La Torah, à travers ses lois et les messages moraux qu’elle diffuse, a un but précis : nous faire vivre bien et juste. À prendre ou à laisser. Personne n’est obligé de prendre. C’est là tout le défi de l’aventure humaine.

Le grand Kabbaliste italien du 18ème siècle Rav Moché Haïm Luzzatto, dans son chef d’œuvre, le Messilat Yécharim, résume en une phrase la raison de notre présence sur terre : « l’homme n’a été créé que pour jouir de la lumière de la Providence divine ici-bas, et c’est là le plaisir ultime et le raffinement le plus sublime qu’un individu puisse expérimenter ».

Un Rebbe 'Hassidique disait que s'il voulait rapprocher les Juifs de la Torah, c’était tout d’abord pour qu’ils puissent vivre intensément sur cette terre, bien avant de souhaiter leur faire hériter des délices du monde futur. Car dans le judaïsme, c’est bien ici que ça se passe, et le dénouement aura lieu dans ce bas monde, avec la résurrection des morts, et le retour à notre enveloppe corporelle, devenue alors parfaite mais bien matérielle. 

Pour effectuer ce grand périple qui s’appelle notre “passage sur terre”, D.ieu ne nous a pas abandonnés, car sans carte de route, le voyage aurait été trop difficile. Le Saint-Béni-Soit-Il nous a transmis Sa Volonté en un vocable clair, retranscrit sur un parchemin par Moïse au Mont Sinaï et donné au peuple hébreu. Ce mode d’emploi du ”bien vivre ici”, inaltérable, immuable, est la clef d’un vécu serein, sain et épanouissant, à tous les niveaux : socialement, conjugalement, familialement, géopolitiquement et même militairement, avec nos voisins. Mais le grand perturbateur, le Yétzer Hara', la touche de génie de la création, qui nous permet de glaner la récompense de nos efforts, va nous mettre au défi, semer la confusion et nous faire douter, interpréter, extrapoler, adapter, rogner les paroles du Texte saint pour nous empêcher à tout prix de pénétrer ce paradis terrestre qu’est l’harmonie entre créature et Créateur. C’est la règle du jeu. Start !

Une Knesset avec Minyan

L’événement de cette dernière semaine, c’est bien sûr en Israël la formation du nouveau gouvernement. Non, je ne dis pas que nous sommes arrivés à l’harmonie et à la fin des temps. Mais…

Pour la première fois dans l’histoire de la Knesset, la majorité des membres de la coalition portent une Kippa, et on peut dire que même ceux qui ne la portent pas sont attachés à la tradition juive. Il ne sera pas difficile de trouver Minyan pour Min’ha après les débats entre ministres et députés. En tous les cas, si la définition de la démocratie est celle d’un système politique reflétant la volonté du peuple, la volonté du peuple est ici on ne peut plus claire.

Le bloc laïc lui, n'acceptant que sa propre définition de la démocratie – c'est-à-dire n’est démocrate que celui qui est progressiste, libéral, souvent anti-religieux, et surtout qui pense comme lui – ne peut encaisser ce knock out. Ce courant, omniprésent dans les médias, ne cesse depuis la création de l'État hébreu, de revendiquer un Israël membre de la grande famille des peuples, semblable à eux en tout et souhaitant s’y fondre. Tout ce qui n’entre pas dans ce « narratif » tient de l’obscurantisme et du fanatisme, et malheureusement, la seule mention des mots « pratique », « judaïsme », « valeurs ancestrales » les indispose. Il est évident que pour eux, la formation du nouveau gouvernement est une catastrophe nationale. Aucun argument qui pourrait adoucir leur rancœur n’est acceptable, même chiffres à l’appui : à savoir que 95 % des élus du parti religieux séfarade Chass ont servi à l'armée – et même dans des unités de combat –, et que le monde des Avréhim, des étudiants en Torah à plein temps, est une minorité dans le monde orthodoxe. Tout le reste travaille ! 

soldat à la radio

 

religieux 'harédim dans le commerce

On dirait que l’intelligentsia éclairée a besoin de ce mythe du religieux parasite et « planqué » pour faire exister sa supériorité.

Dans cette mêlée, beaucoup d'Israéliens arrivent tout de même à extraire le vrai du faux, et à se réjouir que peut-être enfin, leurs enfants vont apprendre à l’école primaire, qui est Moché, et comment on prononce le Chéma' Israël. Chose impensable dans les programmes scolaires du gouvernement sortant, qui préparait une réforme visant à évincer du baccalauréat des branches comme l’étude du Tanakh (5 livres de la Torah, Prophètes, Écrits), l’Histoire juive et tout ce qui constitue le patrimoine de notre peuple, que le monde entier nous envie soit dit en passant.  

Un laïc paye 6 fois plus d’impôts !! 

Les médias ne cachent plus leur dépit face au renversement de situation, et pronostiquent déjà des mésententes entre les membres de la coalition, souhaitant et prédisant sa chute imminente. Leurs oracles ricanent lorsque le nouveau ministre du Trésor, Betzalel Smotrich, « ose » dire que la Brakha économique vient aussi du Ciel (« on ne va pas aller loin avec ça… ») et mettent en garde le "naïf" citoyen israélien contre ce qui l’attend : bientôt le port du couvre-chef obligatoire pour toutes les femmes, l’interdiction de voyager Chabbath en voiture. Les ultra- (quelle particule savamment choisie) orthodoxes-talibanisés vont prendre le gouvernail…

Tout est permis, même d’utiliser les stigmates antisémites du religieux en chapeau et barbe qui n’aime que l’argent, et pèse sur le pauvre contribuable. Voici comment Haaretz, « le journal des gens qui pensent » décrit la situation… À lire de droite à gauche :

caricature anti-religieuse

D’autres caricatures font carrément froid dans le dos.

caricature anti-religieuse

Le journal « Kalkalist » se joint aux festivités et titre en gros ce mardi 3 janvier : un laïc paye 6 fois plus d’impôts qu’un orthodoxe !! 

« Bien sûr, quand on gagne 6 fois plus !! Toutes les données sont tronquées », répond le rédacteur du magazine Michpa’ha, Arié Ehrlich. « Si ce n’était pas aussi pernicieux, c’en aurait été comique ! Tout citoyen israélien paye selon ses revenus, il n’y a pas de réduction pour qui que ce soit, et bien sûr pas pour les religieux, c’est du délire », souligne le journaliste Avi Ravina.

Première de journal israélien

En ce qui concerne l’appétit insatiable des partis religieux qui « tètent sans répit et sans vergogne la vache à lait israélienne », les 53 milliards de shekels que le gouvernement précédent avait généreusement concédés aux partis arabes fraîchement entrés dans la coalition, n’avaient pas soulevé le moindre émoi chez ces belles âmes… Et là, pas de caricature dans les journaux !

Le clan des éclairés, consterné devant un gouvernement qui désire mettre un peu plus en avant l’identité juive du pays, propose de prendre ses valises et de s’enfuir sous d’autres auspices, vraiment démocratiques celles-là. Sionistes jusqu’au bout des ongles ! 

Lorsque Avigdor Lieberman, ministre du Trésor sortant, imposait sans merci ses décrets sur le public pratiquant, aucune voix chez les religieux ne s’est levée pour quitter le pays. 

Un État d’Israël et un État de Juda

Ben Caspit, le journaliste-rédacteur vedette du quotidien Maariv, a lui une solution originale, pour une situation dorénavant ingérable à ses yeux. Aux grands maux, grands moyens : il propose le partage du pays en deux secteurs, État d’Israël et État de Juda. Chaque partie devra fournir un quota de militaires pour une défense nationale commune ; à part ça, tout sera divisé : deux systèmes éducatifs, deux réseaux de circulation, l’un respectant le Chabbath, l’autre non, deux filières de mariages … On scinde tout.

Alors que la mode est au village global, à l'effacement des genres et des frontières, le laïc pur et dur, celui qui préconise l’ouverture d’esprit, la liberté d’expression et la cohabitation des différences, révèle soudain son vrai visage : celui d’une intolérance épidermique à tout ce qui ne lui ressemble pas. 

Ce même Caspit prétend que la pérennité du peuple juif passe et a toujours passé par nos grands hommes laïcs : Einstein en tête. Quelle pauvre lecture de notre histoire : la laïcité juive a en effet donné au monde de grands personnages, mais ils ne furent certainement pas les garants de la continuité du peuple élu. Il est grand temps de faire entrer sérieusement dans les programmes scolaires les Chroniques de l’histoire d'Israël, ne serait-ce que pour les petits-enfants de Ben Caspit.

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L’harmonie finale n’est pas encore là. Le Yetser Hara' travaille des heures supplémentaires pour empêcher le peuple juif de marcher enfin uni, vers l’Uni. Mais le choix des habitants de Sion de revenir aujourd’hui dans leur grande majorité vers patrimoine, valeurs et tradition, semble être un premier indice de fatigue chez le mauvais penchant, qui préconise discorde, scission et refus de son identité propre.  

C’est de Sion que sortira la Torah, “Mi Tzion tetzé Torah” nous promet Isaïe.

Et qui peut douter de la parole du Prophète !

Amen, Békarov.