La rencontre entre Yaakov et Esav est restée très célèbre, et elle peut être l’occasion de réfléchir à la confrontation au « mal », sous l’angle de la responsabilité des parents vis-à-vis de ses enfants.

Il est intéressant de constater que Yaakov ne cherche pas à fuir la rencontre avec son frère Esav, bien qu’il n’ignore pas la haine qu’il continue à lui vouer. Il redoute cette rencontre mais il s’y prépare et il organise sa famille en conséquence. 

Or, cette approche est très intéressante car elle témoigne notamment de la qualité incarnée par Yaakov qualifiée de « Tiferet » qui peut être traduite par « Harmonie » et qui évoque notamment sa capacité à faire la synthèse entre le « ‘hessed » la « bonté » (qualité essentielle d’Avraham avinou) et la « gevoura » la « sévérité » (qualité principale de Itshak Avinou). 

Comme l’explique notamment le Maharal de Prague, Yaakov avinou représente un « moyen terme », une forme d’équilibre entre les qualités de ses pères, ou encore de « modus vivandi » qui lui permet de rester fidèle à ses valeurs et à son intégrité, il est l’homme du « Emet », de la « vérité » tout en se coltinant à ce que le monde peut avoir de difficile, d’obscure, de malhonnête (incarnés par Lavan et Esav notamment).

Contrairement à sa jeunesse où il était seul face à son frère, Yaakov est à présent entouré de sa famille, et il doit la préparer elle-aussi à cette rencontre. Et la Torah nous livre à cette occasion probablement une leçon d’une actualité éternelle : comment affronter l’adversité ?

Il serait probablement naïf de penser épargner les enfants de telles situations et ce ne serait pas probablement pas leur rendre service que de les faire grandir dans un monde illusoire ; mais, pour autant, il serait tout aussi contre-productif que de les faire grandir dans une vision pessimiste et désespérante de la nature humaine.

Notre tradition nous indique que Yaakov s’est préparé à cette rencontre de trois manières : par la prière, par l’apaisement (les cadeaux), par la préparation au combat. Ainsi, Yaakov a initité, à travers son exemple, les différents chemins qu’un homme peut emprunter pour affronter les difficultés. Il leur a tout d’abord rappelé l’importance de la Tefila, de la prière, du lien avec Hashem qui est fondamental. Mais il leur a également rappelé la nécessité d’agir concrètement dans ce monde, de faire sa « hishtadlout », sa part d’efforts matériel pour essayer de résoudre les difficultés sans s’en remettre exclusivement à la providence divine (les cadeaux d’une part, la préparation au combat d’autre part).

A travers cette préparation, Yaakov a témoigné qu’il n’était à aucun moment désespéré, et sa crainte était toujours tempérée par sa conviction que finalement t »out ce que l’Eternel comporte une dimension positive », même si cela peut parfois échapper à l’entendement humain.

R.A Twerski (Positive Parenting, avec U. Shwartz) rapporte ainsi une histoire que son père lui racontait au nom du Maggid de Mezeritch. Un homme est venu lui demander une fois pourquoi il fallait remercier D.ieu à la fois pour les bonnes et les mauvaises choses qui arrivent. Le Maggid lui recommanda d’aller poser la question à son disciple : Reb Zusha. Ce dernier lui répondit pourtant « Je ne suis pas la bonne personne pour te répondre car il ne m’est jamais rien arrivé de mal ». Observant l’extrême pauvreté dans laquelle vivait Reb Zusha, notre homme tenait sa réponse. Il existe des perspectives, sans arriver au niveau de Rab Zusha, qui permettent d’appréhender dans un même mouvement la bonté et la sévérité et qui permettent de faire cohabiter des extrêmes.

Le Rambam fait précisément l’éloge de l’homme vertueux, celui qui arrive à trouver le point d’équilibre entre des vertus opposées et qui se garde de verser dans les extrêmes.

L’enfance est précisément un âge propice aux émotions extrêmes, et où le cerveau, en formation, ne parvient pas toujours à prendre le recul nécessaire pour tempérer les émotions ressenties spontanément. Cet apprentissage progressif qui se conquiert souvent (mais pas toujours !) avec la maturité peut être utilement accompagné par l’exemple offert par les parents. Ces derniers ont ainsi vocation à donner l’exemple d’une capacité à appréhender des situations parfois complexes (où se mêlent du bien et du mal) et à les affronter en restant fidèle à leurs valeurs et à leurs convictions.

Forts de cet exemple, les enfants seront ainsi armés plus tard pour savoir faire par eux-mêmes le tri parmi les influences qu’ils recevront de l’extérieur afin de ne conserver que ce qui peut les faire grandir et les élever spirituellement et diffuser autour d’eux leur lumière.

Puisse l’Eternel nous permettre de donner cet exemple à nos enfants et permettre à chacun de diffuser sa lumière dans le monde !