La Paracha Vayakhel débute par l’obligation de respecter le Chabbath : « Car pendant six jours, le travail sera fait et le septième jour sera pour toi saint, une journée de repos absolu en l’honneur d’Hachem ; quiconque travaillera en ce jour sera mis à mort. » [1]

Les commentateurs se penchent sur la formulation énigmatique de ce verset ; on aurait dû lire : « Car pendant six jours, tu travailleras », à la voix active, plutôt que « le travail sera fait », au passif [2].

Ils expliquent que la Torah nous montre l’attitude à adopter, pour avoir la force de s’abstenir de faire une Mélakha (activité interdite) pendant Chabbath. Durant la semaine, la personne doit travailler pour gagner sa vie, elle ne peut pas croiser les bras et attendre que D.ieu subvienne à ses besoins, si elle ne fait aucun effort. Elle doit faire sa Hichtadlout, parce que Hachem en a décrété ainsi depuis la faute d’Adam Harichon. Mais en réalité, sa Hichtadlout (efforts fournis) n’est pas la cause de son succès, c’est Hachem Qui en est l’unique Source.

Pendant Chabbath, Hachem nous ordonne de nous abstenir de toute activité créative, afin d’intérioriser cette idée et le fait que tout le travail de la semaine n’est effectué qu’à cause du décret évoqué. Or, si quelqu’un estime que ses efforts sont l’origine de son gagne-pain, l’arrêt de travail pendant Chabbath lui sera très difficile ; selon lui, plus il travaille, plus il gagne et il trouve donc logique de travailler pendant Chabbath, comme durant la semaine.

En réponse à cette attitude erronée, la Torah nous parle du travail fourni à la voix passive — car en vérité, l’homme ne fait pas le travail, c’est le travail qui est effectué pour lui. Hachem, pour ainsi dire, accomplit le travail et subvient aux besoins de chacun. Si l’on en est conscient, il sera bien plus facile de ne pas travailler pendant Chabbath, car on saura que notre travail n’est, en fait, pas la source de nos revenus [3].

Cet enseignement ne se limite pas aux 39 travaux interdits par la Torah pendant Chabbath. Nos Sages ont instauré l’interdit de parler d’une Mélakha que l’on prévoit de faire en semaine [4]. L’évoquer témoignerait aussi d’une mauvaise compréhension de la leçon du Chabbath, à savoir qu’Hachem subvient aux besoins de la personne. De plus, bien qu’il soit techniquement permis de penser à une Mélakha pendant Chabbath, il est toutefois louable d’éviter complètement ce genre de réflexions [5]. Cela montre que l’on réalise réellement, à travers le Chabbath, qu’Hachem dirige le monde et que le fait de penser à une Mélakha est inutile.

Cette notion est rapportée dans la Guémara : on nous raconte, dans le traité de Chabbath, qu’un homme vertueux vit pendant Chabbath une brèche dans la barrière qui entourait son champ. Il programma de la réparer en semaine, puis se souvint que c’était Chabbath et se sentit coupable d’avoir pensé à une Mélakha pendant Chabbath. Pour montrer son regret, il décida de ne jamais réparer cette clôture et, en récompense, un câprier poussa miraculeusement, ce qui lui permit de subvenir aux besoins de toute sa famille [6]. Deux questions se posent concernant cette Guémara.

Tout d’abord, pourquoi a-t-il décidé de ne jamais restaurer la barrière : en quoi était-ce une bonne chose et comment cela pouvait-il rectifier son erreur ? Deuxièmement, comment comprendre la récompense décernée, en quoi était-ce mesure pour mesure, une réponse à la décision qu’il prit de ne jamais colmater la brèche ?

Nous pouvons répondre à ces interrogations grâce au principe que nous avons énoncé. Lorsque cet homme vertueux vit l’état de la barrière, il prévit de la réparer, oubliant momentanément l’enseignement de Chabbath ; Hachem est la Source de notre subsistance et les efforts de l’homme n’ont aucune valeur, sans Son aide. Pour rectifier son « erreur », il décida de ne jamais arranger la barrière, afin de montrer qu’il était en réalité conscient que ses efforts n’étaient pas l’origine de son gagne-pain. Hachem lui montra qu’il avait bien réagi et, mesure pour mesure, Il lui fournit une nouvelle source de revenus ; un câprier qui poussa sans aucune contribution humaine ! C’était la preuve qu’Hachem peut subvenir aux besoins d’une personne indépendamment de sa Hichtadlout.

Il est très difficile, durant la semaine, de ne pas se laisser duper à croire que la Hichtadlout de l’homme lui permet de vivre et qu’Hachem n’est pas le Seul à subvenir à nos besoins. Le Chabbath nous offre l’opportunité de voir clairement que toute notre Hichtadlout est, en fin de compte, inutile [7].

Pendant Chabbath, tandis que les gens continuent de travailler dur pour gagner leur vie, les Juifs pratiquants cessent ces activités, reconnaissant qu’Hachem dirige le monde sans avoir besoin de la participation de l’homme. Comme nous l’avons expliqué, cette idée ne s’exprime pas seulement lorsque l’on s’abstient de faire une Mélakha, mais cela s’applique également lorsque l’on se garde de parler d’une lakha. Le plus haut niveau est atteint quand on évite de penser à une lakha que l’on doit faire. Tous ces interdits sont censés nous faire réaliser que toutes nos réalisations de la semaine ne voient le jour que parce qu’Hachem le désire.

Puissions-nous tous mériter de respecter le Chabbath sans faire, parler ou penser à une lakha.

 


[1] Parachat Vayakhel, Chémot 35:2.

[2] Voir Parachat Yitro, Chémot 20:9 « Tu travailleras » et Parachat Ki Tissa, Chémot 31:15 où il est écrit « le travail sera fait ».

[3] Voir Tallelé Oroth, Parachat Vayakhel, p. 279; Darké Moussar, Parachat Vayakhel, p. 136-137.

[4] Choul’han 'Aroukh, Ora’h ‘Haïm, siman 307. Saïf1. À l’exception d’une Mélakha qui implique une certaine Mitsva (Voir Michna Beroura, s.k.1, pour les détails concernant cette approbation).

[5] Siman 306, Saïf 8.

[6] Chabbath 150 b, selon l’explication du Taz, siman 307, s.k. 4.

[7] Comme nous l’avons souligné plus haut, cela ne signifie pas qu’il ne faut faire aucune Hichtadlout – depuis la faute d’Adam Harichon, il fut décrété que l’homme devait « travailler à la sueur de son front ».