La paracha 'Hayé Sarah nous dit : « La vie de Sarah fut de cent ans, vingt ans et sept ans ; ce sont les années de la vie de Sarah. » (Béréchit, 23:1)

Rachi explique que les années de sa vie étaient toutes bonnes, uniformément ; « Toutes s’équivalaient en bien ».

La Paracha commence par un récit assez direct de la durée de vie de Sarah Iménou – 127 ans. Rachi précise que toutes ses années furent utilisées de manière productive. Un Midrach intéressant détaille la signification l’âge de Sarah. Il nous raconte que lors d’un cours que donnait Rabbi Akiva, ce dernier remarqua que l’assemblée s’endormait. Il tenta de l’éveiller en changeant soudainement de sujet. Il demanda : « Pourquoi Esther mérita-t-elle de régner sur 127 provinces ?[1] Par le mérite de son ancêtre Sarah, qui vécut 127 ans.[2] »

Les commentateurs se demandent pourquoi Rabbi Akiva enseigna précisément cette leçon. Le ’Hidouché Harim explique qu’il était venu souligner que pour chaque année où Sarah avait servi Hachem de manière parfaite, sa descendante Esther fut digne de régner sur une province[3]. Il ajoute que chaque jour donnait du mérite pour une ville et que chaque heure valait un quartier.

Rabbi Akiva montrait l’importance d’« optimiser » le temps dont on dispose. Si la vie de Sarah fut d’un tel profit pour son arrière-arrière-petite-fille, comment est-il possible de somnoler pendant un cours de Torah ? Tel était le message de Rabbi Akiva – il voulait imprégner son audience de l’importance de chaque moment consacré à l’étude de la Torah et au service d’Hachem ; on ne peut imaginer l’incroyable récompense qui attend la personne (et sa descendance) pour chacun de ses instants.[4]

Par la suite, la Paracha met encore en relief cette idée. La Torah nous informe de la longévité d’Avraham Avinou : « Et Avraham était âgé, il allait dans les jours. »[5] Que signifie cette expression, « Ba Bayamim » ? Le Anaf Yossef explique, au nom du Zohar, que quand une personne vertueuse arrive au Monde Futur, chacun de ses jours l’accompagne fièrement à son Jugement Céleste – chaque journée se présente devant D.ieu pour être évaluée et pour montrer à quel point son pieux possesseur l’utilisa correctement, en quête de Torah et de spiritualité. Ainsi, à la fin de sa vie longue et productive, l’illustre Avraham arriva devant le Tribunal Céleste avec tous ses jours, littéralement. Le Zohar affirme ensuite que les jours d’une personne mauvaise ne « viennent » pas avec elle à son jugement, mais ils tentent, au contraire, de se cacher pour éviter l’examen Divin rigoureux.[6]

Ces deux explications de ’Hazal sur la Paracha nous rappellent la valeur incommensurable du temps. Rav ’Haïm Pin’has Scheinberg zatsal, dans l’un de ses discours à la Yéchiva Torah Or, en souligna l’importance. Il raconta que le ’Hafets ’Haïm faisait le point sur son programme journalier et se demandait comment il avait rempli sa journée. S’il réalisait qu’il ne pouvait rendre compte de quelques minutes, il pleurait amèrement.

Plus récemment, Rav Scheinberg était lui-même considéré comme le ’Hafets ’Haïm de notre génération[7].

Plusieurs histoires concernant Rav Scheinberg montrent comment il personnifiait la « maximisation » de chaque instant. Rav Yéhiel Spero chlita raconte que malgré son assiduité exceptionnelle, Rav Scheinberg faisait attention de ne pas étudier lors de la répétition de la Amida, comme le régit la Halakha (loi juive). En revanche, il estimait qu’il est permis d’étudier pendant que l’assemblée répond à la Kédoucha de Chabbat – quand il officiait, il gardait un Séfer (livre d’étude) à proximité pour pouvoir étudier durant ces laps de temps. Quelle était leur durée ? Dix secondes ! Comme le précisa Rav Spero : « La vie de Rav Scheinberg était pleine de ce genre de "dix secondes". Il exploitait chaque instant de la journée où il pouvait étudier. Il vécut plus de cent ans, chaque "dix secondes" lui étaient précieuses. »

Cette qualité n’est pas réservée à l’étude de la Torah. Chaque domaine de la vie doit être utilisé de cette manière, que ce soit pour l’étude, la vie de famille, le repos, le repas, etc.

Dans le même ordre d’idées, on raconte que le ’Hazon Ich faisait chaque jour une promenade avec l’un de ses disciples. Le jour de Kippour, il se prépara à sa marche quotidienne, à la grande surprise de l’élève. Il expliqua que si telle était l’utilisation optimale de son temps, un jour ordinaire, cela ne faisait pas de différence à Kippour ! Le ’Hazon Ich montrait par-là que chaque action que l’on entreprend, même si elle paraît mondaine, doit constituer la meilleure utilisation de son temps.

Pour résumer, nous avons vu comment Avraham et Sarah exploitèrent au mieux chaque instant de leur vie et comment les Guédolim valorisaient le temps. Bien entendu, le niveau qu’ils ont atteint est bien au-delà du nôtre, mais ils nous rappellent d’y attacher une grande valeur et d’essayer d’éviter de perdre son temps à des activités (ou de l’inactivité !) qui n’ont pas de place dans notre Avodat Hachem.



[1] Ceci se produisit quand elle se maria avec A’hachvéroch et devint la reine de son royaume composé de 127 provinces.

[2] Béréchit Rabba, 58:3.

[3] Voir Béréchit Rabba, 58:1.

[4] Rapporté dans le Pné Ména’hem, éditions Kleinman, Lekh-Lékha – Toldot, p. 2. Rapporté également par Rav Daniel Fine et Rav Moché Kormornik.

[5] Béréchit, 24:1.

[6] Anaf Yossef, Béréchit Rabba, 59:6, rapporté dans Midrach Rabba, éditions Kleinman, Lekh-Lékha – Toldot, p. 13.

[7] Rav Scheinberg, Rav Israël Spero, p. 197-198.