Dans son livre Altneuland (Terre Ancienne, Terre Nouvelle), traduit en français par le poète Edmond Fleg, Herzl rêve d’une société idéale, basée en Palestine, acceptée par tous – le monde, comme les voisins arables, heureux de voir le développement effectué par les Juifs – et surtout reconnue par les nations. Au début de son livre, il présente un jeune garçon, idéaliste, qui dit à ses parents : « Notre vieux D.ieu existe toujours », et il termine son livre par l’énumération des différents éléments qui sont à la source de cette nouvelle société idéale : la solidarité, les développements de la science, les progrès techniques, et un vieux rabbin dit le mot final du livre : « D.ieu est à la source de cette nouvelle société ».

Ce que l’on veut démontrer ici, c’est que « croire en D.ieu » SANS l’observance de la Torah est un « corps sans âme ». Il s’agit, aujourd’hui, de faire le bilan de l’entreprise de Herzl. Dans le domaine historique, il a cru que rassembler le peuple juif « n’importe où » suffirait à réunir le peuple. Il avait proposé l’Ouganda, terre africaine. Tous – religieux comme non religieux – lui ont fait remarquer que seule la Terre sainte attirerait les Juifs. Dans Altneuland, il n’évoque plus du tout cette hypothèse. Deuxième échec, bien plus grave, il était persuadé que les nations aimeraient le peuple juif s’il avait un foyer national. Écœuré par l’attitude des Français qui ont condamné un innocent simplement parce qu’il était juif, il était persuadé que les Juifs, rassemblés sur leur terre, seraient aimés des peuples de la terre. L’échec de cet espoir est aujourd’hui plus patent que l’autre échec. Il est indiscutable qu’Israël est, aujourd’hui, l’Etat le plus haï de tous les peuples. Vaincu – après la Shoah – on avait encore pitié de ces millions de Juifs gazés dans les camps hitlériens. Vainqueurs, on les déteste, et on leur reproche d’exister. L’antisémitisme n’a fait que s’étendre ces dernières années. Des attentats antisémites sont de plus en plus nombreux. Les campus américains sont submergés d’actes antisémites. Certes, c’est l’échec le plus évident de l’utopie herzlienne.

Mais il y a malheureusement un autre grave échec, triste et difficile à comprendre : la haine intérieure dans le peuple d’Israël, entre la droite et la gauche. Le peuple est divisé comme il ne l’a jamais été. À l’époque des guerres précédentes, l’opposition et la majorité faisaient un front uni contre l’adversaire. Echkol, premier ministre, avait fait entrer Begin, chef de l’opposition, dans son cabinet. Le peuple était uni derrière le gouvernement, alors qu’aujourd’hui, la gauche n’a qu’un but : faire tomber Netanyahou. C’est pour la gauche un objectif plus important que la guerre avec les Arabes. On est même amené à salir l’armée israélienne, en inventant des mensonges, que l’on publie à l’étranger. La haine intérieure a pris des proportions inquiétantes. Les juges attaquent la majorité qui soutient Netanyahou. À cela s’ajoutent, bien sûr, les attaques contre les étudiants en Yéchiva. On a pu dire que de La Haye à Jérusalem, la haine est semblable. Où est la « nouvelle société » utopique de Herzl ?

Nos Sages disent que le monde est basé sur trois piliers : la Torah (étude et observance), la 'Avoda (culte, c’est-à-dire la prière) et GuemiloutHassadim (amour du prochain) (Pirké Avot 1, 1). La seule société qui peut être idéale sera celle qui est fondée sur des bases divines. Les exigences de l’homme – fondées sur l’orgueil, la jalousie, détruisent cette harmonie. On ne peut qu’être attristé en voyant les déchirures actuelles. L’Eternel est Un pour un peuple qui veut être Un. Israël a assurément un rôle dans l’Histoire et Herzl avait ressenti cette dimension au procès Dreyfus, mais il n’a pas fondé son idéalisme sur des bases transcendantes. Ses enfants n'ont pas du tout suivi la voie de leur père qui était un utopiste, espérant créer une nouvelle société. C’était ce que redoutaient les Grands de l’époque, comme le ‘Hafets ‘Haïm et le Admour de Gour : vivre en Erets Israël est, certes, un atout religieux, avec les Mitsvot spéciales pour Erets Israël. Le Yavetz (19e siècle) a écrit dans l’Introduction à son Sidour (livre de prières) qu’il ne comprend pas pourquoi on ne fait pas un effort – par la route, par la mer – pour vivre sur cette terre. Mais cela crée une obligation : obéir au D.ieu Qui a donné cette terre au peuple d’Israël. Le Gaon de Vilna, le Ba'al Chem Tov, avaient l’intention de vivre en Erets Israël.

Les aspirations de sauvetage pour le peuple juif étaient bien intentionnées, mais n’ont de sens que si elles sont fondées sur la permanence de la foi en un Créateur et en Sa Torah…