La Paracha de cette semaine, Béchala'h, commence par nous décrire la sortie d’Égypte par le peuple juif. Quand celui-ci se retrouva soudain bloqué par la Mer des Joncs et poursuivi par l’armée égyptienne, il invoqua Hachem, puis entra dans l’eau. C’est à ce moment que le miracle de l’ouverture de la mer se produisit. Après la traversée, les Bné Israël assistèrent à la destruction finale des soldats de Pharaon. La Torah nous dit alors : « En ce jour, Hachem délivra Israël de la main de l’Égypte ; Israël vit les Égyptiens morts sur le rivage de la mer. »[1]

Le Ibn Ezra souligne que ce n’est qu’à partir de ce jour que les Juifs furent réellement libérés de l’emprise des Égyptiens. Il explique que même après la sortie d’Égypte, ils éprouvaient encore une grande peur de Pharaon et ne se débarrassèrent de son joug que quand ils virent l’élimination totale de l’armée égyptienne dans la mer.[2]

La description que nous fait la Haggada de Pessa’h de la domination des Égyptiens nous enseigne une leçon similaire à celle du Ibn Ezra. On y lit : « Nous étions esclaves de Pharaon en Égypte ; Hachem notre D.ieu nous fit sortir avec une main puissante. Et si Hakadoch Baroukh Hou n’avait pas fait sortir nos pères d’Égypte, nous, nos enfants et nos petits-enfants auraient encore été asservis à Pharaon en Égypte. »[3]

Il parait difficilement concevable que l’esclavage égyptien ait perduré si l’Exode n’avait pas eu lieu ! En effet, l’Empire égyptien s’est effondré il y a des millénaires ! Selon l’une des réponses proposées, la Haggada ne fait pas référence à un asservissement effectif, mais plutôt au fait que l’on aurait encore été psychologiquement assujetti à Pharaon et à son peuple. Nous aurions été physiquement libres, mais nous n’aurions jamais vaincu l’Égypte.

Cette explication nous aide à relever les défis que nous devons affronter de nos jours. Comment faire face aux forces négatives qui ont tant d’emprise ; que ce soit les gens qui nous dirigent de manière malsaine, les addictions destructrices et tous les plaisirs proposés par le Yétser Hara ? On apprend de l’Exode d’Égypte qu’il y a deux étapes dans la libération d’une influence négative. Tout d’abord, il faut s’éloigner de la chose mauvaise elle-même, à l’instar du peuple juif qui quitta l’Égypte. Puis, il faut surmonter ou éliminer cette source de mal – ce qui se produisit lors de la noyade de l’armée égyptienne. La première phase est certes essentielle, elle ne suffit pas pour être appelé « libre ». Ainsi, ce n’est que lorsque les Juifs virent les Égyptiens anéantis qu’ils purent se dégager totalement de l’esclavage.

Deux enseignements-clés peuvent être tirés de ce développement. Premièrement, nous devons savoir quelle étape de libération nous avons atteinte. Il est très important de savoir si nous avons éliminé totalement l’influence du mal en question, ou si nous nous en sommes uniquement éloignés. Prenons l’exemple de la cigarette. Certaines personnes qui ont cessé de fumer depuis des années se disent encore « fumeurs » pour se souvenir qu’ils risquent toujours de retomber dans l’addiction à la nicotine. Elles évitent donc prudemment de fumer, ne serait-ce qu’une seule cigarette. Si elles estimaient avoir terminé avec cette ancienne habitude, elles risqueraient de penser qu’elles peuvent en reprendre une seule, sans pour autant redevenir dépendantes. Or, cette « innocente » cigarette est souvent celle qui les fait retomber dans cette dangereuse accoutumance.

La deuxième leçon, plus difficile à mettre en application est d’essayer d’atteindre la deuxième étape ; celle de vaincre son asservissement au mal au point de s’en affranchir entièrement.

Comment parvenir à mettre ces enseignements en application aujourd’hui ? Comment vaincre totalement les forces qui nous poussent tant vers le mal ?

Comme l’a souligné le Ibn Ezra, le peuple juif ne détruisit pas l’armée égyptienne ; c’est Hachem qui s’en chargea. Cela nous montre que le fait d’éliminer complètement le Yétser Hara est au-delà de notre capacité humaine, comme l’affirment ’Hazal : « Le penchant de l’homme tente de le vaincre et de l’anéantir chaque jour… et si ce n’était l’aide d’Hachem, il n’aurait pas pu lui faire face. »[4] C'est pourquoi il est primordial de se tourner vers Hachem et d’invoquer la guidance divine pour affronter toute force maléfique.

Et nous voyons également de l’épisode de l’ouverture de la mer des Joncs qu’il ne suffit pas de se fier à Hachem sans rien faire. Effectivement, quand Moché supplia Hachem de les aider, D.ieu lui dit d’arrêter de prier et d’ordonner au peuple d’entrer dans l’eau. Ce n’est que lorsqu’il fit ces fameux pas dans la mer que celle-ci se fendit[5]. Il est donc certes impossible de vaincre son Yétser Hara sans l’aide d’Hachem, mais il nous faut tout de même montrer que nous sommes prêts à fournir des efforts. C’est alors qu’Hachem « prend la relève » et nous sauve.

Puissions-nous tous mériter d’émuler les Juifs devant la Mer des Joncs et de nous libérer complètement des éléments qui nous freinent dans notre service divin et qui nous empêchent de réaliser notre plein potentiel.



[1] Chémot, 14:30.

[2] Ibn Ezra, Chémot, 14:30.

[3] Haggada de Pessa’h.

[4] Kidouchin, 30b.

[5] Chémot, 14:15.