C’est dans la paracha Vaéra que se trouvent les sept premières plaies qui frappèrent les Égyptiens, outre les trois dernières relatées dans la paracha Bo.

De toute évidence, ces dix plaies – à savoir le sang, les grenouilles, la vermine, les bêtes sauvages, la peste, les pustules, la grêle, les sauterelles, l’obscurité, et la mort des premiers-nés – ne sont pas fortuites. Outre leur caractère punitif, il ne faut pas non plus négliger le fait que ces fléaux se déclarèrent également « afin que tu saches que nul ne M’égale sur la terre », (Chémot, 9, 14). De ce fait, chacun d’eux symbolisent une valeur particulière par laquelle D.ieu voulut Se manifester aux yeux du peuple égyptien afin qu’il sache – lui et la terre entière ! – que toutes ces catastrophes n’avaient rien de « naturel »…

 

Par ailleurs, le Midrach évoque à plusieurs reprises ces dix plaies sous la forme d’un acronyme : « Datsakh Adach Béa’hav » – qui apparaissait notamment sur le bâton de Moché (voir Chémot Rabba au chapitre 8 et dans la Haggada de Pessa’h au nom de rabbi Yéhouda), ces trois mots étant composés de la première lettre de chacune des dix plaies. Or comme le notent de nombreux commentateurs (notamment le Alchikh et le Akédat Its’hak), cet acronyme a assurément une signification, et si les dix plaies sont partagées de la sorte en trois groupes – composés de trois fléaux pour les deux premiers et de quatre pour le dernier –, ce n’est certainement pas en vain.

« Afin que tu saches… »

Comme nous l’avons dit, les plaies n’étaient pas uniquement destinées à exercer une « pression » sur Pharaon afin de l’inciter à laisser partir les Hébreux. Elles ne se résumaient pas non plus à une punition destinée à châtier les Egyptiens pour leur cruauté envers les enfants d’Israël. En réalité, c’est avec ces plaies que se forgèrent les grands principes de la émouna (la confiance absolue en D.ieu), dont le but était à la fois de prouver aux yeux du monde l’absolue suprématie du Créateur dans notre monde, mais aussi d’écraser l’ego démesuré du plus puissant monarque de cette époque. 

Dans cette optique, l’Alchikh haKaddoch (tout au long de la paracha et plus particulièrement au chapitre 7, 16) explique que la répartition des plaies en trois groupes est le reflet direct des fondements élémentaires de la foi dont elles firent la démonstration aux yeux du monde. 

Le premier groupe – qui englobe le sang, les grenouilles et la vermine – apporta la preuve du principe élémentaire de l’existence même du Créateur que Pharaon avait ostenciblement contesté en s’exclamant : « Qui est donc l’Éternel à Qui je devrais obéir ? », (Chémot, 5, 2). C’est la raison pour laquelle nous trouvons, en préambule à ces trois plaies, un avertissement énonçant clairement ce principe : « Afin que tu saches que Je suis l’Éternel », (Chémot, 7, 17). 

Ce sont donc bien ces trois plaies qui révélèrent de manière incontestable l’existence d’un Créateur unique et qui acculèrent les mages égyptiens à devoir avouer au vu de la vermine : « C’est le doigt de l’Éternel ! », (8, 15). A cette fin, D.ieu frappa l’eau – qui devint du sang et d’où sortirent ensuite les grenouilles – et la terre – qui se changea en vermine – afin de démontrer que même les matières élémentaires qui composent tout être créé se trouvent sous Sa domination absolue.
Le second groupe de plaie – appelé « Adach » – fit pour sa part la démonstration de la primauté du peuple d’Israël aux yeux du Créateur. C’est pourquoi on trouve également pour la première de ces trois plaies – à savoir les bêtes sauvages – une formulation particulière de mise en garde : « Afin que tu saches que Moi, l’Éternel, Je suis présent au sein de la terre », (8, 18). Et du fait de cette omniprésence, D.ieu administre le monde en fonction de Son bon vouloir et Il opère une nette distinction entre Son peuple et le restant des nations du monde… 

Voilà pourquoi une autre précision apparaît dans l’avertissement préalable à ces plaies (hormis celle des pustules pour laquelle aucune mise en garde ne fut formulée) : « En cette occurrence, Je distinguerai le pays de Gochen où réside Mon peuple » pour les bêtes sauvages, et « L’Éternel distinguera entre le bétail d’Israël et le bétail de l’Égypte » pour la peste. 

Ainsi, si Israël mérita sa délivrance par un « traitement de faveur » et au moyen de prodiges aussi formidables, c’est bien parce que nul pouvoir au monde ne peut échapper à la Volonté divine. Avec ces trois plaies fut démontré et prouvé le caractère exceptionnel du peuple d’Israël à trois niveaux : leur territoire fut épargné étant donné que les bêtes sauvages n’y pénétrèrent pas ; leur bétail le fut tout autant puisque la peste ne le frappa pas, et enfin leurs propres corps furent privilégiés car les pustules ne les assaillirent pas ! 

Une fois ces principes établis, débuta l’ordre des quatre dernières plaies – la grêle, les sauterelles, l’obscurité et la mort des premiers-nés – grâce auxquelles l’Égypte antique finit par modifier totalement sa propre vision du monde… En effet, à partir de ce moment, Pharaon découvrit à ses dépends que bien que D.ieu ait désigné le peuple hébreu pour Son service, il n’en reste pas moins qu’Il conserve toute Son autorité sur le restant du monde et que tous les autres peuples sont bel et bien tenus de Lui obéir !

Voilà pourquoi il fut annoncé à Pharaon, avant que cette troisième division de plaies ne débute : « Pour le coup, Je vais déchaîner tous Mes fléaux contre toi-même, contre tes serviteurs et contre ton peuple, afin que tu saches que nul ne M’égale sur toute la terre ! », (9, 14). Après la première de ces dernières plaies, à savoir la grêle, la leçon fut à nouveau administée en ces termes à Pharaon : « Jusqu’à quand refuseras-tu de fléchir devant Moi… ? », (10, 3) – car nul ne peut se soustraire à la Volonté divine, dût-il faire partie d’un peuple censé ne pas Le servir...

Pour démontrer l’emprise du Créateur sur le monde, même après la désignation spécifique des Hébreux, les quatre dernières plaies s’en prirent donc précisément aux êtres humains : la grêle frappa « tout ce qui était dans les champs, depuis l’homme jusqu’à la bête », les sauterelles « détruisirent toutes les ressources », l’obscurité emprisonna les Égyptiens, les privant de tout mouvement, et enfin, la mort des premiers-nés dépouilla l’Égypte de ses hommes les plus valeureux...
Dix plaies pour dix paroles !

Dans son ouvrage intitulé « Gvourot Hachem » rapporté dans la « Haggada chel Pessa’h », le Maharal de Prague éclaircit également cette répartition des plaies : au fil de son commentaire, il montre ainsi comment chacune des dix plaies d’Egypte correspondait en fait à l’une des « Dix Paroles par lesquelles le monde fut créé » (Maxime des Pères, chapitre 5, 1). 

Dans la paracha Béréchit, il est en effet mentionné à neuf reprises « L’Eternel dit » – ce sont donc là les neuf premières « paroles » de la Création –, outre le mot « Béréchit [Au commencement] » « qui est lui-même une parole » (Traité talmudique Roch Hachana, page 32/a). Or en rapprochant ces dix Paroles des dix plaies d’Égypte précitées, nous pouvons dégager un parallèle remarquable…

La dernière des « Paroles de la Création » fut en effet : « Je vous accorde tout arbre portant des fruits (…) pour votre nourriture », (Béréchit, 1, 29). Or afin de prouver que cette Création fut ordonnée par D.ieu seulement, l’Egypte fut frappée à l’endroit de sa ressource élémentaire, à savoir le Nil qui se changea en sang. 
Au regard du précepte divin de la Création « Que les eaux fourmillent d’une multitude d’animaux ! », une profusion de grenouilles surgit du fleuve et envahit toute l’Égypte... 

Lorsque la terre fut frappée avec l’apparition de la vermine, c’est la Parole qui créa la terre qui fut concernée : « Que le sol apparaisse ». Les bêtes sauvages furent celles-là mêmes, créées le sixième jour de Béréchit, qui se tournèrent contre les hommes lors de la quatrième plaie. 

La peste émanant d’un « flux astral », son apparition en Égypte pour la cinquième plaie prouva bien Qui créa l’univers tout entier ! Les pustules, pour leur part, dévisagèrent l’apparence et le visage des hommes, les confrontant brusquement à la Parole de la Création : « Faisons l’homme à notre image ! ». 

La grêle tomba du ciel qui fut généré au second jour de la Création. Les sauterelles détruisirent la plus grande partie de la végétation égyptienne, au regard des herbes et des arbres fruitiers créés le troisième jour de la Création. L’obscurité démontra Qui règne encore à tout moment sur la lumière créée au premier jour, et enfin la mort des premiers-nés démontra aux yeux des Egyptiens que le « commencement » [Béréchit] lui-même n’émanait que de la pure Volonté d’un Créateur absolument unique !

A la lumière de ces différents éclairages, nous comprenons l’importance cardinale qu’occupe dans la Torah le récit de ces « catastrophes ». 

Car, pour qui sait y prêter une oreille attentive, le récit de ces dix plaies constitue une remarquable leçon de foi juive et de émouna qui démontra aux yeux du monde entier que Celui Qui créa l’univers continue à l’administrer à tout moment, de génération en génération...