les diverses époques et la permanence de l’antisémitisme. Le terme, qui implique TEMPS et ESPACE, traduit parfaitement ce phénomène : l’éphémère rencontre l’Éternel, et cette rencontre est permanente, jusqu’au moment où cesseront ces errances, quand l’humanité, la création, rencontrera le Créateur. Un deuxième élément explique la permanence de cet affrontement difficile : il s’agit, en effet, d’une rencontre entre la pluralité et l’unité. Les 4 Empires symbolisent la pluralité de la création et le chiffre 4 – Arba' en hébreu – est de la même racine que le terme hébraïque qui exprime la multiplicité : Rabim. Les 4 Empires symbolisent la multiplicité de la création, face à l’unité d’Israël, reflet de l’unité divine. L’opposition des 4 Empires – représentée par un dragon à 4 têtes – représente, donc, la différence essentielle entre l’unicité divine et la pluralité du créé. C’est ici aussi une raison du conflit, d’une incompréhension qui marque le développement des évènements historiques, et nourrit donc l’antisémitisme. D’ailleurs, dans le peuple juif même, les tentatives d’assimilation, ou de réforme de la religion, traduisent bien le désir de ne pas paraître différents et de se fondre dans le multiple. C’est le choix de ceux, parmi les Juifs, qui veulent dissimuler leur origine. Le chiffre quatre évoque le pluriel et traduit bien le complexe que ressentent les Juifs qui refusent d’être un peuple singulier, en voulant appartenir au grand nombre.

Donc, double confrontation entre les Juifs et les nations : entre le permanent et l’éphémère, entre le singulier et le pluriel. Ce n’est guère original, c’est un problème vieux comme l’Histoire de l’humanité. Le livre mentionné précédemment présente de façon inédite le lien entre la permanence de l’antisémitisme et les prophéties, et c’est très utile aujourd’hui, alors que ce phénomène réapparaît avec intensité à droite comme à gauche de l’échiquier politique. Il nous reste à souhaiter que se réalise bientôt la prophétie de Tséfania : « En ce temps-là, Je vous rassemblerai et Je ferai éclater votre renommée et votre gloire parmi tous les peuples de la terre, en ramenant vos captifs sous vos propres yeux, dit l’Éternel » (Tséfania 3, 20).